2* Année. — N- 259.
Cliarleville, le 10 Septembre 1916.
Gazette des Ardenne
JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste
Bernard Shaw contre Edward Grey
Une récente interview de Lord Grey, publiée par
- le «Chicago* Daily News» a provoqué une réplique du
célèbre écrivain anglais Bernard Shaw. Cet article
paru dans le «New-York Times» est digne de retenir
l'attention. Résumoni lea passage» principaux ;
« Depuis le déplorable mois d'août igià, ai riche
en Sottises, dont Sir Edward Grey a fourni sa large part,
le ministre anglais des affaires étrangères ne semble
pal avoir fait le moindre progrès, es qui est fort attris-
tant. Quoi qu'on puisse dire, en Angleterre, des con-
ditions de paix, quel que toit l'entêtement qu'on met
i affirmer qu'on préfère mourir que-de perdre la partie
et qu'on combattra jusqu'au dernier penny et jusqu'à
la dernière goutte de sang, le^jour viendra quand
même, où Grey se présentera devant le Parlement et
déclarera avoir signé un traité que l'Angleterre devra
avaler même si elle ne veut pas. C'est de cette façon-là
que la Grand-Bretagne i été entraînée à la guerre : et
c'est encore de cette manière que Grey s'engage à com-
battre jusqu'à ce que ses alliés en aient assez 1
« Qu'on se rende bien compte qu'à la fin de la
guerre, comme à son début, U sort de l'Angleterre te
trouvera livré au « Foreign QJJice », en sorte que,
tant qua Grey restera secrétaire d'Etat des Affaires*
étrangèrea, tes intérêt* de l'Angleterre et l'avenir de
l'Europe, — pour autant qu'il est du ressort de
la diplomatie, — -dépendront entièrement de tes qua-
lités d'intelligence et de caractère.
u C'est là une grave responsabilité, et même si l'on
juge aussi favorablement que possible les talents de
Lord Grey, l'Empire britannique court un tel risque,
que seul un incurable amateur dea jeux de hasard ou
un adepte fantastique des gouvernants arrghis actui'ls
pourra franchement s'en réjouir.
u On est tout ébahi de trouver dans les dernières
déclarations de Grey certaines affirmations, qui depuis
l'été igi5, époque où, l'opinion publiq.it commença à
se ressaisir, semblaient définitivement écartée* par lei
gens sérieux. C'est ainsi que Grey semble persister à
vouloir faire accroire que ce fut une espèce de « croi-
sade » qu'il entreprit le jour où il partit en guerre
contre l'Allemagne, u
En Allemagne aussi, estime Bernard Shaw, certains
écrivain* militaires et historiens ont écrit' des choses
dont le gouvernement "et le peuple allemand surit tout
aussi peu responsables que le gouvernement et le peu'
pie anglais dea écrits du générai Butler et d'autres un-
pénalistes anglais; Il continue :
« Grey défend toujours le point de vue que la Bel-
gique a reçu de l'Allemagne, de la France et de l'An-
gleterre la promesse que sa neutralité ne serait pus vio-
lée. La vérité, que Grey pourrait facilement contrôler,
rien qu'en relisant ses propres livies Ma rut, c'est que
ces trois puissances étaient d'accord pour garantir, la
neutralité belge, à la condition toutefois que celle-ci
serait également respectée par les ^deux autres Puis-
sances, ce qui équivalait à la condition qu'il n'y eût pas
de guerre I »
Bernard Sha-w estime qu'il faut regarder en face le
problème belge. La neutralité belge lui semble une-
chose tout aussi peu réalisable que le serait l'indépen-
dance de l'Irlande, U précise ;
« Cela a toujours été afnsi, depuis qu'on a fait de
la Belgique un Etat-tampon entre les Grandes Puis-
sances 4c l'Europe occidentales. Tant que la Belgique
ne sera pas placée sous la protection d'une organisation
internationale, plus forte que les puissances nationales
ou les coalitions belliqueuses, elle devra subir
son sort actuel de glacis entre l'Angleterre et la France
d'une part et l'Allemagne d'autre part, ainsi que l'ont
dit fort justement Lord Grey et le chancelier allemand.
« L'Angleterre, explique Bernard Shaw, est une
forteresse dont là Belgique est le bastion avancé que les
Anglais ne peuvent laisser tomber en d'autres mains.
Ils n'hésiteront donc pas à jeterjles troupes duriB ce
pays, s'il ne peut se maintenir seul contre l'Allemagne.
Il est donc naturel qu'ils défendent la Belgique, tout
comme ils défendraient Portsmoulh, en dépit même
de ses plus énergiques protestations !
i< Telle est la situation pour l'Angleterre et pour la
France. Tout le monde en Europe le sait, excepté le lec-
teur des journaux anglais d'un sou i. Grey et ses'collè-
gues trouvèrent au début de la guerre l'appui du pu-
blic lorsqu'ils déclarèrent que la neutralité belge était
une chose « sacrosainle », à laquelle seuls d'ignobles
Huns pouvaient oser toucher 1
« J'étais alors, continue M. Shaw, d'une opinion
opposée à celle de Sir Edward Grey. Aussi affirmai-je
que, si notre succès militaire en dépendait, nous pré-
férerions violer la neutralité du Paradis! ...
ii Ce qui s'est passé en Grèce a démontré que j'avais
pleinement raison. L'interview du « Daily News » de
Chicago démontre que Lord Grey ne s'est pas encore
converti à mon point de vue. Il persiste à demander la
condamnation de l'Allemagne à cause de son altitude
vis-à-vis du problème *t neutralité », même s'il lui fal-
lait de la sorte reconnaître l'incorrection morale de
nos propres agissements en Grèce. »
Shaw estime que, tandis que la thèse anglaise exige
l'indépendance de la Belgique vis-à-vis de l'Allemagne,
la thèse allemande réclame la même indépendance bel-
ge vis-à-vis de l'Angleterre et de la France. De cet
antagonisme découle à son àvis la situation actuelle,
l'Angleterre essayant d'arracher par tons les moyens la
Belgique aux mains de l'Allemagne, qui l'occupe et op-
pose une résistance de fer à çeux qui tentent de"l'en
chasser.
