OFFRES DU ROI DE PRUSSE
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malheureusement enchaîné par des devoirs dont aucun intérêt ne peut me distraire, et que
vous me blâmeriez, Monseigneur, de négliger.
» La santé de ma femme, qui me fait éprouver des alarmes cruelles et trop bien
fondées peut-être, réclame mes soins les plus tendres et les plus assidus et ne permet pas
que je m’éloigne, quant à présent, de Bruxelles. Souffrez, Monseigneur, ces détails qui
doivent servir d’excuses à un homme assujetti aux obligations sacrées d’un époux et d’un
père de famille. Je sais, avec toute l’Europe, que la justice du Roi égale sa bonté. J’ose
espérer que Sa Majesté daignera reconnaître qu’en attachant un prix infini à la bienveillance
dont elle m’honore, il m’est impossible d’aller immédiatement me mettre à ses ordres à
Berlin. Je supplie Votre Altesse de vouloir bien justifier aux yeux du Roi un retardement
bien involontaire dont le motif n’est point étranger au cœur de Sa Majesté.
» J’espère que Votre Altesse ne désapprouvera pas que j’ai prié Son Exc. le comte de
Goltz de permettre que je conservasse son passeport pour en faire usage le plus tôt que je
pourrai.
» J’ai l’honneur, etc., » David. »
Il informait en même temps le comte de Goltz de cet ajournement :
« Monsieur le Comte,
» Je sens, aussi vivement que je le dois, tout ce qu’a d’honorable pour moi la
proposition que Votre Excellence m’a faite, de la part de son maître, d’aller m’établir à
Berlin. Ge témoignage précieux de l’estime et de la bonté d’un grand prince est la récom-
pense la plus douce de ma vie tout entière consacrée aux arts.
» J’ai suivi vos directions, monsieur le Comte; je viens d’écrire à Mu le prince de
Hardenberg, et je me serais empressé d’aller offrir mes remerciements à Son Altesse pour
apprendre d’elle-même les propositions du Roi relativement à mon établissement, si je
n’étais retenu à Bruxelles par la santé de Mme David, dont l’affaiblissement me cause les
plus vives alarmes. Le Roi, qui a donné des preuves si touchantes et si exemplaires de
sensibilité, saura mieux apprécier ce que je dois d’égards, de soins et d’assiduité à une
épouse que je chéris tendrement. Sa Majesté ne sera point surprise que je diffère de
m’occuper de mon intérêt particulier, jusqu’au moment où je serai parfaitement rassuré
sur la conservation de ma femme.
» Je crois, monsieur le Comte, vous donner un gage de mes espérances et de mes
intentions, en vous priant de trouver bon que je conserve votre passeport pour en faire usage
aussitôt que les circonstances me le permettront. Si cependant Votre Excellence trouvait
que-cette mesure peut avoir le plus léger inconvénient, je la supplie de vouloir bien m’en
prévenir; je ne perdrai pas un moment pour lui renvoyer son passeport à l’adresse qu’elle
m’a indiquée. » ■ ■ ,
Cependant, si David eût pu se laisser influencer par ce qui se passait en France, il •
aurait accepté les offres du roi de Prusse. Car, en effet, tandis qu’à Paris on le rayait de-
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malheureusement enchaîné par des devoirs dont aucun intérêt ne peut me distraire, et que
vous me blâmeriez, Monseigneur, de négliger.
» La santé de ma femme, qui me fait éprouver des alarmes cruelles et trop bien
fondées peut-être, réclame mes soins les plus tendres et les plus assidus et ne permet pas
que je m’éloigne, quant à présent, de Bruxelles. Souffrez, Monseigneur, ces détails qui
doivent servir d’excuses à un homme assujetti aux obligations sacrées d’un époux et d’un
père de famille. Je sais, avec toute l’Europe, que la justice du Roi égale sa bonté. J’ose
espérer que Sa Majesté daignera reconnaître qu’en attachant un prix infini à la bienveillance
dont elle m’honore, il m’est impossible d’aller immédiatement me mettre à ses ordres à
Berlin. Je supplie Votre Altesse de vouloir bien justifier aux yeux du Roi un retardement
bien involontaire dont le motif n’est point étranger au cœur de Sa Majesté.
» J’espère que Votre Altesse ne désapprouvera pas que j’ai prié Son Exc. le comte de
Goltz de permettre que je conservasse son passeport pour en faire usage le plus tôt que je
pourrai.
» J’ai l’honneur, etc., » David. »
Il informait en même temps le comte de Goltz de cet ajournement :
« Monsieur le Comte,
» Je sens, aussi vivement que je le dois, tout ce qu’a d’honorable pour moi la
proposition que Votre Excellence m’a faite, de la part de son maître, d’aller m’établir à
Berlin. Ge témoignage précieux de l’estime et de la bonté d’un grand prince est la récom-
pense la plus douce de ma vie tout entière consacrée aux arts.
» J’ai suivi vos directions, monsieur le Comte; je viens d’écrire à Mu le prince de
Hardenberg, et je me serais empressé d’aller offrir mes remerciements à Son Altesse pour
apprendre d’elle-même les propositions du Roi relativement à mon établissement, si je
n’étais retenu à Bruxelles par la santé de Mme David, dont l’affaiblissement me cause les
plus vives alarmes. Le Roi, qui a donné des preuves si touchantes et si exemplaires de
sensibilité, saura mieux apprécier ce que je dois d’égards, de soins et d’assiduité à une
épouse que je chéris tendrement. Sa Majesté ne sera point surprise que je diffère de
m’occuper de mon intérêt particulier, jusqu’au moment où je serai parfaitement rassuré
sur la conservation de ma femme.
» Je crois, monsieur le Comte, vous donner un gage de mes espérances et de mes
intentions, en vous priant de trouver bon que je conserve votre passeport pour en faire usage
aussitôt que les circonstances me le permettront. Si cependant Votre Excellence trouvait
que-cette mesure peut avoir le plus léger inconvénient, je la supplie de vouloir bien m’en
prévenir; je ne perdrai pas un moment pour lui renvoyer son passeport à l’adresse qu’elle
m’a indiquée. » ■ ■ ,
Cependant, si David eût pu se laisser influencer par ce qui se passait en France, il •
aurait accepté les offres du roi de Prusse. Car, en effet, tandis qu’à Paris on le rayait de-
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