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L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
15 Octobre 1876.
LE T TRIE S DE PARIS
ii
A M. DE FOY, MARIEUR
Eli quoi ! monsieur, c'est au moment où les mairies
se lamentent sur la dépopulation du pays, où la
France va peut-être manquer de réservistes et d'é-
lecteurs; — pour les candidats, je suis bien tran-
quille, il y en aura toujours assez, —que vous parlez
de retraite?
Attendez au moins qu'on vous couvre de roses,
comme le dieu Pan.
Les agences matrimoniales que vous avez inven-
tées sont tellement dans le mouvement du siècle,
qu'elles seraient admises sans plus de conteste que
les bureaux de placements ou d'omnibus, si nous
n'étions pas le peuple le plus inconséquent de la
mappemonde.
Cependant, comme nous avons déjà des comités
avec des sous-comités, des présidents décorés, des
écritoires en porcelaine japonaise décorée aussi, des
plumes d'oie et tout le tremblement, qui décernent
des lauriers en papier peint à des rosières, à des pou-
lets, à des bestiaux, à des pots de moutarde, à des
parnassiens, il faut espérer que nous en aurons
bientôt qui se soucieront aussi de la conservation
des Français.
Loin de moi, la pensée de dire du mal des engrais-
seurs,— de gorets, par exemple— encore moins des
gorets eux-mêmes. Je les respecte comme toutes les
classes dirigeantes; toutefois, la plus belle truie du
monde ne peut donner que ce qu'elle a : ses jam-
bons, — ce qui n'est pas assez.
Je soutiens que la progéniture de Fengraisseur,
celle du président, et le président lui-même, de-
vraient progresser parallèlement aux gorets, ou aux
lapins de garenne, à oreilles droites, cassées ou in-
clinées.
Vous seul, monsieur, vous n'avez pas oublié ces
idées saines, puisque vous poussez au mariage.
Ce qui me plait encore plus en vous, c'est que
vous aimez la classe si décriée, quoique si intéres-
sante, des beaux-pères et des belles-mères.
J'avoue que je les verrais disparaître avec des re-
grets indicibles.
Certes, je ne me marierais pas exclusivement
pour en avoir; cependant, comme je me connais,
c'est-à-dire d'une douceur d'agneau, je suis persuadé
que je ne les maltraiterais pas. J'ai toujours blâmé
les plaisanteries cannibalesques des gendres sur
leur dos; je ne manque jamais de prendre leur dé-
fense à l'occasion, et encore ces jours-ci j'ai eu des
altercations assez vives.
C'est une grave erreur de croire que les agents de
ebange sont généralement un peu bêtes ; j'en connais
qui ne le sont pas; loin de là; — ils sont complète-
ment idiots.
L'un d'eux, à qui je conseillais, pour sa santé
d'abord, puis ensuite pour se marier, de cesser la
vie de noceur qu'il mène, ne m'a-t-il pas répliqué
avec ce jésuitisme burlesque, moitié dévot, moitié
incrédule, si à la mode dans les salons :
- — C'est ça, vous voulez que je pratique le verset de
LE CRAYON DES AUTRES
Correspondance du théâtre de la guerre (Dessins du Clh de Berlin).
— Je suis au milieu du combat. Pendant que j'écris, sur une feuille arra- — Nous sommes entourés d'une fumée épouvantable; la terre tremble,
chée d'une cartouche, les balles sifflent à mes oreilles. les adversaires sont a'ix prises.
L'ECLIPSE, REVUE COMIQUE ILLUSTRÉE
15 Octobre 1876.
LE T TRIE S DE PARIS
ii
A M. DE FOY, MARIEUR
Eli quoi ! monsieur, c'est au moment où les mairies
se lamentent sur la dépopulation du pays, où la
France va peut-être manquer de réservistes et d'é-
lecteurs; — pour les candidats, je suis bien tran-
quille, il y en aura toujours assez, —que vous parlez
de retraite?
Attendez au moins qu'on vous couvre de roses,
comme le dieu Pan.
Les agences matrimoniales que vous avez inven-
tées sont tellement dans le mouvement du siècle,
qu'elles seraient admises sans plus de conteste que
les bureaux de placements ou d'omnibus, si nous
n'étions pas le peuple le plus inconséquent de la
mappemonde.
Cependant, comme nous avons déjà des comités
avec des sous-comités, des présidents décorés, des
écritoires en porcelaine japonaise décorée aussi, des
plumes d'oie et tout le tremblement, qui décernent
des lauriers en papier peint à des rosières, à des pou-
lets, à des bestiaux, à des pots de moutarde, à des
parnassiens, il faut espérer que nous en aurons
bientôt qui se soucieront aussi de la conservation
des Français.
Loin de moi, la pensée de dire du mal des engrais-
seurs,— de gorets, par exemple— encore moins des
gorets eux-mêmes. Je les respecte comme toutes les
classes dirigeantes; toutefois, la plus belle truie du
monde ne peut donner que ce qu'elle a : ses jam-
bons, — ce qui n'est pas assez.
Je soutiens que la progéniture de Fengraisseur,
celle du président, et le président lui-même, de-
vraient progresser parallèlement aux gorets, ou aux
lapins de garenne, à oreilles droites, cassées ou in-
clinées.
Vous seul, monsieur, vous n'avez pas oublié ces
idées saines, puisque vous poussez au mariage.
Ce qui me plait encore plus en vous, c'est que
vous aimez la classe si décriée, quoique si intéres-
sante, des beaux-pères et des belles-mères.
J'avoue que je les verrais disparaître avec des re-
grets indicibles.
Certes, je ne me marierais pas exclusivement
pour en avoir; cependant, comme je me connais,
c'est-à-dire d'une douceur d'agneau, je suis persuadé
que je ne les maltraiterais pas. J'ai toujours blâmé
les plaisanteries cannibalesques des gendres sur
leur dos; je ne manque jamais de prendre leur dé-
fense à l'occasion, et encore ces jours-ci j'ai eu des
altercations assez vives.
C'est une grave erreur de croire que les agents de
ebange sont généralement un peu bêtes ; j'en connais
qui ne le sont pas; loin de là; — ils sont complète-
ment idiots.
L'un d'eux, à qui je conseillais, pour sa santé
d'abord, puis ensuite pour se marier, de cesser la
vie de noceur qu'il mène, ne m'a-t-il pas répliqué
avec ce jésuitisme burlesque, moitié dévot, moitié
incrédule, si à la mode dans les salons :
- — C'est ça, vous voulez que je pratique le verset de
LE CRAYON DES AUTRES
Correspondance du théâtre de la guerre (Dessins du Clh de Berlin).
— Je suis au milieu du combat. Pendant que j'écris, sur une feuille arra- — Nous sommes entourés d'une fumée épouvantable; la terre tremble,
chée d'une cartouche, les balles sifflent à mes oreilles. les adversaires sont a'ix prises.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
Le crayon des autres
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25 / T 6
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Thema/Bildinhalt (normiert)
Ulk <Zeitschrift>
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
In Copyright (InC) / Urheberrechtsschutz
Creditline
L' Eclipse: journal hebdomadaire politique, satirique et illustré, 9.1876, S. 27_122
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg