Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
MÉLANGES d’ARCHÉOLOGIE.

22(>
de satire historique sous le roman du Renard, c’est ce qu’on accorde sans peine; et le
nom générique de l’animal lui-même supplanté dans tous les dialectes français par
le nom propre du personnage mis en pasquinade , en serait une preuve presque
suffisante1. Mais nul jusqu’à nos jours n’avait eu l’idée, que je sache, d’y soupçonner
l’histoire des royaumes d’Espagne. Les rancunes et malices primitives contre un officier
de Zwentibold, se sont tournées à la longue en mascarade des faiblesses et passions
humaines, à quelque pays qu’elles appartinssent; non pas en traduction de chroniques,
qui fussent devenues ridiculement indéchiffrables et livrées à l’interprétation arbitraire
du premier venu.
Lorsque ceci était déjà préparé pour l’impression, le célèbre architecte anglais
M. Goldie m’a fait connaître une voussure de Saint-Zénon de Vérone, où deux coqs
portent aussi le renard en terre. Mais là nos deux gallinacés emploient l’artifice signalé
par la Fontaine dans sa fable du Meunier, son Fils et ïAne :
« Afin qu’il fût plus frais et de meilleur débit,
On lui lia les pieds, on vous le suspendit;
Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre. »

J’ignore comment se terminait le récit adopté pour motif par le sculpteur lombard;
vu que les quatre pattes de la bête, attachées deux à deux, devaient rendre la délivrance
plus difficile. Cependant il semble bien que le dénoûment dût être le même, puisqu’à
la suite du convoi paraît un chat croquant une souris, ou un chien terrier étranglant
un rat. On peut donc compter que les deux oiseaux payeront cher la joie de ces funé-
railles auxquelles ils ont mis tant de bon vouloir.
Voilà le vrai fond de ce qui s’en retrouve dans nos monuments civils ou ecclésiastiques,
aussi bien que sous les mains modernes de Gœlhe ou de Kaulbach.
Que voudra donc dire à Bourges notre convoi funèbre qui se tourne en mystification
pour les croque-morts? Ce sera par exemple une maxime comme celle-ci : «N’insultez
pas aux malheureux. » Ou bien une leçon de prudence2 pour ne point s’abandonner
étourdiment aux premières joies du succès.
Si l’on veut s’élever un peu plus haut, jusqu’aux préceptes du Nouveau Testament,
pourquoi ne liraît-on pas ici quelque chose comme la leçon de saint Pierre (I Petr. v, 8)

» sentido historico que encierran esas figuras noe maticas
» de que tanto usaron los Arabes(I) para eomunicarse. Etc. »
J’ignore ce qu’aurait pu dire Cervantès, de ce style
moitié français, moitié allemand, qu’il n’eût probablement
pas même compris; mais combien n’est-il pas triste de
voir jusqu’où l’Espagne a pu être dévoyée par soixante ans
de guerres étrangères et civiles !
« Fille des rois, qu’êtes-vous devenue ! »
1. Cette remarque, que j’avais signalée à l’attention des
hommes impartiaux, dès mon premier travail sur le Bes-
tiaire, n’a pas échappé à la sagacité de M. A. Rothe. Cf. les
Romans clu Renard examinés, analysés el comparés..., p. 8,
10, 12 ; 13, svv.; 23, svv.
2. Si je ne réservais une place prochaine pour ce
genre d’enseignement très-cultivé par nos pères, je pour-

rais donner ici plus d’un dicton tiré des romans français
de Renart. En voici du moins quelques-uns qui ne seront
pas trop mal placés en cet endroit :
« Tel cuide gaignier qui pert.
— On dit de qui a mal voisin.
Que il a sovent mal matin.
— Moult remaint de ce que foux pense.
— Moult y a entre fere et dire.
— ... Entre bouche et quillier,
Avient sovent grant enconbrier.
— Qui mal chasse, mal li avient.
— Unjor de respit, cent sols vaut.
— Après grant joie, vient grant ire. Etc. »
Le moyen âge se refusait si peu à faire venir la sagesse
humaine (prud’homie) au secours de la morale chré-
 
Annotationen