BAS-RELIEFS MYSTÉRIEUX : CüNAULT-SUR-LOIRE.
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Or, si vers la fin du xne siècle l’usage de se raser devint à peu près général, comme il
semble1, le clergé aura commencé peut-être à faire le contraire. D’ailleurs l’Allemagne
s’est presque toujours piquée d’avoir des chapitres et des monastères exclusivement nobles,
qui n’admettaient aucun membre roturier. On aura donc bien pu y tenir aux usages de la
noblesse, alors même que la plus grande partie des clercs étaient astreints à se soumettre
au rasoir, du moins tous les huit jours (comme parlent certains coutumiers).
Pour la calotte du confesseur, nous pourrions remonter très-haut, si l’on veut croire
que le pileolus envoyé en cadeau à saint Jérôme sur ses vieux jours par son ami Paulin,
était bien la calotte moderne2, ou à peu près. Avec l’usage de l’ancienne tonsure, qui du
reste fut bientôt laissée aux moines, la calotte dut prendre faveur. Ceux qui ont vu, au
commencement de notre siècle, les petits enfants de choeur des cathédrales avec la cheve-
lure totalement rasée, comprendront fort bien qu’un couvre-chef fût utile durant les longs
offices, surtout en hiver. Les vieilles gens étaient de cet avis pour eux-mêmes ; aussi,
après bien des interdictions fulminées par les évêques ou les conciles, la calotte finit par
obtenir le nom de soit Deo, parce qu’on ne fêtait plus que pour le Saint-Sacrement3.
XI. — CUNAULT-SUR-LOIRE (page 243).
Ces bas-reliefs singuliers ne paraîtront guère ici que pour figurer comme renvois à
un autre livre. Le P. Arthur Martin les avait gravés et expliqués pour la Société des anti-
quaires de France ; et, après sa mort, son travail a paru dans le tome XXIII des Mémoires
publiés par cette compagnie. Lecture en avait été faite par lui dès 1853; mais demeurée
(oubliée, peut-être) en portefeuille par l’auteur, la notice rédigée depuis si longtemps
fut réclamée auprès de moi quand on apprit le décès de mon confrère, et prit place dans
le volume de l’année suivante (1857).
M. l’abbé Auber, historiographe du diocèse de Poitiers, est revenu dernièrement sur ce
bas-relief dans le IVe volume de son Histoire et théorie du symbolisme religieux avant et depuis
le christianisme (page 447, svv.). J’ai déjà dit que nous n’avions pas coutume de suivre
la même route, et ne veux pas le prendre à partie en ce moment sur de petits détails
plus ou moins problématiques. Tenons-lui compte du titre de vénérable accordé à mon
ancien collaborateur, dans l’espoir consolant que nous serons aussi enguirlandé de quel-
ques adjectifs honorifiques après décès4. Ce que je regrette le plus dans la grande publi-
cation de l’éloquent chanoine, ce n’est pas seulement l’absence continue de gravures,
1. Cf. A. Cahour, Baudouin de Constantinople, p. 7h.
L’historien, à cette occasion, dit que Louis VII avait pu-
blié une ordonnance sur cette matière, et qu’un anachro-
nisme des barbiers-perruquiers leur a fait choisir saint
Louis comme patron. Louis IX aura été pris fort gra-
tuitement pour l’auteur de l’extension d’emploi donné au
rasoir par son homonyme, quoiqu’il fût question d’un pré-
décesseur à quatre-vingts années en arrière.
2. Cf. Sarnelli, Lettere ecclesiastiche, t. IV, lett. xxv.
3. Idem, ibid., ett. 1, lett. x etxv.
h- On dit que Cavoie (le Cavois de Boileau), passant le
Rhin sous les yeux de Louis XIV, joua (fort innocemment)
un mauvais tour à ses amis en ne se noyant pas. Il avait
d’abord disparu dans le nuage de fumée, ou même sous l’eau
du fleuve peu guéable; et tous les courtisans (demeurés à sec
sur la rive droite autour du roi) de s’exclamer en chœur sur
la perte du beau, du brave gentilhomme qui..., dont les an-
técédents..., que..., etc. ! D’autant que Louis XIV lui-même
venait de dire : «Quel chagrin ce sera pour M. de Turenne ! »
Sur quoi il fallait bien amplifier un peu ; mais héroïque
n’était pas encore épithète d’usage quotidien. Cavoie étant
revenu avec un bonheur insolent, et chargé même par le
prince de Condé, de dire que tout allait bien sur l’autre
bord, nombre de panégyristes eussent volontiers avalé leurs
langues si ç’avait été bon moyen de supprimer des éloges
trop tôt prodigués à un rival qui vivait encore pour sou-
tirer la faveur royale.
