218
CHAPITRE V
l’auditoire, excité par la véhémence d’un orateur, jurait de partager le sort qui l’attendait
au milieu des dangers qui menaçaient la liberté.
Les membres rebelles de la Commune connaissaient aussi sa fidélité à leur cause, car
lorsqu’on leur amena dans la salle du Conseil général les Commissaires de la section des
Arcis qui lisaient à haute voix, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, la proclamation de la
Convention nationale mettant hors la loi Robespierre et ses complices, le maire de Paris,
Fleuriot Lescot, en remarquant parmi les signataires le nom de David, s’écria « que cette
pièce était une scélératesse de plus de la part des intrigants, parce qu’il était d’autant plus
sûr que David ne l’avait pas signée, qu’il était malade chez lui ».
Enfin, grâce à cette maladie, qui épargna à la France la douleur d’avoir à regretter
les chefs-d’œuvre que créèrent depuis les pinceaux de David, il échappa aux premiers
coups portés par la colère et la vengeance; et la peur était disparue, la confiance même
était revenue, quand ses collègues de la Convention songèrent à lui.
Ce fut à la séance du 13 thermidor qu’André Dumont, qui avait répandu la terreur
dans le département de la Somme, dénonça ainsi David à la Convention :
« Citoyens, d’après l’attitude majestueuse et imposante que vous avez prise, d’après
cette sublime énergie dont vous avez donné un si frappant exemple, souffrirez-vous qu’un
traître, un complice de Catilina, siège encore dans votre Comité de sûreté générale? Souf-
frirez-vous que David, cet usurpateur, ce tyran des arts, aussi lâche qu’il est scélérat,
souffrirez-vous, dis-je, que ce personnage méprisable, qui ne se présenta pas ici dans la
mémorable nuit du 9 au 10, aille encore impunément dans les lieux où il médite l’exécution
des crimes de son maître, du tyran Robespierre? Le moment est arrivé, citoyens; il faut
faire disparaître les ombres du scélérat dont la France vient d’être débarrassée ; il faut
conserver cette énergie, sauvegarde de la liberté, il faut conserver cet héroïsme, sauveur
de la patrie.
» David n’est pas le seul qui ait été vendu à Robespierre ; la cour de ce Cromwell
n’est pas encore anéantie. Ses ministres, sur la figure desquels on lit le crime, seront bientôt
démasqués : je jure de les poursuivre jusqu’à la mort; mais en ce moment je me borne à
demander que le traître David soit à l’instant chassé du Comité, et qu’il soit procédé à son
remplacement. »
Un autre député se lève pour dénoncer aussi Jagot, membre du Comité de sûreté
générale, comme s’étant, suivant son habitude, caché durant la nuit périlleuse du 9 au
10 thermidor. Donnant suite à la proposition de Dumont, la Convention décrète successive-
ment que Jagot, Lavicomterie et David seront remplacés. A ce moment, ce dernier entre
dans la salle, et, apprenant qu’il était question de lui, il demande à être entendu; la
Convention le lui accorde.
« Je ne connais pas, dit-il, les dénonciations qui ont été faites contre moi ; mais
personne ne peut plus m’inculper que moi-même. On ne peut concevoir jusqu’à quel point
ce malheureux m’a trompé. C’est par ses sentiments hypocrites qu’il m’a abusé, et, citoyens,
il n’aurait pas pu y parvenir autrement. J’ai quelquefois mérité votre estime par ma
franchise. Eh bien! citoyens, je vous supplie de croire que la mort est préférable à ce que
CHAPITRE V
l’auditoire, excité par la véhémence d’un orateur, jurait de partager le sort qui l’attendait
au milieu des dangers qui menaçaient la liberté.
Les membres rebelles de la Commune connaissaient aussi sa fidélité à leur cause, car
lorsqu’on leur amena dans la salle du Conseil général les Commissaires de la section des
Arcis qui lisaient à haute voix, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, la proclamation de la
Convention nationale mettant hors la loi Robespierre et ses complices, le maire de Paris,
Fleuriot Lescot, en remarquant parmi les signataires le nom de David, s’écria « que cette
pièce était une scélératesse de plus de la part des intrigants, parce qu’il était d’autant plus
sûr que David ne l’avait pas signée, qu’il était malade chez lui ».
Enfin, grâce à cette maladie, qui épargna à la France la douleur d’avoir à regretter
les chefs-d’œuvre que créèrent depuis les pinceaux de David, il échappa aux premiers
coups portés par la colère et la vengeance; et la peur était disparue, la confiance même
était revenue, quand ses collègues de la Convention songèrent à lui.
Ce fut à la séance du 13 thermidor qu’André Dumont, qui avait répandu la terreur
dans le département de la Somme, dénonça ainsi David à la Convention :
« Citoyens, d’après l’attitude majestueuse et imposante que vous avez prise, d’après
cette sublime énergie dont vous avez donné un si frappant exemple, souffrirez-vous qu’un
traître, un complice de Catilina, siège encore dans votre Comité de sûreté générale? Souf-
frirez-vous que David, cet usurpateur, ce tyran des arts, aussi lâche qu’il est scélérat,
souffrirez-vous, dis-je, que ce personnage méprisable, qui ne se présenta pas ici dans la
mémorable nuit du 9 au 10, aille encore impunément dans les lieux où il médite l’exécution
des crimes de son maître, du tyran Robespierre? Le moment est arrivé, citoyens; il faut
faire disparaître les ombres du scélérat dont la France vient d’être débarrassée ; il faut
conserver cette énergie, sauvegarde de la liberté, il faut conserver cet héroïsme, sauveur
de la patrie.
» David n’est pas le seul qui ait été vendu à Robespierre ; la cour de ce Cromwell
n’est pas encore anéantie. Ses ministres, sur la figure desquels on lit le crime, seront bientôt
démasqués : je jure de les poursuivre jusqu’à la mort; mais en ce moment je me borne à
demander que le traître David soit à l’instant chassé du Comité, et qu’il soit procédé à son
remplacement. »
Un autre député se lève pour dénoncer aussi Jagot, membre du Comité de sûreté
générale, comme s’étant, suivant son habitude, caché durant la nuit périlleuse du 9 au
10 thermidor. Donnant suite à la proposition de Dumont, la Convention décrète successive-
ment que Jagot, Lavicomterie et David seront remplacés. A ce moment, ce dernier entre
dans la salle, et, apprenant qu’il était question de lui, il demande à être entendu; la
Convention le lui accorde.
« Je ne connais pas, dit-il, les dénonciations qui ont été faites contre moi ; mais
personne ne peut plus m’inculper que moi-même. On ne peut concevoir jusqu’à quel point
ce malheureux m’a trompé. C’est par ses sentiments hypocrites qu’il m’a abusé, et, citoyens,
il n’aurait pas pu y parvenir autrement. J’ai quelquefois mérité votre estime par ma
franchise. Eh bien! citoyens, je vous supplie de croire que la mort est préférable à ce que