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Je vois des raisons plus profondes à ces parallélismes évidents, une
marche commune de l'esprit, parti de constatations analogues, vers des
étapes voisines et de semblables conclusions. L'intelligence européenne,
dans les régions méridionales et occidentales du moins, est construite à
peu près sur le même plan. L'art occidental entier, de son passé le plus
lointain à ses manifestations contemporaines, en passant par la Grèce et
Rome, par la France et l'Italie du Moyen Age, par la Renaissance et
ses rameaux divers, par l’art classique italien ou français, par la peinture
flamande, hollandaise, anglaise, ou même espagnole, est maintenu en des
limites étroites — entre lesquelles il joue, d'ailleurs, à toutes ses époques,
avec une liberté, une variété, une imagination admirables —• par une con-
ception anatomique de la forme dont son rationalisme n'a jamais pu
s'affranchir. Le mystère lui répugne, et le symbole. Il décrit, il n'évoque
pas. Que son protagoniste soit un pauvre chasseur de rennes, quelque
humble imagier picard, qu'il s'appelle Phidias ou Giotto, Michel-Ange
ou Vélasquez, Titien ou Fouquet, Poussin ou Vermeer, Breughel ou Corot,
il tient d'abord à être exact et ne diffère du voisin que par la façon de
conter non pas ce qui se passe en lui ou ce qui pourrait être, mais ce qu'il
se représente comme se passant hors de lui, ce qui est.
C'est à peu près le phénomène contraire qui caractérise l'art d'Orient,
surtout si l’on veut bien considérer que ! art assyrien et l'art égyptien tout
entiers, comme l'art grec à ses débuts ou l'art grec revenu, par Byzance,
à ses origines asiatiques, servent d'intermédiaires entre l'esprit occidental
arrêté entre des bornes infranchissables et l’esprit oriental flottant dans
un songe à demi conscient où les formes extérieures n'ont que la valeur
d’un témoignage invoqué. Entre le sensualisme dionysien et l’intellectua-
lisme apollinien, on ne peut pas dire qu'il y ait une opposition radicale,
puisque aussi bien Nietzsche a su trouver leur conciliation dans l'art grec
qui nous paraît, aujourd'hui, pencher un peu trop vers l'apollinisme alors
que l'art égyptien, par exemple, nous semble contenir, dans sa tenue archi-
tecturale constante, le maximum d'ivresse orgiaque qu’on puisse y faire
pénétrer. Mais il est vrai qu’ici règne l'objet épuré par l'intelligence et
maintenu, par elle, dans son cadre naturel, alors que là, le sujet troublé
par les sens, inondé d'impressions confuses, vit sur un plan surnaturel.
L’art assyrien lui-même, par certains côtés si exact et si positif, vise plus
à l'expression qu’à la description, plus au caractère qu'à la forme et,
pour parler comme Baudelaire, infiniment plus à la spiritualité qu'à la
beauté : il importe peu que cet homme impassible qui égorge ce lion furieux

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