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L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré — 9.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6770#0014
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L' JÉ C L I P S E

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SAYNÈTE A TROIS PERSONNAGES

UN INCONNU,

UN PUISSANT DU JOlli,

M. HONUELET, personnage presque muet.

1

la scène représente les Champs-Elysées le matin. Effet de neige.
Un individu en manteau fourré est debout prés d'un banc. De
temps en temps il jette dans la direction de l'avenue Marigny
un regard interrogateur, le regard de quelqu'un qui attend.
Les passants sont rares. Bientôt apparaît, le chapeau rabattu
sur les yeux, un homme dont l'ombre dessine sur la neige la
forma d'une veste, ce qui trahit suffisamment la personnalité
d'un puissant du jour. Il se dirige du côté de l'inconnu.

le puissant du jour. — Un, deux, trois ; le troisième
banc à gauche : c'est bien cela. (Il tousse d'un air d'intelli-
gence en regardant l'inconnu. L'inconnu qui flaire une intrigue,
tousse aussi. Le puissant du jour s'approche.) On m'avait bien
dit que je te trouverais ici.

l'inconnu. — Ah !

le puissant du jour, soupçonneux. — Ne serait-ce
pas toi le Péril social?

l'inconnu. — Si. (Sur l'air du sire de Franc-Boisy): Je suis
lui-même...

le puissant du jour. — lion, tu n'es pas sérieux:
donc, tu es le Péril social. Je te demande pardon si je ne
te remettais pas tout de suite. Il me semble que tu as
maigri.

l'inconnu. — Oui, pas mal. Baragnon m'avait pourtant
promis de me l'aire engraisser.

le puissant du jour. — Mais je ne te croyais pas à
Paris.

l'inconnu. — J'y arrive tout fraîchement.

le puissant du jour, spirituel. — Fraîchement est le
mot... C'est beau de n'avoir pas craint d'affronter cette tem-
pérature.

l'inconnu. — Ah ! dame, je me suis dit : « Dans un mo-
ment d'élections, je ne puis pas manquer. Il y aura peut-
être quelque chose à refrire. »

le puissant du jour. — Tu ne t'es pas trompé. J'ai
besoin de te parler.

l'inconnu, à tue-téte. — Je suis tout oreilles.

le puissant du jour. — Chut! Pas si haut! Un pas-
sant vient de se retourner... Il se retourne encore. {Inquiet.)
Je crains qu'on ne nous observe... Ces allées sont bien fré-
quentées... Si nous nous donnions rendez-vous dans un en-
droit plus isolé ?

l'inconnu. — Comme il vous plaira. (Réfléchissant.) Un
endroit désert?... Ah! mais j'ai votre affaire : au cours de
l'Université catholique.

le puissant du jour. — C'est une idée.

l'iAconnu. — Là, il n'y aura pas un chat. Nous y cau-
serons absolument tranquilles.

le puissant du jour. — Soit. Au coursdo l'Université
catholique, à deux heures. > Viens-y en tenue de voyage, si
tu peux.

l'inconnu. — J'y serai.

11

Une des salles de l'Université catholique. Silence profond. Bancs
vides. Dans la chaire, M. Bondelet, qui attend, pour commen-
cer, qu'il y ait quelqu'un. En voyant paraître l'inconnu il
esquisse un sourire et entame son exorde.

Le ruiSSANT du jour, qui entre presque aussitôt, à l'in-
connu. — Je te demande pardon ; je suis un peu en retard ;
personne no pouvait m'indiquer... Tiens, il y a quelqu'un
qui parle tout haut.

l'inconnu. — Oui. (A M. Rondelet, en lui faisant signe de
se taire :) Un moment de silence, s'il vous plaît ; nous avons
à causer.

le puissant du jour. — Tu vas me saisir en deux
mots. Voici un billet de circulation pour six semaines sur les
cinq grandes lignes. Je l'ai fait prendre au nom d'Isidore.
Je voudrais que sous ce pseudonyme adroit tu allasses
te mettre successivement au service de tous les préfets qui
pourraient avoir besoin de renfort contre le parti républi-
cain.

l'inconnu, prenant le billet. — A merveille, je suis votre
homme. Qu'est-ce que vous m'offrez en échange?

le puissant du jour. — D'abord, mon éternelle
amitié.

l'inconnu. —11 suffit, je suis payé.
le puissant du jour. — Et puis encore une place
permanente au Sénat, si je suis élu.

l'inconnu. — Vous me comblez. Je pars avec une bien
douce espérance,

le puissant du jour — Ah çà, tu emportes bien
tous tes accessoires, au moins?... Ton spectre rouge...

l'inconnu, montrant une grosseur qui soulève sa redingote.

— Il est là.

le puissant du jour. — Bien. Et la torche incen-
diaire ?

l'inconnu. — La torche incendiaire aussi.

le puissant du jour. — Et le levain des fâcheuses
doctrines ?

l'inconnu. — H est dans ma poche.

le puissant du jour, défiant. — Montre-le donc, ton
levain ?

l'inconnu, un peu embarrassé. —Je vous dis que je l'ai.
Tenez. (Il fouille à sa poche et en tire un paquet.) Non, ça c'est
« le parti qui ne rêve qu'agitations. » (Autre paquet.) Ça,
c'est un lot des « Anxiétés de l'avenir. » (Autre paquet.) Et
ça un stock des « plus mauvais jours de notre histoire. »

le puissant du jour, qui n'a pu saisir une seule des
désignations mentionnées. —Voyons donc! (Il s'empare des pa-
quets et lit avec stupéfaction :) « République et Mac-M.ib.on. »

— « Maintien de la Constitution. » — « Ordre et liberté. »
(A l'inconnu :) Tu m'as trompé , malheureux ! Montre le
spectre que tu as sur toi. (H le déboutonne.) C'est un spectre
blanc ! Horreur! Tu n'es pas le Péril social!

l'inconnu. — Parbleu! depuis le temps qu'il a rendu
l'âme..!

le puissant du jour. — Qui es-tu donc alors?

l'inconnu. — Moi, rien, un passant qui aime à rire.

le puissant du jour. — Et que faisais-tu dans les
Champs-Elysées, à cette place qu'on m'avait indiquée ?

l'inconnu. — J'y attendais un ami pour aller patiner
ensemble. Mais votre billet de circulation me décide. Je
pars pour les départements.

le puissant du jour. — Pour y débiner mon truc. Je
te le défends bien, misérable ! Kends-moi mon billet.

l'inconnu.—Plus souvent! Je pars dans une heure.
Sans adieu.

le puissant du jour,exaspéré. — Arrête!

l'inconnu, disparaissant. — Au revoir!

le puissant du jour. — Encore un qui se joue de
moi. Fatalité !

Il sort furieux.

M. rondelet, resté seul. — Je vous disais donc, mes-
sieurs...

PAUL PARFAIT

UERMANCE ET ANATOLE

Assis sur un des bancs du boulevard de la Chapelle, au
coucher du soleil, tout harassé par le hàle du jour, je re-
gardais la ligne faîtière des maisons, bizarrement décou-
pée, se dessiner nettement à perte de vue, sur la clarté
charmante d'un ciel pur, teinté d'orangé clair, de vert olive,
et se fondant par des nuances insaisissables avec l'azur
assombri.

La double lile, ondulée symétriquement, des feux jaunes
du gaz, s'allumait de chaque côté de l'immense perspec-
tive du boulevard, ponctuant la brume poussiéreuse et
d'un ton violet au bas des maisons, de points étincelants.

On sortait des ateliers. — L'heure du repas en famille,
l'heure du baiser sur le front des petits enfants, l'heure
des confidences, des consolations, du repos, de l'oubli, de
la liberté enlin, venait de sonner.

Au milieu du crépuscule naissant, le défilé de la foule
laborieuse qui fait de « l'article l'aris » une des gloires
franches du commerce français, s'opérait joyeusement, Sans
bruit, avec le calme des gens qui, aussi heureux que Titus,
peuvent se dire : « Je n'ai pas perdu ma journée. »

Tous, hommes aux traits graves et fatigués, vieillards
courbés, déjetés, femmes en robe de cerfeuil, enfants ma-
lingres et mièvres, d'un pas pressé, se dirigeaient vers le
logis quitté dès l'aube.

Dans les groupes formés à la porte des usines ou des
magasins, on échangeait des bonsoirs et des poignées de
mains, puis on se séparait.

Parfois, un jeune homme, saluant de loin, avec un sou-
rire plein de printemps, une jeune lille venue en sens
opposé, hâtait sa marche et s'avançait vers elle les yeux
brillants, tendant la main.

Bientôt, sur sa blouse noircie et usée, se posait une petite
main pâle et frêle, toute piquée à l'index, et, bras dessus,
bras dessous, gracieusement, les amoureux s'éloignaient et
se perdaient dans les ombres épaissies du côté nord.

Tout à coup, à quelques pas de moi, un couple d'allures
singulières, émergeant de l'obscurité, se dressa en plein
sur la lueur du couchant, devant mes yeux.

Ce couple, ainsi qu'une infinité d'autres couples humains,
se composait d'une femme et d'un homme. Mais quel
homme était celui-ci! et quelle iemme était celle-là!

L'une> longue comme un spectre qui suit la tradition ro-
mantique, était maigre comme un boa vidé. Elle avait bien
cinquante centimètres de plus que les autres femmes, au-
dessus du niveau des mers. Sa tête, son corsage, sa jupe,
avaient grand'peino à diviser en trois parties distinctes ce
corps démesuré, qui semblait planer sur son compagnon.

Ce dernier, de la hauteur modeste d'un fort caniche, était
la vivante antithèse de la sèche personne qui marchait à

son côté.

Il était entièrement rond et gros comme un joli baril
bordelais. La nature, prévoyant sans doute que son corps
n'offrirait plus tard aucune espèce de prise,' l'avait pourvu,
pour parer à cet inconvénient, de deux larges oreilles.

