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BAS-RELIEFS MYSTÉRIEUX : BOURGES.

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funèbre. Du reste j’entends dire qu’avec ce joujou on amuse les ours captifs, qui se passent
leur mauvaise humeur par ce moyen dans leur cage. Peut-être ici ne faut-il y voir
qu’une ressource d’ornementation, pour recevoir la retombée de l’arc qui amortit le tympan;
afin de sauver à l’œil la rencontre disgracieuse d’une ligne courbe et d’une ligne droite
sous un angle très-aigu1. Quant à la signification générale, elle me semble indiquée par
cette parodie que je me permets sur une entrée en matière où se reconnaît notre grand
fabuliste champenois sans qu’on le nomme :
« Renard s’en allait tristement
S’emparer de son dernier gîte.
Canteclair s’en allait gaiement
Enterrer son mort au plus vite.
Notre défunt était en carrosse porté,
Bien et dûment empaqueté;
Et vêtu d’une robe, hélas ! qu’on nomme bière :
Robe d’hiver, robe d’été,
Que les morts ne dépouillent guère. »
A ces dernières rimes, la Fontaine ne peut plus nous servir, quoique Brun l’ours puisse
absolument, pour cet enterrement civil ou animal, faire fonction du curé :
« Messire Jean Ghouart couvant des yeux son mort,
Comme si l’on eût dû lui ravir ce trésor. »
En l’état où nous voyons le malin qui n’a pas intention d’être mis au cimetière, il a bien
la mine d’avoir eu pour tout cercueil son char funèbre. D’ailleurs, suivant l’histoire, la
bête scélérate venait d’être pendue ou suppliciée de façon quelconque pour plus d’un mé-
fait criant2; et ses funérailles avaient dû être lestement menées, sans soins de luxe, si ce
n’était la vengeance des animaux les plus maltraités par elle et qui se promettaient de rire
à son enterrement. Elle aura donc été mise sans trop de cérémonie sur le corbillard à
deux roues (tombereau, à vrai dire), et acheminée de la sorte vers la fosse. Durant ce
trajet, le méchant si coutumier de faire le mort3 se sera redressé tout doucement sur ses
pattes, et déjà il se prépare à dévorer son attelage qui chemine tête haute, se disant :
« Monsieur le mort, laissez-nous faire. »
L’ours, si peu malin que le fasse la légende populaire, paraît n’être pas sans défiance;

1. Quelqu’un pourrait imaginer qu’au lieu de l’ours,
nous aurions là un tigre avec son globe de lierre. Cf. supra,
p. 138,etc. Toutefois ni les fables sur le renard, niTintention
présumable de l’artiste ici, autant que j’en puisse juger,
n’autorisent à supposer un animal asiatique dans notre bas-
relief. Sauf le lion, roi des bêtes, on ne voit guère figurer
ordinairement aux aventures de maître renard que la faune
de nos climats occidentaux.
2. Mon opinion rTest pas absolument conforme à tous les
arrêts de la science, et je ne veux point écarter plus que
de droit les conclusions prises par M. A. Rothe dans
son examen, analyse et comparaison des Romans du Renard
(p. 193, svv.; et 258, svv.). Mais il se peut très-bien que
notre exemplaire du Golpis de Bourges soit quasi avant
la lettre, c’est-à-dire de première main; plus populaire que
littéraire, et déterré tardivement par les rhapsodes.

3. Cï.supra,p. 127, sv.; et 1 h'r, item, Iro série, t. II, pl. XXI,
figure AI; et pl.XXX, le Gopil. Mais à la page 1 44 ci-dessus,
il s’agissait particulièrement d'une méchanceté faite au
coq par maître renard, tandis que ce chanteur ferme les
yeux pour jouir lui-même de sa mélodie. Cf. Rothe, les
Romans du Renard, p. 48, 89, 93, 255.
Cette épée de chevet prêtée à notre héros par tous les
bestiaires n’est citée dans le poëme que comme en pas-
sant. Mais l’auteur s’y appesantit avec une diffusion
presque abusive, même pour l’époque. Citons un extrait
publié par M. Chabaille (le Roman du Renard, supplément,
p. 249, svv.) :
« Or est Renars dessus le fain (foin),
Si prie Dieu et sainct Germain
Que il li envoit à mengier
 
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