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continu. La peinture familière de l’Égyptien agriculteur racontait
le travail des champs. La peinture familière des Grecs, peuple de
marchands et de causeurs, parle plus volontiers des travaux de la
maison.
La vie, dans la cité antique, est infiniment moins guindée que
nous ne nous la représentons. L’indulgence, la familiarité méridionales
la vie simple rapprochent tout. Celle d’un port méditerranéen actuel
doit lui ressembler en tous points, surtout les jours de marché et de
consultation électorale. Malgré le souci constant qu’ont les Grecs
de recouvrir d’une fiction souriante ou splendide la banalité, la vul-
garité ou même l’horreur de l’aventure quotidienne, elle perce sous
le décor.
Ce peuple a-t-il donc menti? Non. Il a imaginé une vie héroïque
qui exprimait malgré tout son désir et qui lui a permis de hausser
son vouloir au-dessus de ses appétits les plus atroces et ainsi, en fin
de compte, de lancer l’avenir des hommes dans une décisive direction.
Après tout, si la guerre est ignoble, avec ses corps décomposés et
leurs hideuses grimaces, rien n’est si beau qu’un jeune guerrier qui
s’avance, la poitrine ouverte, soulevé d’orgueil et de foi. Si les travaux
du ménage épuisent et flétrissent la femme, voici — roseaux ployés,
eaux ondoyantes, fleurs et guirlandes balancées, — des jeunes filles
qui dansent, rythmant au son des musiques grêles les mouvements
de la poursuite, de l’adieu, de la supplication, de la prière, de l’amour.
Et si la mort est au bout du chemin, il y a sur les bords du chemin
de quoi orner la vie. Il semble qu’aussi turbulent ou fourbe et souvent
tout ensanglanté qu’ait été le monde grec, sa gloire est en ceci, qu’il
a accepté virilement et même joyeusement de vivre. Au pied de l’Acro-
pole, il y a un petit cimetière, où se dressent encore quelques stèles
funéraires d’un symbolisme émouvant. La Grèce aime les travaux
et les jours jusque sur sa pierre tombale. On s’y dit adieu avec des
gestes simples, avec une figure un peu triste et tout à fait calme,
comme si on allait se revoir. L’ami serre la main de l’ami, la mère pose
les doigts sur la tête de l’enfant, la servante présente à sa maîtresse
le coffret plein de bijoux. Les animaux familiers viennent assister au
départ. La gloire de la vie terrestre entre dans l’ombre souterraine.

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