Effleurant ensuite la question de l'intervenlïon amé-
ricaine en faveur de l'Angleterre Shaw déclare que le
général Maxwell a détruit cet espoir le jour où il fusil-
la les patriotes irlandais. .
« Pourquoi, demande plus loin le grand _Ironiste,
Lord Grey parle-t-U toujours .îu pluriel, pourquoi dit-
il « noua » au lieu de « moi »? _ "...
« Lorsqu'il dit par exemple : « Nous n'étions pas
préparés à la gueire I », il se trouve en contradiction
formelle avec le ministre de la guerre et l'Amirauté
britanniques, qui ont tous deux déclaré nettement que
wla question du commandement anglais dans les Flan-
dres était réglé cinq ans avant la guerre déjà et que
le général en chef anglais avait même à cette époque,
étudié le terrain; d'autre part, les approvisionnements
de la flotte en munitions étaient également au complet
depuis cinq ans. »
Et que dire enfin du principe des nationalités et
de la liberté politique auquel Grey sè dit fidèlement
attaché P Shaw estime qu'il suffit de voir la façon dont
là Erance interprète ce principe au Maroc, la Russie en
Pologne, l'Angleterre en Egypte, aux Indes et én Ir-
lande, pour se rendre coinpte que ces pays n'ont rien
à reprocher à l'Allemagne et à l'Autriche I Quel effet
cette comparaison entre la théorie et la pratique doit-
elle avoir sur les Neutres qui envisagent la situation
d'un ceil critique ?
« Mais à quoi bon, s'exclame finalement l'auteur
anglais, dire ces choses au monde P Celui-ci pense et
juge autrement que l'hypocrisie anglaise, avouée, voire
même défendue par le h Times » 1
Certes, quiconque réfléchit et juge sans parti-pris,
■ait à quoi s'en tenir sur Ja moralité de cette guerre.
Maïs pour la grande masse qui se laisse guider aveu-
glément par la presse asservie aux intérêts des cliques
politico-financières de Londres et de Paris, il est bon
que des jugea sincères comme M. Bernard Shaw fas-
sent entendre leur voix. — -
'.BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS
Giand QaSfUtf géneial, le D eeptenibrc J01G.
Thcùt.e de la guerre à l'Ouest.
Les attaques d mfantcifc ennemies, à la Somme, ont di-
jminué de force pendant In journée.
t Une entreprise partielle anglaise au Bois des Foureuux,
fanai que des attaques nocturnes française* contre le secteur
iBsrny—Déniccourt ont échoué. -
j Nous avons nettoyé de petites parties de notre position
j restées entre le mains de l'ennemi. Le combat d'artillerie
^continue. •
À droite de la Mclmc le combat a repris, au Nord-Est
Mu fort Souville. Après un combat longtemps indécis nous
■tenons de nouveau entre nos mains une partie du terrain
-perdu. Dans la nuit, feu d'ailillene violent, de part et
d'autre du front Hiiaumonl, jusqu'uu Bois du Chapitre.
Théâtre tic la gucire à l'Est.
Groupe d'armée du général dt cavalerie Arcliidac Cliarles.
i luen de nouveau.
j Groupe d'armée du Prince Leopold de Bavière.
' Les attaque» russes, qui se poursuivent sans 0es*e entre
**la Zlula Lipa et le Dnjester, n'ont eu, hier également, aucun
^succès. Des détachements ennemis qui avaient pénétré dans
■ nos tranchées, en fuient de nouveau rejelcs par coulre-pous-
jsées, ils furent également repousses sur le front des troupes
(ottomanes, jusqu'au delà des position» dt départ russes. Plus
'doiooo prisonniers, ainsi que plusieurs mit y il le uses furent
I capturés.
* Dans les Carpallies, l'adversaire lance de gros effectif»
icontre notre positions sur les hauteurs à l'Ouest de Schipolh
Ut près de Doina Wa.Ua.'Au Nord-Ouest du Capul nous
avoijs cédé à In pression. ,
I ' . Théâtre de la guerre aux Balkans.
Pjès de Dobnc la nouvel le'al laque «il nantie a de nouveau
BULLETINS OFFICIELS BULGARES
Sofia, i septembre. '
Front de .Macédoine.
L» nuit dernière l'ennemi tenta d'attaquer une partie de
notre position au Nord du lac dTJslrowo. Cette tentative
ééhoua déjà sous notre feu efficace. Dans la région de
Tchavaz un escadron et ims détachement d'infanterie enne-
mis essayèrent d'avancer vers le village de Tchiflik ; ils furent
facilement repousses par nos tirs et laissèrent quelques morts
sur le terrain. Sur le reste de ce front, faible activité des
deux artilleries. Un navire ennemi bombarda légèrement
j Orfano.
Front roumain.
■Dans la Dobrudch* nou» continuons de progresser averi
un,'*. Des détachements venant de l'Ouest et du Sud st
marchant sur Tntrakan attaquèrent les troupe» roumaine*
et le» rejetèrent derrière la ligne de» forts de cette ville, fai-
sant environ ioo prisonniers valides.
Un détachement l'avançant dans U direction de Silistri*
infligea une défaite à l'adversaire, au Nord du village de Has-
koeij et coupa la communication télégraphique entre Tulra-
kan et Siîistria, ainsi qu'entre Silistna et Dobric. Nous avons
capturé n voitures chargées de munitions,.abandonnées ptr
l'ennemi après »a défaite, dans sa retraite sur Siliitna.
Les troupes qui enlevèrent, le a septembre, la localité d*
Kurtbunar eurent à livrer, le 3 septembre, un combat d*
■ix heures contre iin fort détachement ennemi près du vil-
luge de kotchina. L'ennemi subit une défaite et fut dispersé
dans la pin i ne. Il abandonna sur le champ de bataille plus
de Goo morts, dont 4 officiers et un grand nombre d'objets
d'équipement et d'armes Dans ce combat nous avons fait
prisonnier» i officier d'état-major, 9 officier» subalterne» et
700 soldats valides.
