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8" Année. — N« 306.

Tirage : 135,000 Exemplaires.

Charleville, le 2 Décembre 1918.

Âïàeaaes

JOURNAL DES PATS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE
Ou s'abonne dans tous les bureaux de poste

MOBILISATION CIVILE

Jamais encore, an cours de l'Histoire, Il n'y eut de
fmerre aussi ■ totale » que.iwIU qui déchire actuelle-
ment l'Europe. Jamais conflit arma n'entraîna aussi
•empiétement les peuples entiers dans son tourbillon.

Par son a blocus affanieur », l'Angleterre a arbi-
trairement déclaré la guerre 1 tonte la population ci-
TÎle de l'Allemagne. Pour répliquer rictoneusèment à
Htte tentative d'extermination, le génie organisateur
de l'Allemagne a en recour» à des mesure* entièrement
nouvelles, modifiant profondément la vie économique et
sociale de la nation. Aujourdbui l'Allemagne s'apprfite
A faire un pu de plus dans la voie de cette organisation
d« toutes ses ressources et de toutes ses forces vives.
Pour mieux utiliser et mieux répartir lee
forces nationales, pour mieux assurer aux industries
d'intérêt publio les travailleurs nécessaires, elle a dé-
cidé la mobilisation oivils des hommes aptes au travail
jusqu'à l'Age de 60 ans. Cette initiative de vaste enver-
gure ne pouvait manquer de faire grande impression.

Ceux qui seraient tentés de se méprendre sur les
mobiles du gouvernement allemand, n'auront qu'à lire
le discours clair et franc que le Chancelier de l'Empira
vient de prononcer an soumettant au E«ichstag la pro-
jet gouvernemental.

« Cette guerre insatiable, a dit M. de Bethmann-
Hollveg, continue à faire rage. Aos ennemis le veulent
stinei. Ils célèbrent Viti passé comme s'il avait été vto-
iorieux pour eux. Noue ont-ils donc imposé leur vo-
lonté 1 Sos lignes n'ont pas été rompues. La Roumanie,
fu* devait apporter la grande décision, paie son
amende. Dieu continuera à nous aider comme il nous
aida jusqu'ici. Les exploits presque surhumains de
nos troupes, qui sont au-dessus d* toute louange, et la
bonne conscience d'avoir été et d'être encore le» pre-
miers et les seuls prtts à mettre fin d cette guerre par
une paix assurant notre existence et notre avenir, noue
donnent le droit d'avoir cette confiance. Mois la cons-
cience de notre droit ne doit pas nous faire oublier notre
devoir, m

Ce devoir est simple. H consiste k mettre an service
4e la pairie toutes les forces disponibles, en les organi-
sant d'après un plan unique, dont l'exécution réclame
ans oertaine contrainte légale, qui sera d'ailleurs li-
brement et fièrement acceptée par la nation entière.

Tel Mt l'esprit de U nouvelle mesure allemande.
Xd France, la presse lui a consacré d'innombrables
articles qui, bien que différant sensiblement dans leurs
appréciations, sont unanimes à réclamer une contra-
antsure efficace.

C'est Gustave Hervé" qui a pousei le premier ori
l'alarme. Dans un article intitulé a La Levée en
Masse », il écrit :

■ Les Allemand!, sveo l'audace de leur génie organi-
sateur, nous préparent un coup auprès duquel le coup de
la Pologne ne sers qu'un jeu d enfant.

IU coulent dans leur tête, en ce moment, la projet gran-
diose de décréter ches eux la levée en messe. ...

tToui Ira hommes, quel que soit leur âge, pourvu qu'Os
■oient valides, serviront aux armées, a moins d'avoir des
«aparités techniques qui rendent leur utilisation à l'in-
térieur, dans les industries de guerre, plus avantageuse
four l'Etat____

■ L'idée, après tout, n'est pas si folle et ne manque
pas da grandeur: c'est l'idée lancée pour 1a première fois
aans le monde par nos ancêtres de la Résolution française,
k>r» de la proclamation de la patrie en danger et de la
levés en masse, que tous, sans distinction d'Ige et de sexe,
aous devons itre prêts a mettre notre vie, notre Intelli-
gence, nos bras au service de La nation menacée, a

Le directeur de la « Victoire ■ va même jusqu'à rsV

alamer une « dictature nécessaire ■ en réponse as
s eoup allemand s, Ët il demande :

« Le gouvernement actuel se sent-Il de taille à prendre,
sous le contrôle de la Chambre, cette dictature de salut
publia > »

L'esprit conservateur du « Temps a lui-même
l'émeut. • Il faut une réplique », dit-il. Puis, consta-
tant l'unité d'action que révèle la m fini ère allemande,
U en tire des conclusions qui sont précieuses à plusieurs
titres :

« Voilà, écrit-il, ce qu'il faut voir et ce qu'il faut
dire sans trouble, mois sans parti pris. Il a'agit pour
l'Allemagne d'augmenter aea moyena — rien da plus,
rien de moins. Supposer qu'elle en est itlflHMll II m actuel-
lement serait la pire des folies. On a dit et écrit, sur la
foi d'ordres du commandement allemand, prescrivant
de ménager les munition*, que VAllemagne manquait
de projectiles. De tels ordres sont donnés dans toute*
les années qui sont en posture défensive, parce que l'in-
fanterie, dans ce cas, réc lame continu/ llement des ttrs
de barrage. C'est une question de ravitaillement, non
de stocks. Pour juger de l'accroisnemunt matérial que
l'Allemagne prépare, il faut tenir .compte de celui
qu'elle a déjà réalisé et retenir qu'elle a aujourd'hui
deux fois plus de canons de campagne et Luit fois plus
de canons lourds qu'au début de la guerre. Ces chifires
indiquent les proportions élargies auxquelles tend l'or-
fanisntiou nouvelle, a

Le général N..., critique militaire du t Bonnet
Rouge », relève avec raison cet aveu du < Temps », qui
dément d'un seul coup la légende de l'épuisement ma-
tériel de l'Allemagne.

D'autres journaux parisiens, d'esprit conservateur,
■ eùarouc lient 4 la pensée que le gouvernement français
pourrait suivre les conseils da Lmstuve Hervé. Dans te
a Figaro », M. Auguste Avril écrit : *

• Qu'est-il besoin, je le demande à tous les esprits clairs,
sm'est-il besoin à cette heure, en Franco, d'une mobili-
sation civile t N est elle pas faite, et chacun dans sa sphr-re
ne contribue t-il pas, par son travail, par son activité, par
son ingéniosité, à procurer t l'année combattante les ins-
trument* et les vibres nécessaire» à la continuité de son.
effort } Est-ce parce que le charbon est rare, parce que tes
magasina ferment à in heures et les restaurants à neuf,
parce que les transports n'ont pas la régulanié du temps
de psi', parce que les bateaux n'arrivent pas toujours à
de.Unution, qu'il importa de^pjoclamer un uomel état de
siège?

■ Ce qui manque à ce pays, c'est un pru d'ordre et
de méthode; c'est un sentiment plus ntt, plus ejact des
réalités. Ce sentiment, on ne le lui donna januiu; ou
bien on Im'déclare qu'il est sublime et que sa sublimité
suffit à tout; ou bien, on lui signifie que décidément il
est incapable de comprendre la guerre et qu'on va lui en
donner une idée précise en iut assénant sur le crâne des
aoups de martcau-pllon. a

Ce jugement d'un journaliste parisien sur les or-
janes qui, en France, font l'opinion poblique et ren-
seignent le peuple sur sas propres eiioirea, et parmi
lesquels la preese occupe la première place, mérita
d'être retenu.

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Orand Quartier fédéral, K novembre LOIS.

Tkédtre de la guerre à l'Ouest.
'Armée du feldmaréchal duo âlbrecht de Wurtemberg,

Dana l'ara d'Ypree dea détachements ennemis atta-
quèrent, après une forte préparation d'artillerie, nos

positions sur une largeur d'environ 8 Kilomètres ; lie
furent repouasés par notre feu, sur quclqoea pointa «a
•orps-à-corps.

Qroupe d'armées du Kronprine Rupprecht.
Par le temps brumeux la canonnade a'augmenta
■n'entre la Sens et l'Ancre, ainfi que dani le secteur
du front de part et d'autre de la forêt de Saint-Pierre»-
Vaaat.

Théâtre de la guerre à l'Est.

Front du feldmarécluil l'nnce Léupold de Baviir4l
Des combata importants n'eurent pas lieu.

Front du colonel-général archiduo Joseph.

Dans lea Carpatbes boiaés et dana les 'montagnes-
frontière de la Moldavie, les Iiusse* continuèrent leurs
attaquée sans résultat* importants. En Roumanie
occidentale nous avons refoulé les arrière-gardée
ennemies. Outre Piteoù, Compolung a été également
pris hier; le pussuge du col de Toerzburg est ainsi ou-
vert. 17 officiera et 1,200 soldats, 7 canons et de nom-
breux baguges tombèrent ici entre lea mains des
troupes bavaroises.

L'escadron du capitaine von Borcke, dn régiment de
cuirassiers de S. M. l'Impératrice (régiment a Eoeni-
gin ») a capturé près de Ciola-Xeeti une colonne en-
nemie de 17 ofuciers, 1,200 hommes et s'est emparé, à
cette occasion, de 10 canons et d* 3 mitrailleuses.

Groupe d'armées du feldmaréchal von Afackensen.

L'armée du Danube progresse en combattant. Dana
lea attaques contre les Itoumuins, des chasseurs de
bchleavig-fcLolstem, de Bueckeburg et de#Baviere s*
distinguèrent particulièrement, soua le commandement
du commandant Aschaner. .

Depuis le passage du Danuhe, l'armée a enlevé à
l'ennemi 43 officiers, 2,421 hommes, 2 canons lourds et
86 pièce* de campagne, 7 petits canons et 7 mitrail-
leuses, ainsi que 112 voitures de munitions.

Front de Macédoine.
Au Nord-Ouest de Monastir une poussée ennemie
échoua.

Les Serbes ont de nouveau été chassés da versant
Ouest de la montagne aux nu :■,<■», près da Omniste,
dont le sommet a été dan* ces derniers temps plusieurs
fois attaqué en vain par 1 adversaire.

Grand Quartier sérierai, 1* décembre lflIB.
Théâtre- de la guerre à l'Ouest,
Pas d'événement pnrticulicr.

Théâtre de ta guerre à l'Est.
Front du feldmaréchal l'nnce Léopold de Bavière.
A la Zlota—Lipa des troupes turques repoussèrent
plusieurs atluquea russes, coulre-atlaquerent l'ennemi
en retltix, lui infliga-rent de lourdes pertes, et ramenè-
rent de nombreux prisonniers.

Front du colonel-général archiduo Joseph.

Dans les Carpathes les Russes et, à l'aile Sud, htt
Roumains continuèrent leur offensive de décharge. En-
tre le col de Jablonica et les hauteurs à l'Est du basais! '
de Kezdiva-tarhely (.'100 kilomètres à vol d'oiseau), l'en-
nemi attaqua avec acharnement; hier encore, il put à
pwiti» réaliser des avantages sur un point de ce long
front, en dépit des grands sacrifices sanglants et de*
- munitions gaspillées.

Sur beaucoup de points nos troupes passèrent à la
■ontre-attaquo et arrachèrent à l'ennemi du terrain pria
par lui la veille. Au Suiotrec les chasseurs de Marburjj
se distinguèrent particulièrement; dam une poussée ile
ramenèrent de la position ennemie 40 prisonniers «4
S mitioilleuses.

Groupe d'armées du feldmaréchal von Ifackensen.
En Roumanie occidentale, lea troupes roumaines,
•oupées de leur armée, tentèrent d'échapper à leur iné-

vitable sort en changeant continuellement de direction.
Hier les troupes allemandes et austro-hongroises qui lea
poursuivent leur enlevèrent plus de 300 pnaonniers.

Lee colonnes qui progressent en Valachia, au delà
4e Campolung et de Pitesti, en longeant les vallées de*
fleuves, firent de nombreux prisonniers et un grand bu-
tin en canons et en chariot* et surtout en bagages. Dans
lea nombreux secteurs formé» par le* rivières, l'ennemi
tenta de résister à nos forces venant de l'Ait; il a été
en 1 bu té. L'attaque d'une division roumaine, que notre
•evalerie esquiva, ne put arrêter notre marcha en
Avant. L'armée du Danube a franchi, en combattant.
Vas bas-fonds da Neagilov et s'avance vers le cours in*
lérieur de l'Argesul, dans la direction de Bucarest.

A part tours hautes perles sanglantes las Roumain!
laissèrent hier entre nos mains — en pins des chiffrée
déjà annoncés — 2,200 prisonniers et 21 canons", dont 8
gros ebusiers. Dans la Dobroudja l'ennemi attaqua
l'aile gauchs bulgare; les masses assaillantes s'effon-
drèrent aous le feu. Même les automobiles blindées, d*

Srovenance anglaise, n'ont non pu chauler à cet écheo)
lux de ces engins gisent foudroyés devant les obstacles.

Front de Idacidoine.
Les troupes de l'Entente attaquèrent encore une fois
«m vain les positions bulgaro-allemandes au Nord-Ouest
de Monastir st prés de Gruniste.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

Pana, » novembre IBIft, soir.
Aaset grande activité des deux artillerie» dam La région du fort
*• Vaux. Canonnade uUeruulteuLa sur Le reste du troai.

Paris, 20 novembre IBlfl, 3 hrurea.
A l'Est da Maisona-ée-Chainpïgne, un coup da c^am dirigé par
fennemi iur un de nui petit» poule» a aie aisfment repoiiaaè. Nu*
ealma partout aiUeura.

Paru, le novembre 191&, soir.
8ur te Eronl de La Somma, aaeai grande activité Ov» deux artO-
knrttt sur U Eront d'Abuincouri-pressoirs. La Champagne, une
attaque ennemie, lancé* vari IS baures »ur un saillaul de notre
ligna I r«al d Aubanve, a été repouaeee par no* Ur» de barrage
et aoa faux es mitrailleuse» Journée calme sur le reste du Iront.

Pane, 27 novembre lu m, 1 neuree.
Caaounada habituelle eur divers pouiia du Iront de la Somme
et du secteur Uousumoat-^ aux. huit calme aux la reste du IronL

Le gutrru mirlsnsie : Ud groupe d* nue eviona a bombarde,
osas ta auit du 30 au 37 novembre, les lorrains d aviation de GiaV
sancourt et de Uatigny Lae projectilea onl bien porte au but,

BULLETINS OFFICIELS ANGLAIS

(front occidental.)
Londraa, & novembre 1910, ( h. soir.
L'artiUerta et les morUer» de trenchees ennemis onl montré da
factivlla au coura d* la Journée aur uou e (root su Sud de l'Ancre
ai vers la redoute lloiieniollern Noue artillerie lourde a bombai
O* diverses posiliona importante» an arrière ike ligne» allemandes.
La mauvais tempe cunliuu*. Hier, «n depil de» condition* atmoav
phénque» dSf»vorable», noa aviataura *nii exécuté dra rcconnaïa-
eaucca al travaillé an L*i»on avec l'artillerie. Un de no» appareils
■ est pss rentré.

Locdrej. 30 novembre 101 fi. 10 L matin et v h. 30 aoir.

Vu deijchcuicnt euiivuii qui tentait de aavancor au cours de
la suit é t'Est de Besumonl-Hsmel a été rejeté Une émiaaioa de
gai a été effectuée ave* succès au Sud d'Anes Hea coupa de
auLn ennemie ont été repoueiA» dan» le même lecteur

L'artuleria ennemie e montré aujourd bui une sériais* sctivtU
eau- notre Iront S Courcelell*. lieauiuoxl, Uébuierne el ver» la
Haaaée. Noua avons bombardé Puiaieux et les Iraucbeee allemandes
au Sud-Eal d Axraa Notre artillerie a provoque une expluaion A
rXat d* Serre.

Lonarca. 77 novembre 19IIV 10 b malin.
Rien à signaler eur l'ensemble du TronL. en deboi» de l'activité
4a notre artillerie, la nuit dernière, vera la [laisèo Un groupe de
aot aviona e bombardé dana la nuit du it> au 27 novembre lea ter-
rains d aviation d* Guuancourt et de Meugnv : lea projectile» «tt
bien porte au but/ ■

FEUILLETON DE La •GAZETTE DBS AitDSHNBS* Et

LE SOI-MAÎIIH « LE VENGEDB

Par Pierre ftUël.

Le quartier mettre obéit. A.ylea(ord apperatt, étourdi,
■hancelant. Du fond de son cachot de fer, U a subi le»
eontre-ooup» de la bataille, à laquelle d a pria part en U-
sDo.n involontsire, i oontre-cœur. La lumière entrant par
Us hublots ( éblouit.

* Monsieur, — dit galamment Philippe, — la bataille
■miche à aa Ûn. Vos compatriotes, à cette heure, évacuent
«n peu précipitamment l'Ile de Grotx, où Us avaient abordé
trop vite. Penoonellement, nous avons coulé deux croi-
aeurs si le cuirassé a Undaunied » sur lequel l'amiral
Hawk.ee avait placé eon pavillon. Nous allons en couler
•ncore un et J'ai tenu k vous (aire saiisler à eette petite
opération. ■ *

Sombre, farouche, l'Anglais ne répondit pas à ce per-
•aflage.

Cependant Durcc, appuyé k l'un des hublots, fait
enlendr, une exclamation étouffée. Jeumont s approche
de lui.

a Qu'y a-t-il, Durcc t demande-t-U. — Vous parai-aea
surpris et... désappointé ?

— On le serait » moins, commandant, — répond len-
jbgne, désignant la ligne de» vaisseaux ennemis. — Pas un
•ulra^sé , rien que des transport», a

Si maître qu'il aoit de lui, le lieutenant de vaisseau
laisse é< happer unç sourde maléiliclion.

Durée a dit vrai.

Les vaisseaux combattants, le» mert of war, comme on
les nomme de 1 autre côté de la Manche, ne sont point là.
L« sous-inartn a dépaisé le but. 11 n'a devant lui que des

■avires utiles, précieux même, mais inoffen«ifs et dont la
destruction n'exige pas l'emploi de moyens aussi formi-
dables. C'est affaire aux croiseurs français de poursuivre et
d'anéantir ceux-ci.

Mai» U colère est entrée dans l'âme du jeune chef, et 11
faut que cette colère éclate.

« Ma foi, tant pi» 1 — rugit-il ; — j'ai une torpille toute
prête. Je vais l'employer contre le plus grand de ces
transports. >i

Durée le confirme dam sa féroce résolution.

u Ce ne sera pas uni; torpille perdue, car elle fera une
bonne besogne. Bcmarquei-vous ce Gl qui pend k l'arriére
du bâtiment ?

— Oui, — répond Jeumont. — Mais pourquoi me le
faites-voua remarquer ? Que sign fie ce fil ?

— Il* signifie que le poste d'inflammation des torpilles
de blocus est sur ce transport.

— Alors, tout eat pour que nous le frappions sans pit:é.
Morte la bêle, mort le venin. »

Le a Vengeur u ('immerge jusqu'à In base du kiosque. II
marche vers le grand steamer protégé auquel il va porter
U coup mortel.

El, comme U se retourne, voici qu'U voit la figure de
TAnglais s'éclairer d'un infernal sourire.

Durée, lui aussi, voit ce sourire. Il en fait la remarque
k Jeumont, en lui disant :

■ Prenons garde 1 Pour que notre prisonnier se ré-
jouisse aiusi, 11 faut qu'il s'attende à quelque vengeance
des siens.

— C'est ce que nous allons savoir», — répliqua Phi-
lippe, qui commanda su maître torpilleur trven de se
tenir prêt.

Puis, a'evsnçant ven le prisonnier, II lui dit d'une voix
ferme, en le regardant dans les yeux :

u Monsieur, faute de grives on msnge des merles, dit un
proverbe de chei nous. Faut* de cuirassé, Je vaut torpiller
se transport. >

Aylesford ne répond rien. Il garde eon silenoe do défi et
h même sourire énigmatlque se joue sur ses lèvres.

Cependant le « Vengeur » s'est approché k bonne portée
fa gigantesque navire. Afin de ne point manquer son coup,
le sous-niarin émerge entièrement, bravant le feu des cet-
moriÊ à tir rapide placés sur les transports immobiles.

