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Gazette des Ardennes: journal des pays occupés — Januar 1916 - Dezember 1916

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2- Année. — N" 167.

P1UX : G CENTIMES

Charleville, le 3 Avril 1916.

Gazette des Ardennes

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT TROIS FOIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tous les bureaux de poste

les Rapports des Ministres belges

Dans noire dernière série d'extraits de la correspon-
dance officielle des ministres belges à Paris, à Londres
et à Berlin, adressée au ministre des affaires étran-
gères du royaume de Belgique (voir au N° de ïa
«Gazcttf») nous avons vu s'affirmer de pins en plus
le caractère fatal de l'Entente- anglo-franco-russe.

Rappelons ce qu'écrivait à ce sujet, le 6 décembre
191 x» le baron Grcindl ;

« L'entente cordiale a été fondée non sur la base
positive de la défense d'intérêts communs, mais sur fa
base négative de la haine contre l'Empire allemand.
Si elle avait été comprise autrement à Paris, elle n'y
eût pas été accueillie comme un succès diplomatique
si éclatant Que 1'humiltation de Fachoda en était effa-
cée. C'est l'entente cordiale qui a réveillé en France
l'idée de ta revanche fort assoupie auparavant. C'est
d'elle aussi que dérive l'état d'inquiétude et de malaise
dans lequel l'Europe se débat depuis sept ans....j>

Dans la même lettre, le baron Grcindl avait entre-
tenu le "ministre belge des affaires étrangères, M.
Davignon, des deux discours prononcés au Reichslag
allemand par le Chamelier de l'Empire, affirmant que
dans ces discours, M. de Bcthmann-Hollweg «avaitfait
preuve des dispositions les plus conciliantes et réussi
à éviter tout ce qui aurait pu blesser l'opinion publique
anglaise, h

Au nom de l'Angleterre, Sir Edward Grey répondit
au chancelier. Reprenons ici le fil de la correspon-
dance diplomatique belge ;

Le Baron Grcindl, M1 nuire de'Belgique à Berlin,

à M. Davignon, Minisire des Affaires étrangères.

Bel lin, le V décembre 1911.

Sîr E. Grey a brièvement répondu à Plymouth au dis-
cours sur l'état des relations entre l'Allemagne et l'Angle-
terre que le chancelier de l'Empire a prononcé au Reichs-
tag----

Ce qui résulte de plus clair du discours de Sir E. Grey
c'est qu'il veut continuer la politique do la Triple-Entente
dans l'esprit où 11 Va pratiquée jusqu'ici, c'est-à-dire hostile
ù l'Allcmagns-....

11 n'y a pas plus d'accord entre les peuples qu'entre les
Gouvernements. Les Anglais continuent ù jalouser l'ex-
pansion de l'Allemagne. Les Allemands qui, il y a six mois
encore, n'étaient nullement hostiles ù l'Angleterre, le s(ml
devenus maintenant..... (s.) Grcindl.

Cette politique de jalousie n'est, toutefois, pas

partagée par l'unanimité de l'opinion et de la pPf*R«e
anglaise. De rares journaux en entrevoient le danger :

Le Comte de Lalaing, Minisire de Belgique à Londres,

à M. Davignon, Ministre des Affaires étrangères.

Londres, le 13 février 1012.

Le a Duily AFmdj » dît que les événements sont en train
de prouver le peu il 'importance qu'on peut attacher aux
promesses du chef du Foreïgn Office cl dit que Sir E. Grey
s'y est rendu désormais impossible.___

Le même journal, prenant pour texte un discours de
Lord Rosebery, à Glasgow, dans lequel l'ancien Ministre
des Affaires Etrangères critique la politique extérieure de la
Grand-Bretagne, avec son enchevêtrement d'ententes qui
amène ù sa suite do graves responsabilités, continue aujour-
d'hui ses attaques contre Sir E. Grey. Il déplore le résultat
de l'action du Ministre, qui oppose une triple entente à la
triple alliance, entrave rcxpuuaiuii do l'Allemagne et t
mené le pays à deux doigts de la guerre l'été dernier. La
politique de Sir E. Grey doit logiquement amener la
Grande-Bretagne non seulement h augmenter sa flotte, mais
a adopter le service militaire obligatoire. Aussi le t< Daiiy
ftews a réclame-t-il la démission de Sir E. Grey.

(t.) Ole. de Lalaing.

