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2* Année. — N" 170.

Charlevffle, le 17 Avril 1916.

Gazette des Ardennes

JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE FOIS PAR SEMAINE

On s'abonne dans tous les bureaux de poste

UNE PAGEJ RELIRE

Un de nos lecteurs nous envoie la page que nous
reproduisons ci-dessous. Elle fut publiât par un auteur
français bien connu, M. de Lanzac de Laborie, dans le
« Coircsponelanl.it du ^ janvier îgoi. Cette page écrite
à l'uctasion de la mort de la reine V icloria à un moment
où. h jugement français avait encore toute sa liberté et
sa clairvoyance à l'égard de l'Angleterre, ne juge
qu'une période restreinte de l'histoire anglo-française :
l'ère victorienne. Mais le jugement qu'elle porte sur
la politique anglaise, est éternel. Qu'on en juge :

En ce qui concerne spécialement la France, un
observateur Juperficiel, constatant que pendant ces
soixante-quatre ans, l'Angleterre et la France ont été
plus d'une fois alliées, jamais officiellement ennemies,
pourrait en conclure que les vieilles haines sont mortes,
et qu'une franche et définitive amitié règne désormais
entre les deux rives du Pas-de-Calais. C'est le thème
qu'adopte volontiers chez nous l'école anglophile, et
que la mort de la reine Victoria va faire reprendre avec
des développements ingénieux ou pathétiques. En
réalité, le fond des sentiments, du coté anglais surtout,
est resté le même qu'au temps de Louis XV et de
Napoléon ; pendant ces soixante ans de paix, nos voulus
noua ont autant jalousé peut-être, ils nous ont sûre-
ment voulu faire autant de mal que pendant /es luttes
acharnées des périodes précédentes.

La tactique séculaire, depurs Guillaume 111, était
d'engager la France dans une grande guerre continen-
tale ; puis, pendant que le meilleur de ces forces était
absorbé en Flandre ou en Allemagne, on détruisuit ses
flottes désemparées et on assaillait ses colonies dégar-
nies. A cette vieille tactique, l'Angleterre de Victoria
a eu la velléité de recourir plus d'une fois, notamment
pendant la crise orientale de i8£o et a une époque in-
finiment plus récente ; ses avances actuelles à l'Italie
ne peuvent procéder d'une autre inspiration. Mais clic
a généralement préféré une méthode plus subtile et
moins chanceuse, fondée à la fois sur notre incuruble
naïveté et lur les perpétuel! bouleversements de notre
régime intérieur ; le duc Victor de Broglie la résumait
d'un mot, quand il déGuisaait ironiquement la politique
du second empire : « Geiia Anglorum per Franco* ».
■Ce qu'il convient d ajouter, c'est que le procédé était
antérieur à Napoléon III, et qu'il lui a survécu.

11 date du lendemain de la révolution de i83o, alors
que le régime de juillet, tenu en quarantaine par les
monarchies conservatrice!, désireux pourtant de se dé-
gager des barricades qui lui avaient servi de berceau,
cherchait quelqu'un qui l'introduisit dans le concert
européen. L'Angleterre offrit son parrainage, mais-elle
le fit payer cher. 11 fallut éconduire les Belges, qui ne
demandaient qu'à redevenir Français ; soutenir en
Espagne l'hérédité féminine, c'esl-à-dire déchirer
l'œuvre de Louis XIV ; renoncer à doter nos possessions
africaines d'une frontière convenable du côté du Maroc:
tout cala, pour satisfaire les défiantes et lea ambitions
britannique*.

Ce fut bien mieux ou bien pis sous Napoléon III ;
les souverains légitimes ne le considéraient pas plus
comme un des leurs que Louis-Philippe, mais «on nom
et son passé lea inquiétaient davantage. Lea ministres
de la reine Victoria s'employèrent k exalter ses ambi-
tions et k attiser ses rancunes. L'empereur s'estima
trop honoré de dépenser les millions de la France et
le sang de nos soldats à relever le prestige anglais dans
la mer Noire. En Chine, l'armée française fit égale-
ment le jeu de nos compagnons d'aunes ; en Syrie, ils

nous lièrent les mains. Après avoir tout fait (ce en
quoi il nous rendait service) pour empêcher la guerre
d'Italie, le cabinet de Saint-James excita les convoitises
des Italiens et parvint à convaincre ce peuple que la
France seule s'opposait a son unité, que Magenta et
Solféiino étaient d'insignifiants épisodes auprès de l'as-
sistance prêtée par la flotte anglaise à Garibaldi. Quand
l'annexion de la Savoie nous restitua des populations
de langue française et une frontière devenue indis-
pensable, ce fut de l'autre côté de la Manche un tel
déchaînement d'indignation, que seule la signature
des traités de commerce fut capable de l'apaiser, en
livrant l'industrie française à la concurrence britan-
nique.

Le-même jeu se continua après 1870, grâce à la
faiblesse, a l'incompétence et à l'instabilité de notre
personnel gouvernemental. C'est le canal de Suez,
creusé par des capitaux français, mulgré la persévérante
opposition de l'Angleterre, tombant dans sa dépendance
financière et sous sa domination politique ; c'est le
congrès de Berlin où, rebelles aux leçons du passé,
nous reprenons contre la Russie notre attitude de i8fVij
c'est l'Egypte conquise par nous à la civilisation et ac-
caparée par l'Angleterre contre lea solennels engage-
ments de ses premiers ministres.

Notre patience donnant enfin des signes de lassi-
tude, la Grande-Bretagne est revenue dernièrement
avec nous au vieux système des intrigues continentales
et des provocations cassantes. L'alliance franco-rutse
l'a justement alarmée : elle a compris que dans la
pensée des premiers instigateurs et notamment du
prince Lobanoff, ce pacte était beaucoup moins des-
tiné & nous garantit' contre une improbable agression
de l'Allemagne que contre Ie3 insupportables exigences
venues de Londres ; la guerre sino-japonaise lui a f.iit
entrevoir l'ébauche d'une grande coalition continen-
tale contre la puissance insulaire. Elle a redoublé d'ef-
forts avec l'inconscient appui de deux catégories de
Français, les anglophiles incurnbles, pour qui vouloir
du mal à l'Angleterre est un crime de lèse-civiliBation,
et les profcssioncls de la revanche, pour qui toute notre
politique extérieure doit être subordinéc k la question
d'Alsace-Lorraine. En multipliant les avances, en
jetant'adroitement les soupçons, l'Angleterre a réussi
k ramener à elle l'empereur d'Allemagne^ ainon le
peuple allemand (ce que constate ici M. de Lanzac,
c'est la volonté de l'Empereur, de maintenir la paix
non moins avec l'Angleterre qu'avec toutea les autres
.BlliâiiB"0"- — La Red.) ; Comme les Italiens, malgré
les avanie* qu'elle nç leur a point ménagée», lui étaient
restés obstinément fidèles, elle pouvait compter, en cas
de conflit, sur l'appui de la triple alliance. Le moment
semblait venu de reprendre les traditions du dix-
huitième siècle : aux agressions du temps passé contre
lea navires du commerce français et les possessions
canadiennes, le délit de Faschoda a fait écho I

Il convient de rendre justice même à ces adversaires.
Si la destinée terrestre de la reine Victoria avait pria
fin au moment où la colonne Marchand évacuait triste-
ment la vallée du Haut-Nil, l'ère victorienne se fût
terminée dans une nuréole. La Providence ne l'a pas
permis ; nous nu eliLichcrons pas à scruter ses des-
aeim, estimant que c'est lui manquer de respect que
de ia faire intervenir dans lea contestations des indi-
vidus et dans les querelles dei peuples. Constatons
seulement que la reine deux fois jubilaire disparaît à
une heure critique, sinon inquiétante, de l'histoire
anglaise. La prépondérance commerciale et maritime,
qui a fait dans tous les sens du mot la fortune de la
grande lie est menacée par des rivaux plus jeunes, plut
actifs, plus âpres au gain. Ce qui donnait tant d'ef-
ficacité aux démurches provocantes, c'est que derrière
les ultimatums, l'imagination effrayée se figurait une

puissance militaire sans limites et presque sans défauts,
quelque chose comme l'armée d" Waterloo rajeunie,
instruite, décuplée. Or, voici plus d'un an que cette
puissance s'épuise contre un chétif adversaire et que,
aélon la belle expression de M. Victor Bérard, m une
bande de paysans, à coups de pteues ou de balles,
crèvent celte royauté d'apothéose », Quelle que soit
l'issue d'une lutte sans grandeur et sans générosité, le
prestige est entamé: on ne peut plus compter nu même
degré sur la timidité des rivaux, sur la lidélilé des
alliés, sur le dévouement des colons, sur l'obéissance
des sujets, sur la concorde même des citoyens. Le
démier jour du règne est sombre, le lendemain en est
incertain.....