Un détachement avançant ver* DuUnc défit l'ennemi
dans tes environ» du village de Bndia et le réjeta vers le
l\ord-Est. Dans ce village, qui Tut incendié, nous trouvâmes
environ 5o cadavres de femmes et d'enfants qui avaient été
tues par le» soldais dû /io™* régiment d'infanterie roumaine,
lors de sa retraite. Les troupes marchant sur Battcbik occu-_
pètent, hier~aoir, les village» de Teke et Moutschil, a 5 kilo-
mètres à l'Ouest do la ville de Baltcliik.
Sofia, 7 septembre.'
Hier, C septembre/ à deux heures 30 de l'après-midi,
après un violent combat sur ra deuxième ligne de défense
au Sud de lu ville de Tutrakan, la forteresse de ce nom, qui
forme ttte de pont, est tombée entre nos mains.
La garnison a capitulé. Ont été faits priaanitjaui les Si—
85"", 36"», 40°% 7-f", ÏV™ 80™* et 6SQ* régime!)** d'infan-
terie, deux bataillons du régiment de gendarmerie, le 5"*
régiment d'ouusiers et le 3nu régiment d'artillerie UmhK
Nou» avons fait le butin suivant : toute l'artillerie de forte-
resse, beaucoup de munitions, de'fusiis, de mitrailleuses et
d'autres matériels de guerre. Le chiffre eiacj des prisonnier*
(t du butin reste à établir. Ont été comptes jusqu'ici; *v)S offi-
ciers dont i chefs de brigade, et 21,000 prisonniers valides,
eu tint de butin 2 drapeaux et plus de 10» canons modernes, *
parmi lesquels se trouvaient deux .batteries volées en 1913*
(aux Bulgares) près de la ville de Ferdinand. Les pertes des
Roumains eu-morts et en blesses sont enarmes. Beaucoup de
■soldats roumains se noyèrent dans le Danube, leur fuite ayant
dégénère en panique.
BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS
. i bcplembrc 191(1, nif,
bar le front du U domine, la bataille engagée'hier par les
force* brilAïunciue» a e»i développe* aujuurU nui sur loa deux
rives de la bouiuie et ><il puui&uivie loule la journée avec un
• extrême acharnement. Au Nord de la m-Ère, continuant iius
auccés, nou» avoua seiicuscuicnt progresse j l'Est du village (tu
Forçai, dcùurdé la terme tic l'UopiUI et. occupe la croupe siluea
a l'Ouest de» bois Maméics. Lie vitolaiXe» centre-altaquea alle-
mande», dingues sur nos nouvelle» poattiuuo au Sud de Co'mWta
•t debouciiaut du village, out epi brisées par nos feui d; uiiirail-
leusea et uos Urs de barrage, qui ont inflige a l'ennemi th ire*
lourdes pertes, lout le terrain que nous «.vous conquis-a eto i.iu>
fialtmienl maintenu. Le ctullro de» prisonnier» dénombre* au
Nord de la Somme, dan» le» doux journées atteint aetucllcajonl
deux mille cinq ccnla. Nous avons ta^iuru aujourdhui un*
dizaine de mitrailleuse» en outre du nombre annonce Inu'. Au
Sud de la boni nie, le» troupes françaises ont attaque Le* lu-ganU
aations enneiutea sur une étendue de vingt kilomètres environ,
depuis Barteui jusqu'à 1» région au Sud du Lhaulues. faUouL la
vaillance do uob soldais et la puissance de notre axUUerw nous
ont permis d'atteindre les objectifs Gïcs. Sur le Iront UuiJëux-
Dcoiécour!, nous avon» enlevé la première ligne de irancltCc*"
«momies et noua nous sommes établis aux aborda du village de
Berny at aux lisières Nord de Deniecouit. Sur noire droite, la
milice de Soyécourt, attaqué par te Nord ut par le Sud-Ouest,
a «1» enlevé en entier au cour» d un brillant assaut. Plus au Sud,
fiepuis Vormandovulera jusqu a Chilly, après un tombât des plu*
-violent», notre infanterie a emporte, sur une étendue de plus d*
quatre kilomètres, toute la première pomliou de- l'ancien iront
allemand, comprenant plusieurs bgoes de défenses 1res loilcicent
arganlièca. Le village de Chilly a été pria un entier, Notfs svobi
«ccup* à l'Est la cote 86, aioai-que le» lisières Ouest des bois de
Chiidli.es. Le village de Vermandovillers, dont nous tenbni usai
partie, a *te franchement débordé par le NoTd et par le Sud.
Notre artillerie lourde a pris sous aoo feu et S t.. des
troupe»-ennemies qui se déplaçaient aux la roule de L-1.11n.ourt-
Fonchee. Le chiffre, de* prisonnier» vabdc» faits par nous au-
jourd'hui au Sud de la Somme et actuellement dénombres de-
paa»fl^J.700. .Sur la rive droite de 1» lieu**, malgré un violent
bombardement ennemi, nous avons accentue notre gain dhitr en"
^ FEUILLETON Dfi LA tGAZETTB DES 4 ff:■. '.">.•■ ■ 1B
LA VICTOIRE
Far Paot. ACKLR.
— Ma foi, monsieur André, fit Picot, qui allumait u
pipe, je ne comprend» pas.
— C'est bien simple. Je ne conçoi» pa» qu'on ejiouso
une femme si on ne l'aime pas d'amour.
_ — Certes. . \ '
B— Mais si on l'aime, on n'est plu» ion maflre. Il faut
8*abord lui accorder un peu du temps qu'on consacrait au
travail^ et, si elle réclame plus de aoiui, il faut y consentir,
puiaqu on l'aime, — et lorsqu'on aune, on veut être aimé.
Sans "même s'en douter, elle vous délourne de votre Ira-'
vail, jusqu'au Jour où elle exige une renonciation absolue.
Combien d'aviateurs ont dû jurer a leur» fiancées de ne
plus jamais voler I L'amour le» rendait traîtres a eux-
mêmes. Imaginez-vous une femme, ma femme, ici... moi^
toujours i l'atelier c*u sur le champ d'aviation... elle, ren-
fermée dan» sa maison, »ani amies, sans diatmotioni... Au
bout d'un mois, elle voudrait »'en aller... Alors..., ai Ja
l'aimai»...