Le programme de Sir Grey était d'ailleurs celui de
M. Àsquitli, premier ministre et de tout le cabinet
anglais :

Le Comte de Lalaing, Ministre de Belgique à Londres,

à M. Davignon, Ministre des Affaires étrangères.

Londres, le 10 février 1912.

Le Premier Ministre, lors de la discussion do la réponse
au discours du Trône, u eu l'occasion de fournir quelques
éclaircissements....

Si les deux nations désirent voir l'établir entre elles des
relations plus cordiales, le Premier Ministre a eu soin
d'ajouter qu'il ne s'agissait cependant en aucune façon de
modifier la situation spéciale dans laquelle l'Allemagne
d'une, pari, la Grande-Bretagne de l'autre se trouvaient vis-
à-vis d'autres puisantes, mais les deux Etals examinent en
ce moment ce qu'il sciait possible de faire.

Mr. Asqutlh n'a pas parlé de la question navale, mais
vous aurez remarqué qu'à Glasgow, pendant que le Ministre
de la Guerre se trouvait à Berlin, le Ministre de la Marine
Mr. Winston Churchill a encore affirmé In résolution de
rÂlfffleterre de maintenir à tout prix sa suprématie sur mer.

II a même employé un mot assez malheureux, qui a fait
mauvais effet en Allemagne, lorsqu'il a dit qu'une forte
marine était une néoesiitc' pour la Grande-Bretagne, et un
simple luxe pour l'empire germanique.

(s.) Ole. de Lalaing.

Celte politique anglaise ne pouvait qu'engendrer
une légitime méfiance en Allemagne. Le gouverne-
ment allemand n'en persista pas moins dans son al-
titude modérée et purement défensive. Le représentant
du gouvernement belge le constate :

Le Baron Greindl, Minisire de Belgique à Berlin,

à M. Davignon, Ministre des Affaires étrangères,
Dcrlûi, le 30 avril 1912.

Lo Reichslag a commencé lundi dernier et terminé hier
la première, lecture des projets de loi sur l'augmentation
de l'armée de terre, de la marine de guerre et sur les res-
sources à créer pour les nouvelles dépenses militaires....

Dans non discours initial le chancelier s'est efforcé de
démontier que \l'iniliative du gouvernement n'était pas
inspirée par une pensée d'agression ou de provocation
contre qui que ce soit. Tous les orateurs ont suivi l'exemple-
do M. de Belhmann Hollwrg. Ils ont parlé à côté de la
question et à peine effleuré la vraie raison qui oblige l'Alle-
magne à développer encore ses formidables préparatifs
militaires; c'est-à-dire l'état alarmant des relations entre
les grandes puissances, provenant des rancunes entre les
peuples, de la folle équipée de l'Italie et de la fermentation
dans les Etats des Balkans. (a.) Greindl.

Voilà donc, nettement établie par ce témoin neutre,
la situation qui obligeait l'Allemagne d'être sur ses
gardes.

C'est tout le secret du « militarisme » allemand I
Grand Quartier généra], 1" avril 1910.
Théâtre de la guerre à l'Ouest.

Près de St-Eloi des attaques anglaises à la grenade
furent xepouesées.

De vives luttes de mines se développèrent entre le
canal de La Basséc et Neuville.

Au nord-ouest de Roye, l'artillerie française se
montra très active. Nous avons pris sous un feu ef-
ficace les positions ennemies sur le front de l'Aisne.

Dans les Argonnes et dans la région de la Meuse,
violents combats d'artillerie.

Nos aviateurs de combats abattirent .'i avions fran-
çais, l'un près de Laon et le deuxième près de Moge-
ville (en Woëvre) dans nos lignes, le troisième près
de Yille-aux-Bois et le quatrième au sud de Haucourt,
immédiatement derrière le front ennemi. Le -champ
d'aviation fiançais de Rosnay, à l'ouest de Reims, fut
copieusement bombardé.

Théâtre de la guerre à l'Est.
Aucun événement essentiel.

11 semble donc que l'offensive russe, — qui avait
été entreprise avec 3o djyisions, c'esta-dirc plus de

5oo,ooo hommes et des quantités de munitions éton-
nantes et inouïes ù l'Est, dans la période du 18 au
28 mars, contre de larges secteurs du groupe d'armée
du feldmarécbal von Ilindcnburg — se soit, pour

l'instant, épuisée. Grâce ù la vaillance et à la ténacité
de; nos troupes, celte offensive n'a eu aucun succès.
Le grand but poursuivi par ces attaques apparaît dans
l'ordre du jour suivant du général en chef des années
riitscs à la frontière ouest, daté du h (17) mars,
N*;537 : -

«Troupes du front ouest!