Quand on sillonne les océans, k tentation est grande
de les dominer ; quand on a un trafic prépondérant
avec les peuples non civilisés, il est séduisant d'en faire
dès vassaux ou des sujets. Détruire les flottes rivales,
conquérir ou acquérir des colonies, la tradition est
déjà ancienne en Angleterre : l'Espagne, la France,
la) Hollande l'ont successivement appris à leur détri-
ment...- DF Lanzac du Laiiouik.
Ainsi parlait, en 1901, M. de l.anzac de Labôiie....

BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS

Grand Quartier (juieral, 15 avril 1010
Théâtre de la guerre à l'Ouest. _

' Une forte poussée des Anglais contre les positions
d'cntJnnoir, au sud de St-Eloi, fut complètement reje-
tée après un combat à la grenade.

'■ Dans les Argonnes et plus à l'Est, luttes d'artUleria
et de mine* partiellement vives.

A gauche de la Meuse des intentions agie^hes
ennemies contre notre-position sur le « Mort-Homme »
ri au sud dea Bois des Corbeaux et de Cumières, prépa-
rées par un feu d'artillerie considérablement reniureé,
ne purent se développer aous notre feu concentré, dû igé
des deux côté* de la Meuse sur les troupes rassemblé ;
Quelques bataillons seulement purent avancer vers le
«■Mort-Homme ». Les vagues d'assaut s'effondrèrent,
aVcc le* plus lourdes perteB, devant no* lignes, où le*
ouelques hommes qui avaient pu pénétrer jusque dans
nos tranchées tombèrent en corps-i-eorps.

d A droite de la Meuse, ainsi que dans la plaine de
Woëvre, l'activité se borna en général à de violenta
duels d'artillerie. Deux faibles attaques ù la yu'nadc,
au sud-ouest du fort de Douaumont, restèrent sans
succès.

Théâtre de la guerre à l'Est.

Les tentatives d'attaque* locales, lépétécs uici par
les Russes au nord ouest de Dunaburg, eurent le même
sort que la veille.

Au Servetch, au sud-est de Koielitchi, nous avons
tait échouer facilement une poussée de faibk-j Lies
ennemies, précédée d'une forte canonnade.

Théâtre de la^uerre aux Balltans.

Aucun événement d'importance.

BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS

, Paris, 10 avril 1018, soir

Dons la région de Roye, une lorte reconnaissance enne-
mie a été dispersée par notre fusillade, uvant d'avoii atteint
nos fils de fer, au nord d'Andéchy.

lin Argonne, notre artillerie a cause de sérieux d^gâle
aube organisations allemandes au nord de la Harazée. Nous

avons canonné énergique m eut la pailie du bois d'Avocourt
occupée par l'ennemi.

A l'ouest de la Meuse, le bombirdTncnt a continué avec
une intensité croissante ou couis de la journée. Vers midi,
les Allemands ont lancé une altaquo, débouchant de la
région Haucourl-Bélbincourl, sur nos positions au sud du
ruisseau de Forges.

Malgré la violence des assauts qui ont coûté des peitei
très sérieuses 6 l'ennemi, notre ligne n'a pas bougé dana
son ensemble. Sur notre front le Moit-Homme-Cumlèrcs, dea
tentatives d'attaque consécutives à une intense préparation
d'atdilcrie ont élu anétëes par nos Lus de barrage.

A l'est de la Meuse, très violent bombardement de la
côte du Poivra. L'ennemi, en fin de journée, a attaqué à
plusieurs reprises nos positions du Lois do la Caillette. H a
été partout repoussé.

En Wo3vre, assez grande activité de Vaitilleric.

Journée relativement calme sur le reste du front.

La guerre aeucmic. Dans la journée du 8 SViil un do nos pi-
lotes a abattu, dana la rûgion de Verdun, au couxi d'un combat
aérien un fokkcr qui est tombe dans nos lignes, près dTsncs.

Dans la journûc du 9, un autre fokkcr a éle abaltu par les lira
de nos cunona spéciaux. L'appareil eat tombé en VYoevro dans
les lignes allemandes

La troisième fokkcr a atterri dans nos lignes en Champagne.
L'appareil est intact; le pdote a cle fait prisonnier.

Cet après-midi, un avion allemand a survolé Nancy et a lancé
deut bombes, qui n'onl causé que des dégais matériels peu im-
partants

Pans, 11 avril 1916, 3 heures.
Sur la rive gauche de la Men^e, les Allemands ont lancé,
hier en fin de soirée, sur nos positions du Mort-Homme, une
attaque accompagnée de jets de liquides enflammés L'atta-
que, qui débouchait du bois des Corbeaux, a été refoulée
par nos lira de barrage et nos feux d'infanterie, sauf &
l'est où l'ennemi u. pua pied dans quelques petits éléments
de tranchées.