Ce que j’en dis n’est pour rien viser particulièrement,
quoique notre siècle puisse m’offrir quelque application
I. — 31
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Or, si vers la fin du xne siècle l’usage de se raser devint à peu près général, comme il
semble1, le clergé aura commencé peut-être à faire le contraire. D’ailleurs l’Allemagne
s’est presque toujours piquée d’avoir des chapitres et des monastères exclusivement nobles,
qui n’admettaient aucun membre roturier. On aura donc bien pu y tenir aux usages de la
noblesse, alors même que la plus grande partie des clercs étaient astreints à se soumettre
au rasoir, du moins tous les huit jours (comme parlent certains coutumiers).
Pour la calotte du confesseur, nous pourrions remonter très-haut, si l’on veut croire
que le pileolus envoyé en cadeau à saint Jérôme sur ses vieux jours par son ami Paulin,
était bien la calotte moderne2, ou à peu près. Avec l’usage de l’ancienne tonsure, qui du
reste fut bientôt laissée aux moines, la calotte dut prendre faveur. Ceux qui ont vu, au
commencement de notre siècle, les petits enfants de choeur des cathédrales avec la cheve-
lure totalement rasée, comprendront fort bien qu’un couvre-chef fût utile durant les longs
offices, surtout en hiver. Les vieilles gens étaient de cet avis pour eux-mêmes ; aussi,
après bien des interdictions fulminées par les évêques ou les conciles, la calotte finit par
obtenir le nom de soit Deo, parce qu’on ne fêtait plus que pour le Saint-Sacrement3.
XI. — CUNAULT-SUR-LOIRE (page 243).
Ces bas-reliefs singuliers ne paraîtront guère ici que pour figurer comme renvois à
un autre livre. Le P. Arthur Martin les avait gravés et expliqués pour la Société des anti-
quaires de France ; et, après sa mort, son travail a paru dans le tome XXIII des Mémoires
publiés par cette compagnie. Lecture en avait été faite par lui dès 1853; mais demeurée
(oubliée, peut-être) en portefeuille par l’auteur, la notice rédigée depuis si longtemps
fut réclamée auprès de moi quand on apprit le décès de mon confrère, et prit place dans
le volume de l’année suivante (1857).
M. l’abbé Auber, historiographe du diocèse de Poitiers, est revenu dernièrement sur ce
bas-relief dans le IVe volume de son Histoire et théorie du symbolisme religieux avant et depuis
le christianisme (page 447, svv.). J’ai déjà dit que nous n’avions pas coutume de suivre
la même route, et ne veux pas le prendre à partie en ce moment sur de petits détails
plus ou moins problématiques. Tenons-lui compte du titre de vénérable accordé à mon
ancien collaborateur, dans l’espoir consolant que nous serons aussi enguirlandé de quel-
ques adjectifs honorifiques après décès4. Ce que je regrette le plus dans la grande publi-
cation de l’éloquent chanoine, ce n’est pas seulement l’absence continue de gravures,
1. Cf. A. Cahour, Baudouin de Constantinople, p. 7h.
L’historien, à cette occasion, dit que Louis VII avait pu-
blié une ordonnance sur cette matière, et qu’un anachro-
nisme des barbiers-perruquiers leur a fait choisir saint
Louis comme patron. Louis IX aura été pris fort gra-
tuitement pour l’auteur de l’extension d’emploi donné au
rasoir par son homonyme, quoiqu’il fût question d’un pré-
décesseur à quatre-vingts années en arrière.
2. Cf. Sarnelli, Lettere ecclesiastiche, t. IV, lett. xxv.
3. Idem, ibid., ett. 1, lett. x etxv.
h- On dit que Cavoie (le Cavois de Boileau), passant le
Rhin sous les yeux de Louis XIV, joua (fort innocemment)
un mauvais tour à ses amis en ne se noyant pas. Il avait
d’abord disparu dans le nuage de fumée, ou même sous l’eau
du fleuve peu guéable; et tous les courtisans (demeurés à sec
sur la rive droite autour du roi) de s’exclamer en chœur sur
la perte du beau, du brave gentilhomme qui..., dont les an-
técédents..., que..., etc. ! D’autant que Louis XIV lui-même
venait de dire : «Quel chagrin ce sera pour M. de Turenne ! »
Sur quoi il fallait bien amplifier un peu ; mais héroïque
n’était pas encore épithète d’usage quotidien. Cavoie étant
revenu avec un bonheur insolent, et chargé même par le
prince de Condé, de dire que tout allait bien sur l’autre
bord, nombre de panégyristes eussent volontiers avalé leurs
langues si ç’avait été bon moyen de supprimer des éloges
trop tôt prodigués à un rival qui vivait encore pour sou-
tirer la faveur royale.
Ce que j’en dis n’est pour rien viser particulièrement,
quoique notre siècle puisse m’offrir quelque application
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