32 L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE 23 Juillet 1876.
CROQUEMITAINERIE
Dans un procès récent qui a vivement occupé
l'attention publique , un honnête homme, dont
l'innocence a été reconnue, un représentant du
peuple dont ses adversaires eux-mêmes appréciaient
le cœur, le caractère et le talent, était assis au banc
des accusés. Une petite fille de neuf ans dépose
comme témoin. « Reconnaissez-vous l'accusé ? — Je
ne le reconnais pas. — Cependant, vous l'avez re-
connu ? — Oui, parce que le commissaire de police
m'avait menacée de m'enfermer dans un cabinet
noir. »
Nulle observation du président, cela est à con-
stater.
Comme moyen d'enquête, le cabinet noir man-
quait. Ce commissaire de police est un homme
ingénieux, un simplificateur ; il a de l'avenir dans
sa partie. Le public est curieux de savoir comment
l'administration apprécie sa manière de travailler,
et comment elle l'en récompensera. Cette façon ter-
toriste d'extraire les témoignages mérite en effet
quelque petit encouragement. L'empire eût donné
de l'avancement à ce précieux commissaire.
Qu'est-ce que la République fera pour lui ?
R.-L.
MOTS DE LA FIN
Entre Pipelet et Gavroche :
— Père Pipelet, combien donc qu'il y a de maris
trompés dans c'te rue-ci, sans vous compter?
— De quoi, de quoi! sans me compter! Petite vi-
père, veux-tu bien parler autrement!
— Ben oui, je vais parler autrement, nà!... Com-
bien donc qu'il y en a, de maris trompés, en vous
comptant ?...
— Vous mangez le plus pur de notre substance,
dit un petit bonhomme de lettres à uu libraire :
Voyez que d'auteurs pauvres !
— Mais aussi, dit l'autre, voyez que de pauvres
auteurs !
X... est un auteur dramatique qui a peu de succès
et beaucoup de bile. Dernièrement, mécontent d'un
critique, il le menaçait de le jouer en plein théâtre :
— C'est aller loin ! s'écria le journaliste. Quoi !
vous voudriez me faire siffler !
Dans beaucoup de villes de province, certains
employés des pompes funèbres sont désignés sous
le nom de « pleureurs. »
Un de ces pleureurs dit à un camarade :
— Remplace-moi donc aujourd'hui à l'enterrement
de l'huissier Ratapoil.
— Pourquoi n'y vas-tu pas toi-même?
— C'est qu'en conscience je ne puis pjeurer au-
jourd'hui : ma belle-mère vient de mourir ce matin.
Marne Gibou rencontre une ancienne voisine qu'elle
n'a pas vue depuis longtemps :
— Ah ! mon Dieu ! ma pauv' fille, est-ce ben toi
ou ta sœur qu'est morte?
— C'est ma sœur qu'est morte, mais c'est moi qu'ai
été la plus malade !
Quelques gommeu.x causent devant quelques ca-
botines de l'avenir du « troisième théâtre français »
projeté par M. Ballande :
— Va-t-il en venir, des jeunes auteurs! dit l'une
des petites grues. Le théâtre déjà z'est pris d'assaut!
— Il ne faut pas dire : déjà z'est; il faut dire : déjà
— est, insinue un naïf.
— Par exemple! s'écrie la cabotine. Celui-là qui
veut m'apprendre comment on prononce « Théâtre
Déjazet! »
Une anecdote amusante de la vie du poète Albert
Glatigny.
Le pauvre garçon souffrait horriblement d'un éry-
sipèle, un de ses bons amis, étudiant en médecine,
nommé Bertrand, le soignait.
Un matin, Glatigny l'interroge avec anxiété :
— Est-ce que c'est bien dangereux ?
— Bien du tout, riposta le futur docteur; tiens,
lis plutôt.
Et il lui passa un livre de médecine ouvert à l'ar-
ticle érysipèle.
Glatigny lut à haute voix l'article commençant
ainsi :
« La maladie ne laisse pas de traces sur le ca-
davre. »
A peine remis, Glatigny s'ingénie à trouver une
vengeance de l'ôtourderie de son ami.
On le sait, Glatigny était acteur ; ou plutôt il
avait la manie du cabotinage.
Il emmena un soir Bertrand au théâtre de Grenelle
et, arrivé devant la porte, il lui dit :
— Je vais te faire entrer à l'orchestre, tu verras
un bout d'acte pendant que j'irai parler à M. X. qui
joue dans la pièce. v
On jouait ce soir-là le Médecin des Enfants.
X. entre en scène, et, au milieu d'une tirade
s'écrie :
— Et d'ailleurs, comme le dit le docteur Bertrand, la
maladie ne laisse pas de traces sur le cadavre.
(Tableau).