Sur la rive dioile de la Meuse, les Allemands ont essayé,
au cours de la nuit, de nous rejeter des tranchées prises
par nous ces derniers jours au sud du village de Douaumont.
Leur tentative, également accompagnée de jets de liquides
enflammés, a subi un sanglant écliec. Bombardement vio-
lent de la région Douaumont-Vaux.

Nuit calme sur le reste du front.

Quelques rafales d'artillerie en Woevre.

/.n juerre «crie.m-. Ce matm, un de nos pilotes a abattu uo
avion allemand qui est tombé dans nos liguoa, prés au Ojdoo-
vilicr Les deux aviateurs ennemis so soin tués dans leur th au.

E N F R ANCE

LA FRANCE ET SES ALLIÉS

Le « cri dalaimc ", poussé dernièrement par .M 1 a-
teur Humucrt, dons son article reproiJtttt au N" 170 de la
■ Gaiêttt m et nui avait déjà trouva un eef.o r mi. la
» Dutaitla », vient d être repris 1 ai M. Georges C lcu*flnwu
en téte de 1' a Homme Enchaîné u du S avili.

f.e président de la commission sénatoriale' de l'a inéja
protesta contre le silence qu'on lui Impose, loraq
de parler de l'aide urgente qu'il attend des . - v \x
France :

« Hier, je me suis permis d'écHic" tin article sut 1 c qui *a
pusse autour de nous, et j'ai eu l'extrême auuVi d.e I in li-
quor dans mon Litre. Cela môme a déplu. Le litre, rjiii tic)
voulait nen dire, sinon que je îcgmdais au déla th j m li-
tières, a été empoilé par I'onragail i!e !» censuic Défeoa ;1 \
duc qu'il peut y avoir quelque cùosa autour de nous.

11 J'avais parlé, il est vrai, du vuynge de M. A*q<liUt en
Italie, et fait une hypothèse sur ses résultuts. Je *a;s qu'au
seul nom de l'Halte on devient ne/veux au qum dOisoy,
et je le comprends fort bien. C'ebt puui quoi, ufin de n éi gor
la sensibilité de glands homme-, qui ne sont en re, aux
aussi, qu'a l'état d'hypothèse, je 111 étuis borné à uYsigner
par leur nom les deux peuples qui sont aux prises sur la
front italien. Il parait que cela même est dangereux po-ui la
politique de M. Brianà. Quelle fragilité de cet objet pré-
cieux t....

» Quelle incouvetianco avau-je encore commue 1 J ■ Lie
cacherai pas que j'avais fait atlu*u n, avec ton* 11 1 S con-
frères, a la crise éventuelle du cabinet anglais, onnoiu t'a pag

FEUILLETON DE LA tGAZBTTH DEa ARDENNES» 3

A GUERRE FATALE

Par le Capitalna DANRIT

— C'est extraordinaire, et celle tituation ne peut qu'aller
■'aggravant : le* rapports qua j'ai la accusent quatorze
bâtiments du typa implacable mis A. l'eau à Brest du 1" au
18 août, et trenta-huit électriques, tant a Brest qu'à Lorieal
et Cherbourg... c'est plu* qu'inquiétant.

— Inquiétant, eu effet monsieur le baron, car le plan
ta pourauit avec un* méthode qu'on était loin d'attendre de
ce gouvernement d'écerveléa ; ce qui c»t certain, c'est qu*
l'entrée de U Manche du côté du Pas-dc-Calaii eat barrée
comme par un gigaotetuuQ Met depuis plus d'un mois, et
qu'aujourd'hui 1a rayon d'action de ces maudit* u invisi-
bles n s'étend d* plua en plus vers le Nord ; ai cela con-
tinua, ils vont rendre intenable l'amhoucbure de la Tamise
elle-même.

— Mai>, eacra le baron, que cette nouvelle mettait déci-
dément hôn d* lui, «ommaot allona-nous faire passer le
matériel commande" à Esacn ?

— C'eat préciaémanl ce que je venais demander a mon-
aieur le baron : Krupp neveu noui a fait lavoir hier que la
moitié do la commande de pièces a tir rapide, trente-deux
batteries, était rendu* k Anvera, que l'autre moitié y serait
dans vingt jours ; or, on ne trouve plus d'armateure, députa
cette slupioe histoire du Weaer surpris par un torpilleur
français prèa de Walchercn, traneporlant du matériel aous
pavillon allemand...