\Il y a six mois, fortement affaiblies et disposant
d'un petit nombre de fusils et de cai touches, vous avez
rr.turdé l'avance de l'ennemi et après l'avoir entravé
dafas la région de Molodetchno, point de rupture du
front, vous avez occupé vos positions actuelles.

[Sa Majesté et la Pairie attendent de vous un nouvel
ach d'héroïsme : te rejet de l'ennemi hors des fron-
tières de l'empire. Quand vous aborderez demain cette
haute tâche, je suis persuadé, dans ma confiance en
vo^rc courage, en votre profond dévouement envers le
7'sfir et en votre brûlant amour de la Patrie, que vous
remplirez votre devoir sacré envers le Tsar et le Pays
«f fjue vous libérerez vos frères gémissant sou* le joug
de 1 l'ennemi. Que Dieu nous aide dans notre sainte
catse l Adjudant général : (signé) Ewert. »

(tout connaisseur des circonstances trouvera, tartes,
étonnant que pareille entreprise ait été commencée à
une époque où son exécution pouvaient rencontrer
d'un jour u l'autre de graves difficultés, causées par
la tonto des neiges. Le choix du moment semble avoir
donc moins dépendu de la libre volonté du commande-
mont russe, que d'une pression de la part d'un Allié
en détresse.

Si l'on s'efforce aujourd'hui, du côté officiel russe,
à expliquer la cessation actuelle des attaques unique-
ment par le changement de temps, ce n'est là, certes,
qu'une demi-vérité. Dans ce grave contre coup, les
perles subies ont pour le moins ia même part que le
terrain détrempé. Ces pertes russes sont chiffrées
d'après une évaluation prudente, à au moine 1^0,000
hommes. Le Haut Commandement ennemi ferait
donc mieux de dire que la «giandc» offensive a été
étouffée jusqu'ici non sculcmeut par les marais, mais
par les marais et dans le sang.

Théâtre de la guerre aux Balkans.
Rien de nouveau.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Paris, 27 mars 191C, soir.

Entre Somme et Avre, aux environs de Maucourt, après
un intense bombardement, les Allemands ont tenté sur une
de nos tranchées de première ligne un coup de main qui u
complètement échoué.

En Argonne, activité continue de notre artillerie sur divers
pointa du front ennemi, notamment dans le secteur du bois
de Cheppy. Nos pièces à. longue portée ont canonné des
troupes en mouvement dans la direction Exermont-ChAtel et
fait sauter un dépôt de munitions.

A l'ouest de la Meuse, le bombardement s'est maintenu
assez intense sur notre frout B6thincourt-le Mort-Homme-
Cumières, ainsi qu'a l'est de la Meuse, dans 1* région Vaux-
Dououniont. Quelques rafales d'artillerie en Woevre. Au-
cune action d'infanterie.

"Au nord-est de Samt-Miliiel, nous avons bombardé a
longue distance la gare et les établissements ennemie d'Heu-
dioourt, sud de Vigneulles. Une rame de wagons a été dé-
molie, un bâtiment a pris feu.

Parie, 28 mars 1910, 3 heures.
A l'est de la Meuse, nuit calme.

A l'ouest de la Meuse, assez grande activité des deux
uSillenes dans la région de Malancourt, et aussi en Woevre
d*i5 le secteur du Pied-des-Cotes-de-Meuse.

îEn Lorraine, -dans la foret de Parroy, nous avons exô-
ctjé un coup de main sur un ouvrage ennemi dont les occu-
p-nts ont élé tués ou faits prisonniers. Nous avons fuit
s uler l'ouvrage en nous retirant.

1 Aucun événement important 0. signaler sur le reste du
frjnt.

L4 GUERRE NAVALE ET AERIENNE.

Bombardement de Valona,

Un communiqué officiel de Vienne annonce que, dans
la matinée du a<) mars, 4 hydro-avions autrichiens, com-
mandés par le lieutenant de marine Konjovic ont attaqué
Valona, dernier point d'appui encore occupé par les Italiens
en Albanie- IU bombardèrent avec succès des batteries et des
abris, un hangar d'avions et un magasin, ainsi que le
navire porte-avion français u Foudre a ; malgré une violente
cannonade tous les avions revinrent indemnes.

Attaque aérienne contre Salonique.

Un communiqué officiel de PEtat-major bulgare annonce
qu'une escadrille de avions allemands attaqua, le 37 mars,
le camp anglo-français situé s proximité de la ville de Sale-
nique et jeta 800 bombes qui causèrent de grands dégâts.!
Les uvialeurs observèrent une première explosion dans le
dépût situé immédiatement près de la gare et une deuxième
sur un navire ennemi. De* avions ennemis tentèrent
d'attaquer les avions allemands, mais leur tentative resta
sans succès. /1 avions anglo-français furent obligés d'atterir,
les autres durent se retirer.

Le général Cadorna à bord du a Suasex ».

D'après une information de Paris au « Secolo » le gêné*
rotisslmc italien Cadorna se trouvait à bord du « Susse* »
lorsque/celui-ci fut torpillé. Le général descendit dons une
nacelle et remonta ensuite a bord du vaisseau jusqu'à ce que
celui-ci fut secouru. Après la catastrophe Cadorna retourna
ù Londres de sorte que son arrivée a Paris subit un retard
d'un jour.

Les victimes de la « Provence ».

D'après un télégramme de Genève 1 II « GazetU de
Francfort n on avoue aujourd'hui au ministère de la Marine
français qu'il y avait ioco hommes à bord de la uProvencen,
lorsque le navire fut torpillé. agG survivants ont été débar-
qués à Malte et environ 4oo à Miles. Le reste, c'est-à-dire la
plus grande partie de l'équipage et des troupes transporta
a trouvé la mort.

Il y avait ù bord de la nProvence d l'élat-major du .3° ré-
giment d'infanterie coloniale, le 3* bataillon, la »* com-
pagnie du 1" bataillon, la 2" compagnie de mitrailleurs J\
encore une autre compagnie.

La Situation politique el sociale en France

ENTRE u BONS CONFRERES ».

On se souvient que I '« Œuvre », le nouveau journal
quotidien de M. Gustave Téry, vient d'être interdit pour une
série dejours, pour avoir reproduit des extraits d'un article
censuré de M. Clemenceau. En reparaissant, M. Téry publie
un article mordant à l'adresse de ses « bons confrères » de
In grande presse boulcvardière qui, s'ils sont unanimes.! pré-1
cher lu haine, sont loin de pratiquer entre eux l'amOui col-
légial ! Voici les principaux passages de ect article :

a Un ami véritable me prodiguait hier ses condoléances
avec une affectueuse ironie.

«— Laissez-moi, dit-il, vous conter cet apologue :

u Un petit épicier vient ouvrir boutique en face d'un
grand. Le commerce du petit ne va pas mal, parce qu'il
vend de bonnes épices ; le commerce du grand périclite,
parce qu'il en vend de mauvaises. Et le grand épicier
regarde le petit d'un oeil aussi mauvais que ses épices. . ..

u Mais un beau malin, sans raison, sans explication, la
police intervient et ferme pour quinze jours ta boutique du
petit épicier. Vous croyez que le grand épicier va s'inter-
poser, protester au nom de ta solidnrité professionnelle ?
Non, le grand épicier jubile.

u ^Pourquoi voulez-vous que dans la presse il en .11 lie
autrement que dans l'épicerie P C'est votre histoire que je
vous conte là. La censure peut multiplier impunément les
illégalités et les abus do pouvoir, les saisies et les suspen-
sion! ; Anastasie, qui connaît bien le cœur des hommes en
général et celui des journalistes en particulier, est parfaite-
ment sûre que, si clic tracasse un journal, aueun de ses"

feuilleton de la •gazette DE* ARDLKNLS* 2

EN ALLEMAGNE

Par un Français

(Suile tin diuJogiie en chemin de Jcr, extrait de l'out rage ;
a L'Enigme AlleniJndu .. pat Georges Bourdon, Pana J913.)

La vérité, si vous la cherchez d'un cceur sincère
n'est pas dans le spectacle d'un jour. Elle est dans l'élude
du pa^c. Elle est ici dans ce livre : c'est lui qui vous rc-
pondra I

, Le voyageur frappait du |dut de ii main, sur l'ouvrage
qu'il lisait tout à l'heure, et qu'il itsiH posé sur lit ban-
quclle. ,

— Qu'est ce livre ? lis-jc.

" .— C'est'un livre d'histoire — ce o'eal qu'un Ihie d'his-
toire. — L'histoire des idées en Allemagne depuis Frédé-
ric II, c'est-à-dire, en réalité, si l'oruiagc justifie son objet,

ttout le mécanisme moral de i'AUeawgne moderne. Cette
AlleuiLipiie qui, de plus en plus tend h a'unfSer, vient de
loin, Monsieur, et ce patriotisme, que vous trouvée Impé-
rieux et agretltf, n'est tel sans doute, que puice qu'il ctt
tout neuf. Mais vous auriez tort de nous le reprocher; vous
êtes pour beaucoup dans son épanouissement : votre Napo-
léon, sur le champ du bataille d'Iénu, fut un gland f.dui-
tutcur de patriotisme germanique. Après lui, ù travers toute
la terre .dlemande, il ne fut plus psmus fi personne de ré-
péter le mot de Goethe ; « J'étais frédéricieu ». Car, ou était
au dix-huitième siècle u frédéricien », on était poui le roi,
comme le Saint-Empire, cl, au delà de cette fidélité au lui
t}e Prusse, les meilleurs Prussiens M voyaient rien d'autre.

— Pour les meilleurs fztnçsdl du dix huitième siècle,
aussi, le roi, c'était toute U France,

— Même forme de patriotisme, je le veux bien, mais
qui, ici et là, enveloppait des sentiments très différents. En
France, dans ce pays depuis longtemps unifié el centralisé,
fondu et pétri ou creuset d'une histoire plusieurs fois ccu.
lenaire, la foi royale est le nom que prend la foi nationale;
elle enferme déjà, à peu de chose près, tout le patiiolismu
moderne, que votre révolution va exalter en le révélant à
lui-même, et l'amour du roi n'est, en somme, que l'amour
de la nation représentée par le roi. Mais chez nous ? L'Alle-
magne rfeit ni un Etat ni une nation; l'Allemagne n'est
rien, pas même un nom; cl le Saïnl-Empirc lui-même n'est
plus qu'un organisme vieilli, sans prestige et «uns force,
dans lequel et autour duquel de petits Etats misérables traî-
nent une existence difficile. Personne ne se rencontre pour
essayer de galvaniseï ce giand corps disloqué; personne,
ni homme d'Etat, ni écrivain, ni poète, pour tenter d'en
faire jaillir une force solidaire; bien pis, il y a des gens pour
traiter d'extravagants et de thiméiîqucs dangereux ceux qui
osent rêver do lu possibilité de constituer un esprit natio-
nal, el c'est le temps où Leasing avoue 11c rien entendre à co
que peut être l'amour de la patrie I Voilà, Monsieur, d'où,
est parti ce palriulisnic qui vous semble aujourd'hui exi-
fMtbt —

u 11 va bientôt apparaître cependant, non pus sous la
forme poHthjue d'ut><ml, mais sous lu forme litléutiie.
Comme tOUI les |*liadl fuits SCH inox il faudra qu'il se
réalise cri MtOlfer lieu dans l'a..... populaire avant de s'im-

pdsci aïK politiques, et, n'ayant point d'autre appui que la
MaeimtnsMui du tangage, o'ast pa_i la llHsVàture qu'il va
Mirai baoi l'uUt'mL. ><

Mou i n terme u ic m l'Interrompit à 00 inorocnt u Ces

i bonis, du moins, ii'' vous ennuient elh u pas ? ■ Je proies?
ta), iiiiiis 11 nul m .uintoms devoir me rassurer.

— Ne craigne/ rim, fit-Il en riant, que je fasse défiler
devant von yeux toute- l'Allemugiii' du dernier sicrle. J'irnl
vile. Mais ni vous conseille)! ù me suivre, vous verre/; bientôt
h quel point je suis daui le sujet.