Pacot, incrédule, hochait la Ut*. 11 no compreout pas,
comme il l'avait dit, ce* subtilités •enllmenUlcs. Joie» «i
suece», U partageait tout aveo sa femme. £11* lui avait
donné un foyer, de» enfant» pour réjouir *c» yeux, un
cceur solide où se confier ; c'était la compagne sans laquelle
11 n'aurait pa» eu la force de vivre. Elle non plus n avait
pa» d'amies, pas de distractions, «t elle était heureuse.
M™ Pacbt, plus Une, avait écoute André avec attention.
— Vous négligez, monsieur André, de supposer que
votre femme vou» aime. Si aile vous aime, tout lui ser*
facile. Si Pacot avait voulu être pilote, jsmal» ]« ne l'aurala
•gntrarié. J'aurais caché ma terreur... Et si, comme vous,
il avait cherché, en affrontant la mort, à réaliser quelque
chose de magnifique, je ne nte serais pas accordé le droit
de l'en empêcher.,. J'aurais taché même de l'aider, sinon
par mes conseils, au moins par un peibcvéronl cneouruçe-
ment... J'aurais voulu qu'il m'intéressât a ce qu'il tcnlait,
et il en serait résulté pour lui quelque bien. Quand on aime,
aussi, on a toujours du bonheur, n'importe où, avec celui
qu'on aime... Croyer-voua que, si je n'nimais pas mon mari,
je me plairais nul,ml ici ?..
Le chien couchuit sur le bras du jeune homme sa lon-
gue tête
— Vous, madame Pacot, dit André en le caressant,
voua été* une exception. Mais ojii. Sur cent femmes, on
□'en compterait pus deux qui vous ressemblent. Eh bien,
moi aussi, je suis une exception ; je ne dota pas vivre
comme les autres hommes.
Elle le considéra avec un air de doux reproche :
— C'est beaucoup d'orgueil, monsieur André; pcimel-
lez-rnoi d'être franche : vous souffrirez de cet orgueil. Ufl
homme, »i intelligent toit-il, ne petit pas êlre heureux seul,
sans femme, sans enfants.
— Oh i les enfants i murmura-t-il.
— Ah I ne dite^ pas ça, monsieur André, répliqua Pa-
cot. Un petit enfant, volie petit enfanf, qui coin nu uce a
balbutier, 0 marcher, qu'est-ce qui peut donner plus de
OCeur «t plus de joie P C'est pou: eux qu'on travaille... SI
l'on n'eu avait pas, à quoi bon irovuillei ? Tout ce qui vient
d'aux remplit l'existence, tours jeux, leur gaieté, leur ma-
ladie. Vous-même vous le* aimez ; Bernadette le sait bi.11,
On entendit une sirène d'automobile, tout,pies Andié
t* dressa..
— Ce sont peut-être vos parent*, ou di;s amis, supposa
M" Pacot.
Une limousine grise descendait la rue. In vieux mon-
sieur et une vieille dame occupaient le coupé.
— Ce »ont M. et M™* SUvieo, dit André avec un geste
4éçu.
Pourtant, U n'ignorait pas que sa mère était en Alsace,
M*** Pacot, à la dérobée, le con&idéiait, a la fois mélan-
aolique parce qu'ollo voyait sn tristesse, et maligne pane
arue, mieux que lui, elle en pénétrait la cause.
André rentra, stupéfait.
Ce qu'il avait, soudoin, cherché, derrière la vitre d*
cette limousine, c'était le visage de Madeleine. Alors qu*
M™* Crayan était en Alsace, où Madeleine devait la rejoin-
dre, si elle ne l'avait déjà fait, il avait, soudain, espéré que
sa mère arrivait au Catoi3, avec Madeleine.
Madeleine, Madeleine, pourquoi avuil-il tout A coup
pensé à Madeleine P Depuis son départ d'Etumpcs, quand
11 pensait parfois à elle, c'était avec une simple reconnais-
"auiice émue. Et subitement ce désir, violent, de revoir son
visage, »es yeux limpides, ses cheveux bruns et ondés, son
coqis aux mouvements aisé»... Que s'élait-il donc accompli
en lui, de lent et d'obscur d'où jaillissait cet éclair P
Tout en marchant à travers les trois pièces de sa mai-
son, il s'efforçait de comprendre.
A Etampes, quand il commençait à revivre, il avait
goûté une joie très dout e et nouvelle... une joie qui venait
de la mort-evitëe, du sang plus vigoureux dans ies veines,
des espoiis renaissants , une joie en somme trè» naturelle.
Un moment sa mémoire attendue évoqua cette calme mai-
son où il avait guéri, la chambre blanche, le jardin et se*
beaux muironmers ; un moment, car aussitôt s'imposa,
précise a ses yeux, l'image de Madnleine penchée i son
chevet. Quelle émotion impatiente il ressentait, quand 1s
porte s'ouvrait et qu'elle entrait 1 do quel regard étonné,
charmé aussi, il la considérait I combien il aimait le son
de sa -voix I Et comme elle était belle ! Jamais peut-être la
beauté de Madt-loiue ne l'avait plus touché que maintenant,
fiù i) se souvenait d'elle.
I 'Ah I il se retrouvait bien, tel qu'il était, naguère 1 Au
régiment, une femme passait et l'entraînait presque a
l'abîme. Cinq année» phis laid, alors qu'il se flattait de do-
miner son cœur et ses sens, une autre femme passait, qui
le troublait, une jeune tille celle-ln, et qui lui avait »1 long-
luiqis paru le type le plus délectable de 1* jeune fill*
mode rue
Cependant, il ne s'effraya pas. Blesse, affaibli, malade,
[mis dans cet état languide de la convalescence, il avait subi
I*mllucnce facile quVx< ne une femme jeune et Jolie, qui
est toujours là, veille, prodigue les soins, anime le*
heures, et montre un frais visage dévoué... Il ne s'effrayait
pas ; il s'irritait sourdement, car une autre idée l'assailLiL
Cette présence continuelle de Madeleine, U"" Cruyan- ne
l'aurait-elle pas préparée, rêvant de nouveau de mancr
André. Alors, Madeleine se serait prêtée à celle 1.1 jî-u-
rre i... C'était impossible; la jeune lillc d'Etantes clait
droite, honnête, incapable de ruse...