— I! faut pourtant faire passer cela. L'Amiraulé me
talonne... si le* Français débarquaient demain, ila trouve-
raient devant eux un matériel d'artillerie de campagne ultra
démodé.

— Eh I que faire, monsieur le baron p On ne peut laisser
c« matériel en aouffrauce à Anvers . la Belgique demande
de* droits de magasinage énormes et il eat facile de voir
que lea dispoaitions de son roi aont Lien changée* à nuira
endroit depuis que ça ne va plus ; pour tenir toua ce* prînei-

piculcs, il faut iéu- ■.. ; aucun bateau belge ou allemand ne
veut désormais sa risquer I Si on s'adresse à la Hollande...

— Ne parlons pas de la Hollande : sa u petite Reine u est
dc*enuc enragée : elle voit là dedans la revanche du Trana-
ra*J et s'il ne fallait à cette heure qu'un chant d'église pour
abattre la Grande-Bretagne, tous tes compatriotes du vieux
Kruger l'entonneraient d'une seule voix, u la Wilhelminc »
an téte.

— Quant au Danemark, poursuivit « le préposé aux
communications », ce n'est pas au moment où il mobilise
ostensiblement pour reprendre ses fameux duchés qu'on
trouvera die* lui un seul armateur pour transporter des
canons Krupp. Nous voilà propres, Excellente, avec quatre
million* de matériel sur les brat. Vous verrez que je sciai
obligé de te* faire remonter juaqu'eu Suède.

Le baron de Gloshcr ne répondit point ; sans doute il
regreltait de a'élre laissé aller devant Dliurr à un mouve-
ment violent constraslant avec le calme de se» hautes fonc-
tions, car au bout d un instant il ût un geste lent et congé-
diant l'employé :

— J'aviserai, Brcilhncr... le matériel restera à Anvera en
attendant me* ordres. Failes toujours connaître à Krupp que
le quart de l* livraison sera payé par chèque sur l-'ram foit
à la date du i5 septembre.

L'employé à ûguro chafouine disparut HlencicuMintut
dans la muraille, et comme s'il eût m.nIu délotiinei de
l'esprit de Louis Dhutr l'effet pénible de celle conversation,
le baron se déiida :

— Saves-vous, fit-il d'un air bonhomme, qu: vous
m'avez joué un mauvais tour, avtrefoi), et que j iii élé
« brûlé » à cause de vont ? l'Amirauté a élé sur le point de ne
prher de me» services ; notez, que je no >oua en veux point...
trop heureux de constater qu'il ne reste riu* rien eu voua du
vieil homme et que vous êtes complètement des nôtres Vous
rappcli-i-vous vos préjupés d'autrefois ?

Et le baron eut un petit ricanement qui plissa méchant-
ment son masque glnhre.

Sr»n le coup de finn-i du souvenir, DhUrr faillit bondir ;
d'un bruiquo niTMIll du coeur, le sang lin monta au Msnge
et une envie folle le put de su jeter à lu gorge le l'être ittlanl-
que qui se plaisait à lui rappeler l'hetuo m.âme de la chute.

Muls il aoiigea que le moment n i lait pas venu : il se
cuiilint cl *oqui**ça même d'un léger sourire.

L'Au(.'luin n'avait rien remarqué et poursuivit :

j— Oui I la Patrie, le Drapeau I tous ce* préjugés d'un
*n|iJ age, vos seuls arguments d'alors, lorsque j'avais k
voys demander certains services ; j'y ai cru comme vous,
autant que voub, mon cher, k toutes ee^ balançoires , quand
Qtmatrt jeune, plein d'illusions, ce sont des idées qui érhauf-
feàl,, qui entraînent, je le sais bien, mais elles ne résistent
pal à une critique solide 1 Les frontières P des lisières pour
le* peuples d'enfanls I Elles ont eu leur raison d'être, je le
vca.x bien, comme les feux que l'on allume la nuit autour
de« douars pour les garantir des fau\ es.... Mais aujouru hui I
avec notre civilisation, avec nos moyens de communication
et de transport reliant les nations les plus éloigims, fai-
sant disparaître lea barrières physiques qui paraissaient lu*
pkis infranchissables, le mot frontière n'a plu* de sens 1...,
11 n'y a plus désormais qu'une vaste humanité, cherchant
dans les applications de la science la plus grande somme
poisible de bien-Ptrc. Or, quel est aujourd'hui le levier
universel, celui qui le procure, ce bien-être, au degré le
plus complet, le plus intense P c'est l'argent, et vous voua
en '"'tes bien aperçu jadis, mon cher '...,

