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L’EGYPTE

I
L’Égypte est la première de ces ondulations que sont les sociétés
civilisées à la surface de l’histoire et qui paraissent naître du
néant et retourner au néant après avoir passé par une cime.
Elle est la plus lointaine des formes définies qui restent sur l’horizon
du passé. Elle est la vraie mère des hommes. Mais bien que son action
ait retenti dans toute l’étendue et la durée du monde antique, on
dirait qu’elle a fermé le cercle de granit d’une destinée solitaire. C’est
comme une multitude immobile, et gonflée d’une clameur silencieuse.
Elle s’est enfoncée sans un cri dans le sable, qui a repris tour à
tour ses pieds, ses genoux, ses reins, ses flancs, mais que sa poitrine
et son front dépassent. Dans son visage écrasé, le sphinx a toujours
ses yeux inexorables, ses yeux sertis de paupières rigides, et qui voient
à la fois au dedans et au loin, de l’abstraction insaisissable à la ligne
circulaire où sombre la courbe du globe. A quelle profondeur est-il
assis, et autour de lui, au-dessous de lui, jusqu’où l’histoire descend-
elle? Il semble être apparu avec nos premières pensées, avoir suivi
notre long effort de sa méditation muette, être destiné à survivre à
notre dernier espoir. Nous empêcherons le sable de le recouvrir tout
à fait parce qu’il fait partie de notre terre, parce qu’il appartient aux
apparences au milieu desquelles nous avons vécu, aussi loin que notre
souvenir remonte. Avec les montagnes artificielles dont nous avons
scellé le désert près de lui, il est la seule de nos œuvres qui paraisse

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