Il avait pu, autrefois, ignorer ce qu'elle valait : aujour-
d'hui, il lui rendait justice... Mais, à son insu, M1" Cravan
l'avait employée : déprimé, André se laisserait séduire "par
la charme de Madeleine, l'épouserait, et Madeleine sauiait
1* faire renoncer i l'aviation. Long calcul excusable ctstaj
une mère et qu'il attribuait à tort i la sienne. Enfin, il
voyait clair, et assez tôt pour redevenir son maître. + -
M™ Crayan lui avait, dans une lettre récente, rappelé
e* promesse de se reposer quelques jours, sinon" quel que»
semaine», auprès d'elle en Alsace. Elle ajoutait — ce souve-
nir lui traversa l'esprit — que Le Dorât, retenu à Paria
pour de» affaires assez compliquées, déplorait toujours
«ju'André n'eût pa» écouté ses conseils,^— et avec une in-
sistance chagrine, comme si l'ingénieur comptait paiticu-
iièrement sur celte affaire. Eh bien, d'abord — dè» le len-
demain Il l'écrirait à sa mère — il n'irait pas en Alsace :
non dans la crainte d'y rencontrer Madeleine, mais pour
témoigner qu'il demeurait un sauvage, résolu à la solitude.
La tolitucle I Ses pas, solitaires en effet, résonnaient sur
les dalle», tandis que la lampe charbonnait.
Dans le grand silence de la nuit déjl avancée^ on n'en-
tendait que le bruit de l'eau s'échappa/il de l'écluse. André
a* parlait tout haut, 1 lui-même. 11 s'en aperçut, plein da
confusion, et »e tut. Son coeur battait vite ; il entoura son
poignet gauche de la main droite et ses doigts sentirent le
pouls qui battait trè» fort. 11 s'assit, et, sa montre devant
lui sur la Labié, compta ses pulsations : il en compta quatre-
vingt-seize ; mal», loin de s'alarmer, il se dressa tout
Joyeux... Quelle» «ublilea explications cherchait-il i son
état I II avait un secè» de fièvre, simplement, comme il en
avait *u pendant ■a convalescence. De même qu* aa mala-
die expliquait l'iufluence inconsciente qu'avait exercée sur
lui Madeleine, de mémo sa fièvre expliquait u tristesse, lejl
Idée* qui se heurtaient dans sa tête, jusqu'à celte façon
presque démente dont il le parlait tout i l'heure. Un peu
de quinine, et ce serait fini. (A suivre.)
Cliarleville, le 10 Septembre 1916.
Gazette des Ardenne
JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste
Bernard Shaw contre Edward Grey
Une récente interview de Lord Grey, publiée par
- le «Chicago* Daily News» a provoqué une réplique du
célèbre écrivain anglais Bernard Shaw. Cet article
paru dans le «New-York Times» est digne de retenir
l'attention. Résumoni lea passage» principaux ;
« Depuis le déplorable mois d'août igià, ai riche
en Sottises, dont Sir Edward Grey a fourni sa large part,
le ministre anglais des affaires étrangères ne semble
pal avoir fait le moindre progrès, es qui est fort attris-
tant. Quoi qu'on puisse dire, en Angleterre, des con-
ditions de paix, quel que toit l'entêtement qu'on met
i affirmer qu'on préfère mourir que-de perdre la partie
et qu'on combattra jusqu'au dernier penny et jusqu'à
la dernière goutte de sang, le^jour viendra quand
même, où Grey se présentera devant le Parlement et
déclarera avoir signé un traité que l'Angleterre devra
avaler même si elle ne veut pas. C'est de cette façon-là
que la Grand-Bretagne i été entraînée à la guerre : et
c'est encore de cette manière que Grey s'engage à com-
battre jusqu'à ce que ses alliés en aient assez 1
« Qu'on se rende bien compte qu'à la fin de la
guerre, comme à son début, U sort de l'Angleterre te
trouvera livré au « Foreign QJJice », en sorte que,
tant qua Grey restera secrétaire d'Etat des Affaires*
étrangèrea, tes intérêt* de l'Angleterre et l'avenir de
l'Europe, — pour autant qu'il est du ressort de
la diplomatie, — -dépendront entièrement de tes qua-
lités d'intelligence et de caractère.
u C'est là une grave responsabilité, et même si l'on
juge aussi favorablement que possible les talents de
Lord Grey, l'Empire britannique court un tel risque,
que seul un incurable amateur dea jeux de hasard ou
un adepte fantastique des gouvernants arrghis actui'ls
pourra franchement s'en réjouir.
u On est tout ébahi de trouver dans les dernières
déclarations de Grey certaines affirmations, qui depuis
l'été igi5, époque où, l'opinion publiq.it commença à
se ressaisir, semblaient définitivement écartée* par lei
gens sérieux. C'est ainsi que Grey semble persister à
vouloir faire accroire que ce fut une espèce de « croi-
sade » qu'il entreprit le jour où il partit en guerre
contre l'Allemagne, u
En Allemagne aussi, estime Bernard Shaw, certains
écrivain* militaires et historiens ont écrit' des choses
dont le gouvernement "et le peuple allemand surit tout
aussi peu responsables que le gouvernement et le peu'
pie anglais dea écrits du générai Butler et d'autres un-
pénalistes anglais; Il continue :
« Grey défend toujours le point de vue que la Bel-
gique a reçu de l'Allemagne, de la France et de l'An-
gleterre la promesse que sa neutralité ne serait pus vio-
lée. La vérité, que Grey pourrait facilement contrôler,
rien qu'en relisant ses propres livies Ma rut, c'est que
ces trois puissances étaient d'accord pour garantir, la
neutralité belge, à la condition toutefois que celle-ci
serait également respectée par les ^deux autres Puis-
sances, ce qui équivalait à la condition qu'il n'y eût pas
de guerre I »
Bernard Sha-w estime qu'il faut regarder en face le
problème belge. La neutralité belge lui semble une-
chose tout aussi peu réalisable que le serait l'indépen-
dance de l'Irlande, U précise ;
« Cela a toujours été afnsi, depuis qu'on a fait de
la Belgique un Etat-tampon entre les Grandes Puis-
sances 4c l'Europe occidentales. Tant que la Belgique
ne sera pas placée sous la protection d'une organisation
internationale, plus forte que les puissances nationales
ou les coalitions belliqueuses, elle devra subir
son sort actuel de glacis entre l'Angleterre et la France
d'une part et l'Allemagne d'autre part, ainsi que l'ont
dit fort justement Lord Grey et le chancelier allemand.