Le souvenir de son honneur perdu, tarifé par cet homme,
Rionda plua fort au" cœur de l'ancien officier, mois le baron
i« enfourché sa iln-sc favorite :

— Voyei autour de vous, repnt-il, quelle est la seul»
religion qui subsiste aujourd'hui ? c'est le culte de l'intérêt ;
les peuples comme les individus mentent infailliblement un
joui ou l'autre à ceu\ qui ont escompté leur reconnais-
aance ; affinités de races, sympathies du sang ? quels conte*
putfl de diplomates imbéciles ou charlalans 1 Alliances ou
décelions, amitiés ou haines manifestations de l'intérêt I
Sovez riche et vous rare* le vrui Dieu 1

A mesure que le baron parlait, Louis Dhurr sentait se
révolter en lui les derniers vestiges de ce que le baron avait
to.:l ?i l'heure appelé ironiquement son vieil homina : ca
vieil homme avait poitc l'épée ; il avait jadis vibré à toutes
Ici nobles émotions. II s'était épris, avec tout ce grand
corps des ofiiciers français, des idées de sacrifice, de désin-
téressement, et tout cela avait laissé çn lui une empreint!
que le présent de forfaiture n'avait pu complètement
effacer. Et puis, l'image d'Eva n'était plus U pour lui mas-
quer son Infamie, pour servir de piéieite à ta déchéance ;
l'âme hideuse de cet homme cornpliusammeiit mise à nu,
lui montra plus profond le gouffre où il avait lui-même
rutilé.

Le baron attendait, après sa lindc, une marque d appro-
bation : elle ne vint pas, et il pouisinut sentencieusement ;

— II faut donc èlre de son. temps, marchai avoo son
siècle. C'est parce que la France est rebelle ïi toutes ces
idées nouvelles étayéea sur la seule laiton, malgré ! activa
piopigunde que nous avons menée chat elle ft 1 . ilo
millions pendant ces dernières années, c'est parce quelle
veut conserver quund même sa nationalité dans <t sièclo
de fraternité universelle qui Verra la fusion de toutes les
races ; c'est pour cela qu'elle eal <ondamnéc ! C'est pour
cela qu'elle disparaîtra 1

La rage de Louis Dluirr allait finissant ; il avait cime do
cuer à ce pharisien hypocrite :

— Est-ce par amour de l'humanité que voire paya .1
uttaqué le mien traîtreusement ? E*( ce pour ni] primat les
frontière* de tous les peuples, ou pour reculer n d fioimetkt
les siennes, que l'impérialisme anglais a étendu sur loua
les continents «es serres d'oiseau Je proto ? E-' ce pour
ouvrir l'ère de la fraternité entiu, qu'il a essayé d<' déhuiru
toute une race dans l'Afrique du Sud '

Maia le baron s'était levé el grisé lui-même nai kg
phtases. qu'il avait jadis semée* à foison dan* plu-
sieurs journaux britanniques, lorsque toutes Lea plumes cos-
mopolites, soldée* par l'or anglais, jetaient aux echo» da
France le* grands mots de Justice et do Vérité, il poursuivit,
•ans se rendra complo lui-même, tant l'abjection de sou
métier le rendait inconscient, du contrasta qu i! j avait
entre ses paroles et ses actes.

— Oui, l'humanité seule I l'humanité heureuse par lu
développement naturel des découvertes scientifique* l'huma-
nité émancipée par la race anglo-saxonne, la race vigou-
reuse, unir et équilibréo pur excellenoa ! Voilà ce que doi-
vent nous amener les événements qm s'accomplissi-nl h cette
heure.

Cette gueire finie et la Fronce, rayée de la liste des
nations, nous atnvoni à la paix universelle et féconde ;
plus de guerres, plus d'armées permanente* *urlout, ce* ,
plaie* purulentes entretenues à grand* frais »ur leurs pro-
pres organes par le^ nations imbéiiks : la Patrie ! mol ron-
flant tt vide de sens, vous dis-je, auquel personne ne croit
plus I mot dont vos beaux officiers de France cultivant 1a
chimère parce qu'elle est leur gagne-pain I Voui comprenez
cela aujourd'hui, Dhurr ?

(A suivre.)
 
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