: « Klopstock, le Prussien Klopstock____Retenez hieu ce

Ban C'est celui d'un poète que je ne vous donne pas
cirame celui d'un très grand écrivain, mais Klopstock: fut
un grand patriote, le premier des patriotes allemands. Le
premier, il regarde, derrière la Prusse et son roi, la grande
niasse immobile et amorphe du germanisme; il lui raconte
ses origines, les luttes héroïques des ancêtres contre Rome;
U lui annonce des destinées étincelantes, uu rayonnement
splendide; d'Innombrables victoires, mais, retenez ceci, des
victoires de l'idée, non de la force. Pour Klopstock, le ger-
manisme doit devenir dans l'humanité divisée un instru-
ment de réconciliation et de paix, et, si le poète chante ta
Révolution franchise, c'est qu'elle ouvre l'ère de la Frater-
nité humaine.

a Dès lors, lu route est fuite. Les écrivains, les poètes,
Iqs philosophes vont s'y presser, et, gnlcc à eux, lu langue
dé Luther revêt un éclat magnifique. A ce moment, la plu-
part des hommes qui ont composé votre incomparable école
du dix-huitième siècle, sont morts ou vieillis, et il n'y a pas
diuls le momfe un seul peuple où la pensée et les lettres
itjieut servies avcr*»ut.int do splendeur que sur cette terre
qui n'a même pas. encore de nom. Tous travaillent pour la
formation d'une (une nationale. Il n'est pas nécessaire, pour
efla, qu'ils se fussent professeurs, qu'ils s'organisent en pha-
lange, et se répandent en discours didactiques ; c'est assez
qu'ils célèbrent le passé, qu'ils y îetrouvent et y révèlent
l.i continuité du germanisme ; c'est même assez qu'ils pen-
sjnti écrivent, puileut, chantent en allemand J

« C'est leasing qui, uml u l'heure, niait l'idée de la pa-
Uie, Pt qui, féroce dam su critique des maîtres de votre dix-
septième siècle, exulté dans son apologie de lu pensée alle-
iiande, va devenir un des plus vigoureux fondateurs delà
patrie. C'est Ilenlrr, qui, avec une fertilité incroyable, et
une sorte de flamme intérieure, établit dogmatiquement la
supériorité de l'esprit allemand et, le premier, formule un
appel véhément qui cht eoniinc lo r 1 i de rassemblement jeté
à toute la race. Puis, ce sont, répoud.int ù sou adjuiutiou,

deux écrivains considérables, dont l'œuvre nationale n'a pet!
cessé de retentir sur tout le dix-neuvième siècle Arnim et
son ami Brentano. Répétant avec enthousiasme l'nppcl dn
Herder, contraignant leurs compatriotes à s'admirer dans
les»recueils de la vieille poésie qu'ils ressuscitent, cl à s'ap-
puyer ferme sur le passé pour dominer l'avenir, ds jettent
au monde germanique en sommeil la sommation qui «cra
obéie, vous savez quand : Pour l'Allemagne, par lu Prusse I
C'est Arndt, patriote fougueux à qui la vue de l'Alsace aux
mains françaises arrache de douloureuses et d'ardentes pro-
testations. Enfin, pour ubréger, ce sont Wieiand, Schiller,
Fichtc, Goethe, dont les oeuvres avec celles du vieux Kant,
sont autant de monuments dressés .'1 la patrie qui n'csl pas
encore.

« Et presque tous sont pacifiques, songes y. Ils croient .111
génie allemand et a son triomphe, malt m'enUndent pas
qu'il s'exerce confrc autrui. Herder le dit. Ar*dt est démo-
crate. Si la plupart ont accueilli avec transport au début du
moins, la Révolution française, c'est qu'elle leur cal appa-
rue comme l'événement de la Bonlé Schdler, en attendant
qu'il se reprenne, est révolutionnaire et parle à peu près le
langage d'un Robespierre. Kant écrit ; u Lm Pair perpé-
tuelle u. Wieiand fait comme Schiller. Goethe prononça :
k Pour gagner la paix, nous Unrcrpna lu force c"ntrc la
force, u On est humanitaire, libéral et fraternel, on croit à
la bonté, au progrès ; si l'on évoqi.e la foiv*. c'est tomme
l'instrument de l'amour. Tels son! Us hommes, telles sont
les idées qui bercèrent, i l'origine. le patriotisme nlletnand.
Il est né d'un instinct de race, servi pur l unité de langue.
Il ne demande qu'a vivre et ne cherche pas ^ détruire. Et
s'il se montre parfois agressif ù l'égard de la France, c'est
que lu France a tons les prestiges, militaire, historique, po-
litique, littéraire.... C'est alors qu'à ce jeune patriotisme
qui s'essaye, il advient une sanglante épreuve, un affront
mortel : léna 1 1< na I qui, en frappant la Prusse, a secoué
toute la rare et l'a mise drhout----»

(A tuivre.)
 
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