« L'Angleterre, explique Bernard Shaw, est une
forteresse dont là Belgique est le bastion avancé que les
Anglais ne peuvent laisser tomber en d'autres mains.
Ils n'hésiteront donc pas à jeterjles troupes duriB ce
pays, s'il ne peut se maintenir seul contre l'Allemagne.
Il est donc naturel qu'ils défendent la Belgique, tout
comme ils défendraient Portsmoulh, en dépit même
de ses plus énergiques protestations !
i< Telle est la situation pour l'Angleterre et pour la
France. Tout le monde en Europe le sait, excepté le lec-
teur des journaux anglais d'un sou i. Grey et ses'collè-
gues trouvèrent au début de la guerre l'appui du pu-
blic lorsqu'ils déclarèrent que la neutralité belge était
une chose « sacrosainle », à laquelle seuls d'ignobles
Huns pouvaient oser toucher 1
« J'étais alors, continue M. Shaw, d'une opinion
opposée à celle de Sir Edward Grey. Aussi affirmai-je
que, si notre succès militaire en dépendait, nous pré-
férerions violer la neutralité du Paradis! ...
ii Ce qui s'est passé en Grèce a démontré que j'avais
pleinement raison. L'interview du « Daily News » de
Chicago démontre que Lord Grey ne s'est pas encore
converti à mon point de vue. Il persiste à demander la
condamnation de l'Allemagne à cause de son altitude
vis-à-vis du problème *t neutralité », même s'il lui fal-
lait de la sorte reconnaître l'incorrection morale de
nos propres agissements en Grèce. »
Shaw estime que, tandis que la thèse anglaise exige
l'indépendance de la Belgique vis-à-vis de l'Allemagne,
la thèse allemande réclame la même indépendance bel-
ge vis-à-vis de l'Angleterre et de la France. De cet
antagonisme découle à son àvis la situation actuelle,
l'Angleterre essayant d'arracher par tons les moyens la
Belgique aux mains de l'Allemagne, qui l'occupe et op-
pose une résistance de fer à çeux qui tentent de"l'en
chasser.
Effleurant ensuite la question de l'intervenlïon amé-
ricaine en faveur de l'Angleterre Shaw déclare que le
général Maxwell a détruit cet espoir le jour où il fusil-
la les patriotes irlandais. .
« Pourquoi, demande plus loin le grand _Ironiste,
Lord Grey parle-t-U toujours .îu pluriel, pourquoi dit-
il « noua » au lieu de « moi »? _ "...
« Lorsqu'il dit par exemple : « Nous n'étions pas
préparés à la gueire I », il se trouve en contradiction
formelle avec le ministre de la guerre et l'Amirauté
britanniques, qui ont tous deux déclaré nettement que
wla question du commandement anglais dans les Flan-
dres était réglé cinq ans avant la guerre déjà et que
le général en chef anglais avait même à cette époque,
étudié le terrain; d'autre part, les approvisionnements
de la flotte en munitions étaient également au complet
depuis cinq ans. »
Et que dire enfin du principe des nationalités et
de la liberté politique auquel Grey sè dit fidèlement
attaché P Shaw estime qu'il suffit de voir la façon dont
là Erance interprète ce principe au Maroc, la Russie en
Pologne, l'Angleterre en Egypte, aux Indes et én Ir-
lande, pour se rendre coinpte que ces pays n'ont rien
à reprocher à l'Allemagne et à l'Autriche I Quel effet
cette comparaison entre la théorie et la pratique doit-
elle avoir sur les Neutres qui envisagent la situation
d'un ceil critique ?
« Mais à quoi bon, s'exclame finalement l'auteur
anglais, dire ces choses au monde P Celui-ci pense et
juge autrement que l'hypocrisie anglaise, avouée, voire
même défendue par le h Times » 1
Certes, quiconque réfléchit et juge sans parti-pris,
■ait à quoi s'en tenir sur Ja moralité de cette guerre.
Maïs pour la grande masse qui se laisse guider aveu-
glément par la presse asservie aux intérêts des cliques
politico-financières de Londres et de Paris, il est bon
que des jugea sincères comme M. Bernard Shaw fas-
sent entendre leur voix. — -
'.BULLETINS OFFICIELS ALLEMANDS
Giand QaSfUtf géneial, le D eeptenibrc J01G.
Thcùt.e de la guerre à l'Ouest.
Les attaques d mfantcifc ennemies, à la Somme, ont di-
jminué de force pendant In journée.
t Une entreprise partielle anglaise au Bois des Foureuux,
fanai que des attaques nocturnes française* contre le secteur
iBsrny—Déniccourt ont échoué. -
j Nous avons nettoyé de petites parties de notre position
j restées entre le mains de l'ennemi. Le combat d'artillerie
^continue. •
À droite de la Mclmc le combat a repris, au Nord-Est
Mu fort Souville. Après un combat longtemps indécis nous
■tenons de nouveau entre nos mains une partie du terrain
-perdu. Dans la nuit, feu d'ailillene violent, de part et
d'autre du front Hiiaumonl, jusqu'uu Bois du Chapitre.
Théâtre tic la gucire à l'Est.
Groupe d'armée du général dt cavalerie Arcliidac Cliarles.
i luen de nouveau.
j Groupe d'armée du Prince Leopold de Bavière.
' Les attaque» russes, qui se poursuivent sans 0es*e entre
**la Zlula Lipa et le Dnjester, n'ont eu, hier également, aucun
^succès. Des détachements ennemis qui avaient pénétré dans
■ nos tranchées, en fuient de nouveau rejelcs par coulre-pous-
jsées, ils furent également repousses sur le front des troupes
(ottomanes, jusqu'au delà des position» dt départ russes. Plus
'doiooo prisonniers, ainsi que plusieurs mit y il le uses furent
I capturés.
