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MÉLANGES D’ARCHÉOLOGIE.

ne jalonnent pas la route, mais l’encombrent. Qui cherchera en ces pages l’enseigne-
ment des anciennes sculptures, n’en veut peut-être pas si long toutefois; et je me
garderai, en effet, de pareille digression qui figurerait mieux dans une histoire lit-
téraire de la théologie morale.
A ne prendre cependant que l’histoire d’Angleterre quasi contemporaine de nos
sculptures, nous trouvons passablement trace des distinctions entre péchés. Un chro-
niqueur racontant la mort (ou quelque menace de trépas antécédente) du violent
Richard Cœur-de-Lion, raconte à peu près ce dialogue entre un prêtre et le batailleur
couronné : « Roi, séparez-vous décidément de vos hiles. — Qu’est-ce que cette plaisan-
terie ? Vous savez bien que je n’ai pas d’enfants auxquels il me faille pourvoir. —
Tout le monde sait, au contraire, que vous en avez bel et bien trois, qui sont votre
principal souci depuis longtemps. Votre fille aînée s’appelle orgueil ou ambition, la
cadette se nomme dureté ou cruauté, et la troisième est luxure. »
Quoique je manque de données sur l’ordre que mes chapiteaux anglais présen-
tent au visiteur de la crypte, et sur ce qu’il a pu intervenir de dérogations au
programme primitif par les remaniements du xme siècle, j’ai donné le pas à la
gourmandise. En cela nous avons pour guide Cassien lui-même, qui avait répandu
chez nous la partition doctrinale des ascétiques d’Orient '. Ce début dans le classe-
ment des péchés convient d’ailleurs à un examen de conscience tracé pour la race
germanique. Aussi Luther, connaissant bien son monde, a-t-il promptement fait
disparaître jeûnes et abstinences dans son calendrier. L’Eglise anglicane, moins radi-
cale, en conserve les noms sans l’usage. Grecs, Africains, Asiatiques, et même Euro-
péens méridionaux, plaident beaucoup moins pour leur estomac, et se grisent sur-
tout de haine ou d’orgueil. C’est ce qui expliquerait pourquoi Cassien (ve conférence)
et saint Isidore s’étendent si peu au sujet des plaisirs de la table. Nous sommes
sur un autre terrain avec YOrdo pœnitentium qui passe pour appartenir au diocèse de
Constance 1 2. Là, on pèse d’avantage les conséquences périlleuses d’un excès dans le
boire et le manger, comme ayant affaire à gens dont c’est le côté faible.
Pour Cantorbéry, le chapiteau A (page 2à9) me semble montrer les réjouissances d’un
festin où l’on ne s’est pas épargné la réfection. On a bu à large coupe, et mangé
en conséquence. On se divertit à la fin du repas, et l’on folâtre avec ses amis. Vin ou
cervoise ont amené ce moment dont Horace disait3 :
« Tu spem reducis mentibus anxiis,
Viresque; et addis cornua pauperi. »
Jusque-là ce n’était que joyeuseté, commessationes, et même inepta lœtitia 4. Mais,

1. Il énonce lui-même sa doctrine comme empruntée
à l’abbé Serapion, d’Égypte.
2. Cf. D. Pez, Thesaur. t. II, P. Il, p. 619: « De gula
» nascitur ineptalætitia, scurrilitas, levitas, vaniloquium,
» immunditia corporis, instabilitas mentis, ebrietas, li-
» bido, immoderata satietas, crapula. »
Dans l'Ile-de-France même, au xc siècle, Abbon de Saint-
Germain des Prés, insistait sur les hontes de l’ivrognerie
(ap. d’Achery, Spicileg. t. IX, p. 88, sq.) : «De ebrietate
» vere castigo vos, fratres nostri concives, ut declinetis et

» non teneatis eam in usu : quia ebrietas nullum vitium
» excusât, sed omnia peccala générât, et est magnum et
» generale peccatum. Nam ista ebrietas quam tenetis a
» mane usque ad noctem profundam, est perditio anima-
» rum vestrarum. Vere nunquamhabebitisvitam æternam,
» nisi per abstinenliam a crapula et ebrietate; hoc est a
» nimia comestione et potatione. Etc. »
3. Ad amphoram, Carm. libr. III, xxi.
l\. Cf. Joann. Sarisberiens. Policratic., libr. VIII, cap. vi
etx.
 
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