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CHAPITRE VII

Les yeux de ce respectable vieillard se remplissaient de larmes en écoutant la poésie
qu’avait composée et que lisait le fils aîné de David, alors âgé de seize ans. Delécluze, le
poète de l’atelier, avait aussi écrit quelques vers de circonstance qui obtinrent un grand
succès et dont on redemanda la lecture. Après un discours de Gautherot, sur le but moral
des beaux-arts, Mno Maillard, de VOpéra et Mme Porta, la femme de ce compositeur que
David avait ramené de Rome, chantèrent quelques morceaux de musique italienne, qui était
alors très goûtée en France, et pour laquelle David était passionné. Le bon Vien, extrême-
ment ému des preuves d’affection que lui prodiguaient si cordialement les jeunes artistes,
s’écriait en les embrassant . « Il faut que je meure de plaisir aujourd’hui, ou je vivrai cent
ans ! » Tous applaudirent à cette expression de bonheur et l’écoutèrent respectueusement,
quand, s’animant au récit de ses efforts pour relever les arts, il ajouta : « Oui, mes enfants,
quand j’embrassai la peinture, je vis quelle s’égarait dans de faux systèmes. Je me dis,
il faut que cela change, et cela sera. J’ai combattu, j’ai persévéré et cela a été. »
Cette fête, dans laquelle David était heureux de témoigner sa reconnaissance au
maître dont il se considérait toujours comme l’élève, rappelait au public, souvent prompt à
s’égarer dans son enthousiasme, que l’école, dont les succès étaient alors éclatants, était
sortie de Vien, qui le premier avait ramené l’art à la nature. Il avait eu aussi le bonheur
de rencontrer parmi ses disciples un talent qui, s’emparant de ses principes, les avait
établis sur des bases plus larges et plus solides ; qui avait enfin, par son autorité morale,
maintenu l’école dans la bonne voie qu’elle aurait promptement abandonnée, si elle n’avait
eu pour guides que les autres élèves ou les imitateurs de Vien.
Les Sabines terminées, David s’était attaché à la composition d’un fait héroïque
emprunté à l’histoire de la Grèce. Il avait entrepris de peindre, ainsi que nous l’avons dit
déjà, Léonidas et les Spartiates au passage des Thermopyles.
On sait qu’une lecture, une conversation, un incident suffisent pour enfanter une idée
dans le cerveau d’un artiste. David, qui fréquentait beaucoup le théâtre, avait peut-être
ressenti la première impression de sa composition dans une pièce de Léonidas., qui fut
représentée à cette époque; et les grands travaux qu’il avait proposés aux Consuls, pour
honorer les soldats de la République, avaient encore échauffé son imagination.
Delécluze nous dit dans son ouvrage, que son maître entretenait souvent ses élèves
des projets de tableaux qui l’occupaient, et qu’en cette circonstance il leur donna ce même
sujet de Léonidas, pour le concours mensuel d’esquisses qu’ils faisaient entre eux.
Tous peignirent Léonidas, entraînant ses compagnons au combat, ou expirant sous le
nombre de ses ennemis.
David avait choisi un autre moment. Comme dans les Horaces, il abandonnait le fait
matériel et dramatique, qui se présente le premier à l’esprit, pour l’instant où ses héros,
animés de l’amour de la patrie, prennent la résolution de sacrifier leur vie. Il aspirait à faire
pénétrer dans l’âme du spectateur les pensées de Léonidas se préparant à combattre et à
mourir. En effet, ce n’est pas toujours quand le sang coule que l’homme montre sa plus
grande force morale, ce noble don de Dieu, qui le fait le roi de la création.
C’est quand, après avoir médité et envisagé son sort, n’écoutant que la voix du devoir,
 
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