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L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
1" Octobre 1876.
LA SEMAINE COMIQUE
Teaucoup |de bruit,., pour rien.
— Soyez notre chef, vous êtes seul digne de commander des
hommes tels que nous.
RETOUR DE VACANCES.
— Ça me ferait crânement de bien aussi à mot, de prendre lui
peu l'air de la mer.
— Tranquillisez-vous, il est question de tous envoyer à Toulon.
LA PAILLE HUMIDE DU CACHOT
Il passa ses dix premières années de prison sans
rien faire, le temps de seretourner.de s'installer, de
prendre les habitudes de la maison.
Cependant, comme il lui restait encore vingt ans
sur la planche, il se dit un beau matin qu'il était
honteux de mener une vie de fainéant, et qu'il fal-
lait se créer une occupation digne (non pas d'un
homme libre, puisqu'il était prisonnier), mais sim-
plement d'un homme.
Il consacra un an à réfléchir, à peser les différentes
idées qui lui passèrent par la tète, à chercher qosl
serait le but définitif de son existence.
Elever une araignée? C'était bien vieux, bien
connu. Copier Pellisson, peuh ! un pur plagiat!
Compter sur ses doigts les rugosités du mur".'
amusement ridicule, inutile, sans résultat appré-
ciable !
— Il faudrait, se dit-il, trouver quelque chose qui
fût à la l'ois curif.ux, profitable et vengeur. Il fau-
drait inventer une besogne qui fit passer le temps,
qui produisit quelque bien-être, et qui eût la valeur
d'une protostation.
Une nouvelle année fut employée à cette trou-
vaille, et le ciel récompensa enfin tant de persévé-
rance.
Le prisonnier habitait un véritable cachot, où le
soleil n'entrait guère qu'une demi-heure par jour,
et encore par un mince filet semblable à un cheveu
de lumière. La couche où le malheureux reposait
ses Membres endoloris était bien'réellement de la
paille humide.
— Ehbien! s'écria-t-ilavec énergie, je vais ennuyé:-
mes geôliers et blaguer la justice; je ferai sécher ma
paille I
Il compta d'abord les brins qui composaient sa
botte. Il y en avait mille trois cent sept. Une pauvre
botte!
Il fit ensuite une expérience pour savoir combien
il fallait de temps pour sécher un brin. Il fallait trois
quarts d'houre.
Cela faisait donc en tout, pour les mille trois cent
sept brins, une somme de neuf cent quatre-vingts
heures et quinze minutes, soit, à uni.' demi-heure
de soleil par jour, dix-neuf cent soixante et un
jours.
En mettant que Le soleil ne brille, en moyenne,
qu'un jour sur trois, on arrivait à un total de seize
ans, un mois, une semaine et six jours.
C'était, à six mois près, ce qui lui restait à faire.
Il se mit donc à l'œuvre.
Chaque fois que le soleil brillait, le prisonnier por-
tait un brin de paille dans le rayon, et usait ainsi
tout son soleil. Le reste du temps, il gardait au
i chaud sous ses vêtements ce qu'il avait pu sécher.
Dix ans se passèrent. Le prisonnier ne couchait
plus que sur un tiers de botte humide, et il avait la
poitrine bourrée des deux autres tiers, qui avaient
sué peu à peu.
Quinze ans se passèrent. 0 joie ! Il ne restait plus
que cent trente-six brins de paille humide. Encore
quatre cent huit jours, et le prisonnier pourrait eniin
se dresser, fier de son œuvre, vainqueur de la so-
L'ÉCLIPSÉ, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
1" Octobre 1876.
LA SEMAINE COMIQUE
Teaucoup |de bruit,., pour rien.
— Soyez notre chef, vous êtes seul digne de commander des
hommes tels que nous.
RETOUR DE VACANCES.
— Ça me ferait crânement de bien aussi à mot, de prendre lui
peu l'air de la mer.
— Tranquillisez-vous, il est question de tous envoyer à Toulon.
LA PAILLE HUMIDE DU CACHOT
Il passa ses dix premières années de prison sans
rien faire, le temps de seretourner.de s'installer, de
prendre les habitudes de la maison.
Cependant, comme il lui restait encore vingt ans
sur la planche, il se dit un beau matin qu'il était
honteux de mener une vie de fainéant, et qu'il fal-
lait se créer une occupation digne (non pas d'un
homme libre, puisqu'il était prisonnier), mais sim-
plement d'un homme.
Il consacra un an à réfléchir, à peser les différentes
idées qui lui passèrent par la tète, à chercher qosl
serait le but définitif de son existence.
Elever une araignée? C'était bien vieux, bien
connu. Copier Pellisson, peuh ! un pur plagiat!
Compter sur ses doigts les rugosités du mur".'
amusement ridicule, inutile, sans résultat appré-
ciable !
— Il faudrait, se dit-il, trouver quelque chose qui
fût à la l'ois curif.ux, profitable et vengeur. Il fau-
drait inventer une besogne qui fit passer le temps,
qui produisit quelque bien-être, et qui eût la valeur
d'une protostation.
Une nouvelle année fut employée à cette trou-
vaille, et le ciel récompensa enfin tant de persévé-
rance.
Le prisonnier habitait un véritable cachot, où le
soleil n'entrait guère qu'une demi-heure par jour,
et encore par un mince filet semblable à un cheveu
de lumière. La couche où le malheureux reposait
ses Membres endoloris était bien'réellement de la
paille humide.
— Ehbien! s'écria-t-ilavec énergie, je vais ennuyé:-
mes geôliers et blaguer la justice; je ferai sécher ma
paille I
Il compta d'abord les brins qui composaient sa
botte. Il y en avait mille trois cent sept. Une pauvre
botte!
Il fit ensuite une expérience pour savoir combien
il fallait de temps pour sécher un brin. Il fallait trois
quarts d'houre.
Cela faisait donc en tout, pour les mille trois cent
sept brins, une somme de neuf cent quatre-vingts
heures et quinze minutes, soit, à uni.' demi-heure
de soleil par jour, dix-neuf cent soixante et un
jours.
En mettant que Le soleil ne brille, en moyenne,
qu'un jour sur trois, on arrivait à un total de seize
ans, un mois, une semaine et six jours.
C'était, à six mois près, ce qui lui restait à faire.
Il se mit donc à l'œuvre.
Chaque fois que le soleil brillait, le prisonnier por-
tait un brin de paille dans le rayon, et usait ainsi
tout son soleil. Le reste du temps, il gardait au
i chaud sous ses vêtements ce qu'il avait pu sécher.
Dix ans se passèrent. Le prisonnier ne couchait
plus que sur un tiers de botte humide, et il avait la
poitrine bourrée des deux autres tiers, qui avaient
sué peu à peu.
Quinze ans se passèrent. 0 joie ! Il ne restait plus
que cent trente-six brins de paille humide. Encore
quatre cent huit jours, et le prisonnier pourrait eniin
se dresser, fier de son œuvre, vainqueur de la so-
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La semaine comique
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 9.1876, S. 27_106
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg