LE
CRÉPUSCULE
DES HOMMES
i
L’ame héroïque de la Grèce va fuir par trois blessures : le triomphe
de Sparte, l’enrichissement d’Athènes, le règne de l’intellec-
tualisme. La sensibilité grandit aux dépens de l’énergie morale,
la raison déborde la foi, l’enthousiasme s’émousse au contact de l’es-
prit critique. Les philosophes, que la sculpture a tant contribué à
former en donnant la vie aux idées, vont renier leur origine, rire des
poètes et des artistes et décourager l’inspiration des statuaires en
égarant les esprits dans les méandres de la sophistique. Il ne faut pas
leur en vouloir. L’équilibre allait se rompre, aucune puissance humaine,
aucun miracle n’eût pu le rétablir. Et l’âme d’Athènes, au bord de
l’abîme où ses logiciens entraînaient la civilisation, forgeait même un
outil avec lequel les hommes, dans un avenir lointain, pourraient
bâtir une maison nouvelle. L’agonie de la Grèce nous donna le libre
examen.
Dès les dernières années du ve siècle, une caresse furtive passe
sur les marbres grecs. Les grandes formes soutenues par la circulation
de leurs énergies intérieures vont disparaître des frontons, et l’artiste
tentera d’appeler ces énergies à la surface des statues, des portraits,
—- 107 —
CRÉPUSCULE
DES HOMMES
i
L’ame héroïque de la Grèce va fuir par trois blessures : le triomphe
de Sparte, l’enrichissement d’Athènes, le règne de l’intellec-
tualisme. La sensibilité grandit aux dépens de l’énergie morale,
la raison déborde la foi, l’enthousiasme s’émousse au contact de l’es-
prit critique. Les philosophes, que la sculpture a tant contribué à
former en donnant la vie aux idées, vont renier leur origine, rire des
poètes et des artistes et décourager l’inspiration des statuaires en
égarant les esprits dans les méandres de la sophistique. Il ne faut pas
leur en vouloir. L’équilibre allait se rompre, aucune puissance humaine,
aucun miracle n’eût pu le rétablir. Et l’âme d’Athènes, au bord de
l’abîme où ses logiciens entraînaient la civilisation, forgeait même un
outil avec lequel les hommes, dans un avenir lointain, pourraient
bâtir une maison nouvelle. L’agonie de la Grèce nous donna le libre
examen.
Dès les dernières années du ve siècle, une caresse furtive passe
sur les marbres grecs. Les grandes formes soutenues par la circulation
de leurs énergies intérieures vont disparaître des frontons, et l’artiste
tentera d’appeler ces énergies à la surface des statues, des portraits,
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