LA GRECE
FAMILIÈRE
I
Tandis que l’art officiel, le grand art décoratif et religieux perdait
de vue ses sources, l’art familier restait près d’elles, et pour
lui seul elles ne se tarissaient pas. Le héros émané du peuple
a disparu, mais le peuple est toujours là, et c’est en lui que survit l’âme
grecque. Le peuple subit plus lentement l’influence corrosive de l’in-
tellectualisme et de l’or et la flamme de vie couve en lui quand elle
est en haut tout à fait éteinte. Même au temps des pires déchéances,
l’instinct des multitudes enferme tous les éléments de la vie supérieure,
il ne faut que l’éveil de désirs nouveaux par l’apparition de nouveaux
besoins pour que le grand homme apparaisse et que mûrisse en lui
cet instinct que lui ont confié la foule morte des aïeux et la foule vivante
des hommes. La puissance animale brute, la puissance intelligente,
nous n’avons pas d’autres armes pour conquérir notre propre organi-
sation. Le civilisé moyen, au contraire, est aussi éloigné de l’ordre
spirituel que de la possession directe. Il n’a pas encore atteint l’une,
il a perdu l’autre. C’est un désert.
C’est le peuple qui recueillera, dans toute l’étendue du monde
grec, les éléments épars de l’âme antique. L’ouvrier d’art remplace
le héros. L’arbre déraciné va couvrir la terre de feuilles. Du pavé des
villes grecques sort un monde de bibelots, figurines de métal ou de
terre cuite, bijoux, pierres gravées, meubles, monnaies, vases peints
— 123 —
FAMILIÈRE
I
Tandis que l’art officiel, le grand art décoratif et religieux perdait
de vue ses sources, l’art familier restait près d’elles, et pour
lui seul elles ne se tarissaient pas. Le héros émané du peuple
a disparu, mais le peuple est toujours là, et c’est en lui que survit l’âme
grecque. Le peuple subit plus lentement l’influence corrosive de l’in-
tellectualisme et de l’or et la flamme de vie couve en lui quand elle
est en haut tout à fait éteinte. Même au temps des pires déchéances,
l’instinct des multitudes enferme tous les éléments de la vie supérieure,
il ne faut que l’éveil de désirs nouveaux par l’apparition de nouveaux
besoins pour que le grand homme apparaisse et que mûrisse en lui
cet instinct que lui ont confié la foule morte des aïeux et la foule vivante
des hommes. La puissance animale brute, la puissance intelligente,
nous n’avons pas d’autres armes pour conquérir notre propre organi-
sation. Le civilisé moyen, au contraire, est aussi éloigné de l’ordre
spirituel que de la possession directe. Il n’a pas encore atteint l’une,
il a perdu l’autre. C’est un désert.
C’est le peuple qui recueillera, dans toute l’étendue du monde
grec, les éléments épars de l’âme antique. L’ouvrier d’art remplace
le héros. L’arbre déraciné va couvrir la terre de feuilles. Du pavé des
villes grecques sort un monde de bibelots, figurines de métal ou de
terre cuite, bijoux, pierres gravées, meubles, monnaies, vases peints
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