« Es-tu prêt, Erven ? — demanda Philippe par le porte-
roix. j

— J'y suis, commandant.

— Peu I

Bt, tandis que gronde l'explosion, tandis que se déchaîne
ls trombe sous laquelle s'effondre le transport, un rire ter-
rible, un rire'de vengeance- satisfaite éclate dans la gorge
du prisonnier, et c'est d'une voix perçante, dominant le fra-
cas de la détonation, qu'A>!esford a'écne :

« Commandant de Jeumont, sojex »ati»falt de votre
œuvre. Ce vaisseau ae nomme le a Sirdar kitchentr ». Voua
vener de tuer votre sœur, u

III

Angoisses et Héroïsme.

Ah t oui, c'était une lerrible vengeance que la sort Te-
nait d'arrorder à l'Anglaïa.

C était lui qui triomphait k cette heure.

Les bras croisée sur sa poilrme, implacable, le même
hautain defl aras le regard, il ajouta !

s Maintenant, vous pouvej me tuer, si vous roules. L«
destinée s'est chargés de frapper elle-même le plus mortel
ennemi de l'Angleterre. Votre Instrument de destruction a
fait son œuvre en vous frappant vous-même au cœur. •

Philippe, livide, effrayant à voir, ne répondu pas k
l'atroce sarcsMne.

Il s'était collé le front su hublot.. Il suivait des yeux h
Dsufrage du Irensjiort ennemi.

Le « Sirdar Kitchentr u, bien que de construction r*V
eente, n'offrait point aux coup» des explosif» la même force
de résistance que lea grands vaivieaux de cornbsl, auxquels
U ne pouvait être comparé. Malgré le nombre de ses cloi-
sons étauchea, sa longueur, le dis[m>*ilif ils aménage-
ments intérieurs, le renflaient vulnérable en plusieurs

pointa de sa carène, spécialement su centre, où se trou-i
TeJent ses machines.

Or c'était la, au centre, k ls hauteur des machines, qu'il
venait d élie atteint.

Il coulait donc irrémédiablement, avec une rapidité dé-
eoncerUnle et s'enfonçait par soixante-dix mètres.

Nul ne pouvait lui porter secours. Surpris par cette
attaque imprévue, les autres vaisseaux fuyaient de toute
leur vitesse, abandonnant leur compagnon a ton funeste
sort, affolés par la menace de se voir Loipillea a leur tour.

Et c'était un épouvanlable spectacle qn'offrait l'immense
Kavire s'englouLssant ainsi sans ressources.

Sur le pont couraient des matelots dans tous les fen»,
appelant k l'aide. Quelques-uns s'efforçaient de détacher
lès chaloupes de leurs palans et de mettra les canots k la
mer. D'autres grimpaient aux mais, s'acciutliaient aux
bjunea et aux vergues. Plusieurs, foua de déiespmr, se je-
taient dans les Ilots qui commençaient k tourbillonner aous
ta remous de l'engloutissement.

A mesure que le « Sirdar Kitchtnrr» s'enfonçait, on
pouvait voir de nouvelles figures, des silhouettes désordon-
nées, « presser sur le pont.

Çk et là des têtes apparaissaient eux ssbords, aussitôt
skTacéea par l'envahissement de l'eau monôme.

Ah 1 c'était une deatruction sans merci, une oblitération
■Inlitre de vivant» que le terrible eng n venait d'accomplir.

Et Philippe, le front collé au hublot, contemplait l'hors
rlble speetacle avec dea yeux avidea. qui ne voyaient déjà
plus, obscurcis par les larmes de saug qui en Jaillissaient
a eon insu.

« Commandant Fa — dit une voix respectueuse à sosl
■reUl -.

Il n'entendit pas.

a Commandant, — reprit Durée, anxieux, — nous ne
pouvons rester ainsi exposés. Voyex plutôt. •

Et. par le hublot à droite, d montrait un destroyer ao»
assurant avec la rapidité de la foudre.

a C'est vrai, — répondit Philippe d'une votx nuque,
•— oest vrai. Je n'ai pu le droit... m

(A suivre.)
 
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