* Dans les Carpallies, l'adversaire lance de gros effectif»
icontre notre positions sur les hauteurs à l'Ouest de Schipolh
Ut près de Doina Wa.Ua.'Au Nord-Ouest du Capul nous
avoijs cédé à In pression. ,
I ' . Théâtre de la guerre aux Balkans.
Pjès de Dobnc la nouvel le'al laque «il nantie a de nouveau
BULLETINS OFFICIELS BULGARES
Sofia, i septembre. '
Front de .Macédoine.
L» nuit dernière l'ennemi tenta d'attaquer une partie de
notre position au Nord du lac dTJslrowo. Cette tentative
ééhoua déjà sous notre feu efficace. Dans la région de
Tchavaz un escadron et ims détachement d'infanterie enne-
mis essayèrent d'avancer vers le village de Tchiflik ; ils furent
facilement repousses par nos tirs et laissèrent quelques morts
sur le terrain. Sur le reste de ce front, faible activité des
deux artilleries. Un navire ennemi bombarda légèrement
j Orfano.
Front roumain.
■Dans la Dobrudch* nou» continuons de progresser averi
un,'*. Des détachements venant de l'Ouest et du Sud st
marchant sur Tntrakan attaquèrent les troupe» roumaine*
et le» rejetèrent derrière la ligne de» forts de cette ville, fai-
sant environ ioo prisonniers valides.
Un détachement l'avançant dans U direction de Silistri*
infligea une défaite à l'adversaire, au Nord du village de Has-
koeij et coupa la communication télégraphique entre Tulra-
kan et Siîistria, ainsi qu'entre Silistna et Dobric. Nous avons
capturé n voitures chargées de munitions,.abandonnées ptr
l'ennemi après »a défaite, dans sa retraite sur Siliitna.
Les troupes qui enlevèrent, le a septembre, la localité d*
Kurtbunar eurent à livrer, le 3 septembre, un combat d*
■ix heures contre iin fort détachement ennemi près du vil-
luge de kotchina. L'ennemi subit une défaite et fut dispersé
dans la pin i ne. Il abandonna sur le champ de bataille plus
de Goo morts, dont 4 officiers et un grand nombre d'objets
d'équipement et d'armes Dans ce combat nous avons fait
prisonnier» i officier d'état-major, 9 officier» subalterne» et
700 soldats valides.
Un détachement avançant ver* DuUnc défit l'ennemi
dans tes environ» du village de Bndia et le réjeta vers le
l\ord-Est. Dans ce village, qui Tut incendié, nous trouvâmes
environ 5o cadavres de femmes et d'enfants qui avaient été
tues par le» soldais dû /io™* régiment d'infanterie roumaine,
lors de sa retraite. Les troupes marchant sur Battcbik occu-_
pètent, hier~aoir, les village» de Teke et Moutschil, a 5 kilo-
mètres à l'Ouest do la ville de Baltcliik.
Sofia, 7 septembre.'
Hier, C septembre/ à deux heures 30 de l'après-midi,
après un violent combat sur ra deuxième ligne de défense
au Sud de lu ville de Tutrakan, la forteresse de ce nom, qui
forme ttte de pont, est tombée entre nos mains.
La garnison a capitulé. Ont été faits priaanitjaui les Si—
85"", 36"», 40°% 7-f", ÏV™ 80™* et 6SQ* régime!)** d'infan-
terie, deux bataillons du régiment de gendarmerie, le 5"*
régiment d'ouusiers et le 3nu régiment d'artillerie UmhK
Nou» avons fait le butin suivant : toute l'artillerie de forte-
resse, beaucoup de munitions, de'fusiis, de mitrailleuses et
d'autres matériels de guerre. Le chiffre eiacj des prisonnier*
(t du butin reste à établir. Ont été comptes jusqu'ici; *v)S offi-
ciers dont i chefs de brigade, et 21,000 prisonniers valides,
eu tint de butin 2 drapeaux et plus de 10» canons modernes, *
parmi lesquels se trouvaient deux .batteries volées en 1913*
(aux Bulgares) près de la ville de Ferdinand. Les pertes des
Roumains eu-morts et en blesses sont enarmes. Beaucoup de
■soldats roumains se noyèrent dans le Danube, leur fuite ayant
dégénère en panique.
BULLETINS OFFICIELS FRANÇAIS
. i bcplembrc 191(1, nif,
bar le front du U domine, la bataille engagée'hier par les
force* brilAïunciue» a e»i développe* aujuurU nui sur loa deux
rives de la bouiuie et ><il puui&uivie loule la journée avec un
• extrême acharnement. Au Nord de la m-Ère, continuant iius
auccés, nou» avoua seiicuscuicnt progresse j l'Est du village (tu
Forçai, dcùurdé la terme tic l'UopiUI et. occupe la croupe siluea
a l'Ouest de» bois Maméics. Lie vitolaiXe» centre-altaquea alle-
mande», dingues sur nos nouvelle» poattiuuo au Sud de Co'mWta
•t debouciiaut du village, out epi brisées par nos feui d; uiiirail-
leusea et uos Urs de barrage, qui ont inflige a l'ennemi th ire*
lourdes pertes, lout le terrain que nous «.vous conquis-a eto i.iu>
fialtmienl maintenu. Le ctullro de» prisonnier» dénombre* au
Nord de la Somme, dan» le» doux journées atteint aetucllcajonl
deux mille cinq ccnla. Nous avons ta^iuru aujourdhui un*
dizaine de mitrailleuse» en outre du nombre annonce Inu'. Au
Sud de la boni nie, le» troupes françaises ont attaque Le* lu-ganU
aations enneiutea sur une étendue de vingt kilomètres environ,
depuis Barteui jusqu'à 1» région au Sud du Lhaulues. faUouL la
vaillance do uob soldais et la puissance de notre axUUerw nous
ont permis d'atteindre les objectifs Gïcs. Sur le Iront UuiJëux-
Dcoiécour!, nous avon» enlevé la première ligne de irancltCc*"
«momies et noua nous sommes établis aux aborda du village de
Berny at aux lisières Nord de Deniecouit. Sur noire droite, la
milice de Soyécourt, attaqué par te Nord ut par le Sud-Ouest,
a «1» enlevé en entier au cour» d un brillant assaut. Plus au Sud,
fiepuis Vormandovulera jusqu a Chilly, après un tombât des plu*
-violent», notre infanterie a emporte, sur une étendue de plus d*
quatre kilomètres, toute la première pomliou de- l'ancien iront
allemand, comprenant plusieurs bgoes de défenses 1res loilcicent
arganlièca. Le village de Chilly a été pria un entier, Notfs svobi
«ccup* à l'Est la cote 86, aioai-que le» lisières Ouest des bois de
Chiidli.es. Le village de Vermandovillers, dont nous tenbni usai
partie, a *te franchement débordé par le NoTd et par le Sud.