TOUT LE MONDE.
CROQUEMITAINERIE
Dans un procès récent qui a vivement occupé
l'attention publique , un honnête homme, dont
l'innocence a été reconnue, un représentant du
peuple dont ses adversaires eux-mêmes appréciaient
le cœur, le caractère et le talent, était assis au banc
des accusés. Une petite fille de neuf ans dépose
comme témoin. « Reconnaissez-vous l'accusé ? — Je
ne le reconnais pas. — Cependant, vous l'avez re-
connu ? — Oui, parce que le commissaire de police
m'avait menacée de m'enfermer dans un cabinet
noir. »
Nulle observation du président, cela est à con-
stater.
Comme moyen d'enquête, le cabinet noir man-
quait. Ce commissaire de police est un homme
ingénieux, un simplificateur ; il a de l'avenir dans
sa partie. Le public est curieux de savoir comment
l'administration apprécie sa manière de travailler,
et comment elle l'en récompensera. Cette façon ter-
toriste d'extraire les témoignages mérite en effet
quelque petit encouragement. L'empire eût donné
de l'avancement à ce précieux commissaire.
Qu'est-ce que la République fera pour lui ?
R.-L.
MOTS DE LA FIN
Entre Pipelet et Gavroche :
— Père Pipelet, combien donc qu'il y a de maris
trompés dans c'te rue-ci, sans vous compter?
— De quoi, de quoi! sans me compter! Petite vi-
père, veux-tu bien parler autrement!
— Ben oui, je vais parler autrement, nà!... Com-
bien donc qu'il y en a, de maris trompés, en vous
comptant ?...
— Vous mangez le plus pur de notre substance,
dit un petit bonhomme de lettres à uu libraire :
Voyez que d'auteurs pauvres !
— Mais aussi, dit l'autre, voyez que de pauvres
auteurs !
X... est un auteur dramatique qui a peu de succès
et beaucoup de bile. Dernièrement, mécontent d'un
critique, il le menaçait de le jouer en plein théâtre :
— C'est aller loin ! s'écria le journaliste. Quoi !
vous voudriez me faire siffler !
Dans beaucoup de villes de province, certains
employés des pompes funèbres sont désignés sous
le nom de « pleureurs. »
Un de ces pleureurs dit à un camarade :
— Remplace-moi donc aujourd'hui à l'enterrement
de l'huissier Ratapoil.
— Pourquoi n'y vas-tu pas toi-même?
— C'est qu'en conscience je ne puis pjeurer au-
jourd'hui : ma belle-mère vient de mourir ce matin.
Marne Gibou rencontre une ancienne voisine qu'elle
n'a pas vue depuis longtemps :
— Ah ! mon Dieu ! ma pauv' fille, est-ce ben toi
ou ta sœur qu'est morte?
— C'est ma sœur qu'est morte, mais c'est moi qu'ai
été la plus malade !
Quelques gommeu.x causent devant quelques ca-
botines de l'avenir du « troisième théâtre français »
projeté par M. Ballande :
— Va-t-il en venir, des jeunes auteurs! dit l'une
des petites grues. Le théâtre déjà z'est pris d'assaut!
— Il ne faut pas dire : déjà z'est; il faut dire : déjà
— est, insinue un naïf.
— Par exemple! s'écrie la cabotine. Celui-là qui
veut m'apprendre comment on prononce « Théâtre
Déjazet! »
Une anecdote amusante de la vie du poète Albert
Glatigny.
Le pauvre garçon souffrait horriblement d'un éry-
sipèle, un de ses bons amis, étudiant en médecine,
nommé Bertrand, le soignait.
Un matin, Glatigny l'interroge avec anxiété :
— Est-ce que c'est bien dangereux ?
— Bien du tout, riposta le futur docteur; tiens,
lis plutôt.
Et il lui passa un livre de médecine ouvert à l'ar-
ticle érysipèle.
Glatigny lut à haute voix l'article commençant
ainsi :
« La maladie ne laisse pas de traces sur le ca-
davre. »
A peine remis, Glatigny s'ingénie à trouver une
vengeance de l'ôtourderie de son ami.
On le sait, Glatigny était acteur ; ou plutôt il
avait la manie du cabotinage.
Il emmena un soir Bertrand au théâtre de Grenelle
et, arrivé devant la porte, il lui dit :
— Je vais te faire entrer à l'orchestre, tu verras
un bout d'acte pendant que j'irai parler à M. X. qui
joue dans la pièce. v
On jouait ce soir-là le Médecin des Enfants.
X. entre en scène, et, au milieu d'une tirade
s'écrie :
— Et d'ailleurs, comme le dit le docteur Bertrand, la
maladie ne laisse pas de traces sur le cadavre.
(Tableau).
TOUT LE MONDE.