On fait ce qu'on peut.

Cette immense femme, safts épaisseur, et ce tout petit
homme, si gros et si sphérique, s'avançaient donc de con-
serve, familièrement. Quelquefois, un heurt quelconque
établissait un point de contact entre cette ligne et ce cercle
humains, et je pensais qu'entre leurs cœurs, à ces moments-
là, devait exister une pareille tangence.

Or, cette idée amusante me vint, en considérant ces deux
excentriques silhouettes noires sur l'horizon lumineux, que
je voyais la boule énorme d'un gigantesque bilboquet rouler
allègrement au pied de son manche impassible et fier.

On eût pu trouver encore, en cherchant une comparai-
son moins étrange, qu'ils ressemblaient, l'un à un para-
chute iplié, l'autre à un ballon grotesque, balancés tous
deux, mollement, parle souille des zéphyrs suburbains en
rupture de banlieue.

Lorsque ces deux êtres remarquables furent assez près
de-moi pour que je pusse distinguer pleinement les détails
de leur structure extérieure, je vis avec surprise que les
mains, le cou, la ligure de la femme étaient ridés, oh ! mais
ridés à un point que les pommes de reinette n'atteignent
plus !

Je ne suis pas curieux, mais j'aurais bien donné quelque
chose pour ne pas voir les épaules de cette dame.

On eût dit qu'elle avait endossé une peau d'occasion, deux
fois trop large, achetée un jour de presse à quelque Belle-
Jardinière inconnue des hommes.

Cette enveloppe abondante et inexplicable affectait sur
les os, humiliés probablement, les plis inattendus des bal-
lons dégonflés.

Quant à l'homme, il était en tout point le contraire exact
de sa compagne si mal habillée par la nature.

Comme une baudruche vermeille qui a atteint les limites
extrêmes dé la distension sous les efforts de l'hydrogène qui
l'anime, sa peau menaçait de crever.

Nadard, en le voyant, se fût écrié : « A la soupape. »

En un mot, en vissant la rotondité masculine au sommet
de l'exiguité du corps de la femme, on eût obtenu la canne
splendide d'un tambour-major géant, encore à naître, —
ou en retournant ce tableau gracieux — la plus gigantesque
des ciboules entrevues par Gulliver.

L'homme-boule paraissait légèrement gai. Comme un
astre égaré dans l'espace, ou lancé au hasard par la main
d'un dieu irrité, il s'avançait par zig-zag moelleux.

Son épouse le suivait, semblable à une tour amaigrie par
les années.

Enlin, exauçant l'ardente prière que je faisais tout bas, ils
s'assirent près de moi, sur le banc. Je me mêlai adroite-
ment à leur conversation.

Et j'appris avec respect que j'avais l'honneur de parler
à deux anciens phénomènes vivants, unis par les liens in-
dissolubles du mariage.

Précurseur de Tom Pouce « élève des nains célèbres »,
Anatole, dit la Miniature rocheloisc, avait quitté sa carrière —
(je cite textuellement ses paroles) — à la fleur du succès,
pour se consacrer entièrement (ce qui ne devait pas être
long) à la femme qui l'avait distingué parmi tant de con-
currents.

— Elle m'a presque enlevé ! ajouta-t-il tout bas à mon
oreille, avec un sourire de triomphe ; pourtant elle a été
une mer d'appas, ttelle que vous la voyez.

Telle que je la voyais, Hermance, la belle Hermance, co-
losse en retraite, qui pesa jusqu'à :t00 kilogr., avait charmé
la génération précédente par l'ampleur de ses mollets, pu-
diquement montrés et tâtés pour la somme de dix centimes,

deux sous !

En robe de bal d'un bleu céleste, les épaules et les bras
nus, entourée de médecins décorés et chauves, de souve-
rains curieux et de militaires qui ne lui vont pas à la cein-
ture, c'était elle, la belle Hermance, qu'on voyait jadis peinte
sur un tableau, à la porte d'une baraque de foire.

Les deux ex-phénomènes venaient de la barrière du
Trône, ils avaient été voir les confrères et les monstres en
vogue.

— Mais, savez-vous, me dit la colosse, on ne fait plus W
curiosité comme autrefois. Plus de graisse suave et natu*
relie. C'est honteux. Du coton ! ils épuisent les nègres. C'est
dégoûtant.

— Oui, reprit le nain, avec un mépris sans bornes. Hs
font voir des géants. Belle malice! — Pauvre peuple! mur-
mura-t-il.

— Mais, leur demandai-je, tout ahuri par le changement
considérable que je remarquais dans leurs personnes, -*
qu'avez-vous fait de votre graisse, Hermance? et vous, de
votre gentillesse, Anatole? Où sont et l'embonpoint et 1*
finesse de formes qui vous distinguaient?

— Tout ça, ça a disparu dans la vio privée, me die Ana-
tole. — Cest la faute à l'amour!

ERNEST D'HERVILLY.
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