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CHAPITRE VIII
Quand on eut réglé les cérémonies religieuses, civiles et militaires, qui devaient
accompagner le sacre de l’Empereur, David fut choisi pour reproduire sur la toile quatre
de ces scènes importantes, et en transmettre le souvenir à la postérité. Une telle entre-
prise enflamma son génie ; son âme, sensible à la grandeur, s’enthousiasma à la pensée de
représenter la pompe éclatante des cours de Rome et de Paris. Peindre un Empereur et un
Pape lui paraissait une de ces fortunes qui datent dans les annales des arts et suffisent à
immortaliser un artiste.
Ces travaux décidés et confiés définitivement à David, il fallut lui trouver dans l’église
Notre-Dame un point duquel il pût, sans être gêné, voir la cérémonie dans son ensemble
et dans tous ses détails.
Il se rendit sur les lieux, avec Percier, et il choisit une sorte de loge placée derrière
le Groupe de Coustou, au-dessus du maître-autel.
Il avait disposé de cette place pour sa famille et quelques-uns de ses amis, quand, la
veille du couronnement, au lieu de la clef de cette loge, le maître des cérémonies lui fit
seulement remettre deux billets dans une tribune. David croit à une méprise et se transporte
chez M. de Ségur, qui remplissait ces fonctions. Celui-ci était alors très préoccupé
d’un malheur de famille. Un de ses fils venait de disparaître et tous les efforts pour le
retrouver étaient demeurés infructueux. Il accueillit assez sèchement les réclamations de
l’artiste, s’excusant sur ce que la place étant donnée, il n’y avait pas y remédier. David
insista sur son droit et menaça de s’adresser à l’Empereur; enfin la discussion s’échaufsa à
ce point, que des amis, entre autres Lenoir, qui assistaient à cette scène, durent s’interposer
pour prévenir une rencontre immédiate entre l’artiste et un fils de M. de Ségur. Tout
se termina cependant à la satisfaction du peintre qui, le jour venu, occupa avec sa femme
et ses filles la loge qu’on lui contestait.
De cet endroit, muni d’un plan de Notre-Dame qu’il avait préparé, et d’un programme
qui lui donnait les noms des personnages ; ayant au-dessous de lui le Pape, l’Empereur,
l’impératrice et les principaux dignitaires des deux cours, il put noter les divers épisodes
de cette longue cérémonie et prendre des croquis des mouvements des principaux acteurs.
On n’a pas à s’arrêter ici sur les détails de cette solennité. Rappelons seulement les
incidents du couronnement de l’Empereur, car ils eurent une certaine influence sur la
composition du tableau de David.
« On avait, dit Thiers, déposé sur l’autel la couronne, le sceptre, l'épée, le manteau.
Le Pape fit sur le front de l’Empereur, sur ses bras, sur ses mains, les onctions d’usage, puis
bénit l’épée qu’il lui ceignit, le sceptre qu’il remit en sa main, et s’approcha pour prendre
la couronne.
» Napoléon, observant ses mouvements... saisit la couronne des mains du Pontife, sans
brusquerie, mais avec décision, et la plaça lui-même sur sa tète. L’acte, compris de tous
les assistants, produisit un efset inexplicable. Napoléon prenant ensuite la couronne de
l’impératrice, et, s’approchant de Joséphine prosternée devant lui, la posa avec une
tendresse visible sur la tète de cette compagne de la fortune qui, en ce moment, fondait
en larmes... »
CHAPITRE VIII
Quand on eut réglé les cérémonies religieuses, civiles et militaires, qui devaient
accompagner le sacre de l’Empereur, David fut choisi pour reproduire sur la toile quatre
de ces scènes importantes, et en transmettre le souvenir à la postérité. Une telle entre-
prise enflamma son génie ; son âme, sensible à la grandeur, s’enthousiasma à la pensée de
représenter la pompe éclatante des cours de Rome et de Paris. Peindre un Empereur et un
Pape lui paraissait une de ces fortunes qui datent dans les annales des arts et suffisent à
immortaliser un artiste.
Ces travaux décidés et confiés définitivement à David, il fallut lui trouver dans l’église
Notre-Dame un point duquel il pût, sans être gêné, voir la cérémonie dans son ensemble
et dans tous ses détails.
Il se rendit sur les lieux, avec Percier, et il choisit une sorte de loge placée derrière
le Groupe de Coustou, au-dessus du maître-autel.
Il avait disposé de cette place pour sa famille et quelques-uns de ses amis, quand, la
veille du couronnement, au lieu de la clef de cette loge, le maître des cérémonies lui fit
seulement remettre deux billets dans une tribune. David croit à une méprise et se transporte
chez M. de Ségur, qui remplissait ces fonctions. Celui-ci était alors très préoccupé
d’un malheur de famille. Un de ses fils venait de disparaître et tous les efforts pour le
retrouver étaient demeurés infructueux. Il accueillit assez sèchement les réclamations de
l’artiste, s’excusant sur ce que la place étant donnée, il n’y avait pas y remédier. David
insista sur son droit et menaça de s’adresser à l’Empereur; enfin la discussion s’échaufsa à
ce point, que des amis, entre autres Lenoir, qui assistaient à cette scène, durent s’interposer
pour prévenir une rencontre immédiate entre l’artiste et un fils de M. de Ségur. Tout
se termina cependant à la satisfaction du peintre qui, le jour venu, occupa avec sa femme
et ses filles la loge qu’on lui contestait.
De cet endroit, muni d’un plan de Notre-Dame qu’il avait préparé, et d’un programme
qui lui donnait les noms des personnages ; ayant au-dessous de lui le Pape, l’Empereur,
l’impératrice et les principaux dignitaires des deux cours, il put noter les divers épisodes
de cette longue cérémonie et prendre des croquis des mouvements des principaux acteurs.
On n’a pas à s’arrêter ici sur les détails de cette solennité. Rappelons seulement les
incidents du couronnement de l’Empereur, car ils eurent une certaine influence sur la
composition du tableau de David.
« On avait, dit Thiers, déposé sur l’autel la couronne, le sceptre, l'épée, le manteau.
Le Pape fit sur le front de l’Empereur, sur ses bras, sur ses mains, les onctions d’usage, puis
bénit l’épée qu’il lui ceignit, le sceptre qu’il remit en sa main, et s’approcha pour prendre
la couronne.
» Napoléon, observant ses mouvements... saisit la couronne des mains du Pontife, sans
brusquerie, mais avec décision, et la plaça lui-même sur sa tète. L’acte, compris de tous
les assistants, produisit un efset inexplicable. Napoléon prenant ensuite la couronne de
l’impératrice, et, s’approchant de Joséphine prosternée devant lui, la posa avec une
tendresse visible sur la tète de cette compagne de la fortune qui, en ce moment, fondait
en larmes... »