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polite, la plus ouverte du globe. Les Portugais, les Vénitiens y
envoyaient leurs marchands et la cour impériale faisait venir des
Indes, de la Perse, de l'Europe occidentale même, des artistes et des
savants.
Pourtant, aussi loin qu'on regarde dans le passé de la Chine, elle
semble n'avoir pas bougé. Sa vie mythique prend fin, peut-être, vers
le siècle de Périclès, son apogée de puissance vitale oscille entre
le Ve et le xve siècle de notre ère, son déclin commence à l'heure où
l'Occident va façonner l'histoire. Mais il faut y regarder de près pour
distinguer l'une de l'autre ces phases de son action. Les témoignages
matériels qui nous parviennent de son époque légendaire ne diffèrent
pas très sensiblement de ceux qu'elle fournit de nos jours mêmes et
son plus vigoureux effort ne paraît coïncider avec le Moyen Age
occidental que pour mieux démontrer, par les passages insensibles
qui l'attachent à son passé et à son présent, qu'elle n'est jamais sortie
de son propre Moyen Age et que nous ignorons quand elle y est
rentrée. En réalité, c'est le monde intérieur des Chinois qui ne s'est
jamais ouvert pour nous. Nous avons beau sentir chez eux une civi-
lisation sociale plus parfaite que la nôtre, nous avons beau admirer
en eux les résultats d'un effort moral qui fut aussi grand que le nôtre.
Nous ne les comprenons pas toujours mieux que les fourmis ou les
abeilles. C'est le même mystère, très effrayant, presque sacré. Pour-
quoi sommes-nous ainsi faits que nous ne puissions concevoir que notre
propre mode d'association et notre seul mécanisme de raisonnement?
Que le Chinois nous soit supérieur, qu'il nous soit inférieur, c'est ce
qu'il est impossible de dire et le problème, ainsi posé, n'a pas de sens.
Il a suivi une évolution que nous n'avons pas suivie, il constitue un
deuxième rameau de l'arbre humain qui s'est écarté du premier sans
que nous puissions savoir si leurs branches se rejoindront.
Le monde indo-européen, de tout son instinct, se dirige vers l'avenir.
Le monde chinois, de toute sa conscience, se tourne vers le passé.
Là est l'abîme, peut-être infranchissable. Là est tout le secret de la
puissance d'expansion de l'Occident, de l'hermétisme de la Chine,
de l'étrange impersonnalité de son langage figuré. Prise en bloc, elle
ne manifeste aucun changement dans le temps, aucun mouvement
dans l'espace. On dirait qu'elle exprime un peuple de vieillards,
ossifiés depuis l'enfance. Ce n'est jamais à lui, c'est à son père, à son
grand-père, et par delà son père et son grand-père, au peuple immense
des cadavres qui le gouverne du fond des siècles, que le Chinois
demande non pas la loi, mais la recette de son adaptation au milieu
d'ailleurs peu mobile que la nature lui a fait.
Au premier abord, c'est l'Égypte, son immobilité géologique et

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