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CHAPITRE V

» Voilà donc l’exacte vérité, à quoi se réduit le fait si simple sur lequel on s’est appuyé
pour me créer le caractère atroce des Marins et des Sylla.
» Voilà sur quel fondement on a élevé cet échasaudage de projets sanguinaires, cette
haine de mes rivaux, ces désirs de vengeance et toute cette série d’imputations révoltantes
qui exercent un empire absolu sur les esprits crédules, et par lesquelles, dans un temps de
révolution où tant de passions funestes ont presque déshonoré la nature humaine, on est
sûr de saisir l’imagination du peuple avec une force presque irrésistible.
» C’est là, on n’en saurait douter, le secret, et j’oserais presque dire le mécanisme,
de la persécution dirigée contre moi.
» Qu’ils ont bien connu la nature de l’esprit humain ceux qui, pour m’accuser et me
flétrir dans l’opinion publique, ont choisi un temps et des circonstances où la prévention
est pour ainsi dire à l’ordre du jour; où le peuple, violemment ému par le souvenir d’un
pressant danger, saisit avec avidité les moindres rapprochements propres à le mettre sur la
trace de ses ennemis ; où, l’âme ouverte à toutes les impressions de la vengeance, livré à
toutes les impulsions du ressentiment, il embrasse avec ardeur jusqu’aux plus fausses
apparences ; un temps, enfin, où l’erreur, usurpant l’empire de la vérité, offre aux passions
déchaînées l’affreux plaisir de sacrifier l’innocence, vainement retranchée dans sa conscience
et réclamant pour tout appui la justice et les lois !
» Oui, la persécution que j’éprouve, malgré les précautions que j’ai prises pour l’éviter,
me démontre que ce calcul odieux est entré dans les combinaisons de la haine qui me pour-
suit, et l’art perfide avec lequel on a su tourner en accusation des propos vagues, insigni-
fiants ou contradictoires, décèle de toutes parts cette barbare intention. Je le demande à
tout homme impartial : si l’on n’eût pas compté sur les funestes effets de la prévention et
sur les moyens mis en usage pour l’entretenir, aurait-on osé m’accuser d’avoir voulu faire
périr mes rivaux par des listes de proscription remises au Comité révolutionnaire?
» J’étais membre du Comité de sûreté générale; je jouissais de quelque popularité, et
l’on sait que ce Comité n’accueillait que trop facilement les dénonciations qui lui étaient
faites, et que l’effet en était sûr, lorsqu’elles étaient présentées par un de ses membres.
» Si j’avais eu l’âme atroce qu’on me suppose, aurais-je eu besoin d’un Comité révolu-
tionnaire pour faire arrêter les hommes qu’on m’accuse d’avoir persécutés ; ne l’aurais-je
pas fait plus sûrement, avec moins d’éclat et de danger par la voie du Comité de sûreté
générale? Et comment concevoir que, lorsque je pouvais me couvrir de l’autorité de ce
Comité, dont les opérations étaient d’ailleurs secrètes, j’aie préféré de mettre dans ma
confidence tout un Comité révolutionnaire qui, pourtant, suivant les déclarations citées,
s’est refusé à l’exécution de mon vœu, sous prétexte que je n’ai point signé la liste
qu’on m’impute.
» D’ailleurs, où sont les hommes que j’ai fait arrêter?
» On dit que ce sont mes rivaux. Pourquoi donc ne les noiiime-t-on pas? Pourquoi ne
se présentent-ils pas eux-mêmes pour m’accuser ?
» Quoi ! j’ai été un tyran, un oppresseur, un persécuteur, et l’on n’entend pas une seule
des nombreuses victimes de mon injustice; on n’ose pas citer un seul nom! On sait qu’il
 
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