Notre artillerie lourde a pris sous aoo feu et S t.. des
troupe»-ennemies qui se déplaçaient aux la roule de L-1.11n.ourt-
Fonchee. Le chiffre, de* prisonnier» vabdc» faits par nous au-
jourd'hui au Sud de la Somme et actuellement dénombres de-
paa»fl^J.700. .Sur la rive droite de 1» lieu**, malgré un violent
bombardement ennemi, nous avons accentue notre gain dhitr en"
^ FEUILLETON Dfi LA tGAZETTB DES 4 ff:■. '.">.•■ ■ 1B
LA VICTOIRE
Far Paot. ACKLR.
— Ma foi, monsieur André, fit Picot, qui allumait u
pipe, je ne comprend» pas.
— C'est bien simple. Je ne conçoi» pa» qu'on ejiouso
une femme si on ne l'aime pas d'amour.
_ — Certes. . \ '
B— Mais si on l'aime, on n'est plu» ion maflre. Il faut
8*abord lui accorder un peu du temps qu'on consacrait au
travail^ et, si elle réclame plus de aoiui, il faut y consentir,
puiaqu on l'aime, — et lorsqu'on aune, on veut être aimé.
Sans "même s'en douter, elle vous délourne de votre Ira-'
vail, jusqu'au Jour où elle exige une renonciation absolue.
Combien d'aviateurs ont dû jurer a leur» fiancées de ne
plus jamais voler I L'amour le» rendait traîtres a eux-
mêmes. Imaginez-vous une femme, ma femme, ici... moi^
toujours i l'atelier c*u sur le champ d'aviation... elle, ren-
fermée dan» sa maison, »ani amies, sans diatmotioni... Au
bout d'un mois, elle voudrait »'en aller... Alors..., ai Ja
l'aimai»...
Pacot, incrédule, hochait la Ut*. 11 no compreout pas,
comme il l'avait dit, ce* subtilités •enllmenUlcs. Joie» «i
suece», U partageait tout aveo sa femme. £11* lui avait
donné un foyer, de» enfant» pour réjouir *c» yeux, un
cceur solide où se confier ; c'était la compagne sans laquelle
11 n'aurait pa» eu la force de vivre. Elle non plus n avait
pa» d'amies, pas de distractions, «t elle était heureuse.
M™ Pacbt, plus Une, avait écoute André avec attention.
— Vous négligez, monsieur André, de supposer que
votre femme vou» aime. Si aile vous aime, tout lui ser*
facile. Si Pacot avait voulu être pilote, jsmal» ]« ne l'aurala
•gntrarié. J'aurais caché ma terreur... Et si, comme vous,
il avait cherché, en affrontant la mort, à réaliser quelque
chose de magnifique, je ne nte serais pas accordé le droit
de l'en empêcher.,. J'aurais taché même de l'aider, sinon
par mes conseils, au moins par un peibcvéronl cneouruçe-
ment... J'aurais voulu qu'il m'intéressât a ce qu'il tcnlait,
et il en serait résulté pour lui quelque bien. Quand on aime,
aussi, on a toujours du bonheur, n'importe où, avec celui
qu'on aime... Croyer-voua que, si je n'nimais pas mon mari,
je me plairais nul,ml ici ?..
Le chien couchuit sur le bras du jeune homme sa lon-
gue tête
— Vous, madame Pacot, dit André en le caressant,
voua été* une exception. Mais ojii. Sur cent femmes, on
□'en compterait pus deux qui vous ressemblent. Eh bien,
moi aussi, je suis une exception ; je ne dota pas vivre
comme les autres hommes.
Elle le considéra avec un air de doux reproche :
— C'est beaucoup d'orgueil, monsieur André; pcimel-
lez-rnoi d'être franche : vous souffrirez de cet orgueil. Ufl
homme, »i intelligent toit-il, ne petit pas êlre heureux seul,
sans femme, sans enfants.
— Oh i les enfants i murmura-t-il.
— Ah I ne dite^ pas ça, monsieur André, répliqua Pa-
cot. Un petit enfant, volie petit enfanf, qui coin nu uce a
balbutier, 0 marcher, qu'est-ce qui peut donner plus de
OCeur «t plus de joie P C'est pou: eux qu'on travaille... SI
l'on n'eu avait pas, à quoi bon irovuillei ? Tout ce qui vient
d'aux remplit l'existence, tours jeux, leur gaieté, leur ma-
ladie. Vous-même vous le* aimez ; Bernadette le sait bi.11,
On entendit une sirène d'automobile, tout,pies Andié
t* dressa..
— Ce sont peut-être vos parent*, ou di;s amis, supposa
M" Pacot.
Une limousine grise descendait la rue. In vieux mon-
sieur et une vieille dame occupaient le coupé.
— Ce »ont M. et M™* SUvieo, dit André avec un geste
4éçu.
Pourtant, U n'ignorait pas que sa mère était en Alsace,
M*** Pacot, à la dérobée, le con&idéiait, a la fois mélan-
aolique parce qu'ollo voyait sn tristesse, et maligne pane
arue, mieux que lui, elle en pénétrait la cause.
André rentra, stupéfait.
Ce qu'il avait, soudoin, cherché, derrière la vitre d*
cette limousine, c'était le visage de Madeleine. Alors qu*
M™* Crayan était en Alsace, où Madeleine devait la rejoin-
dre, si elle ne l'avait déjà fait, il avait, soudain, espéré que
sa mère arrivait au Catoi3, avec Madeleine.
Madeleine, Madeleine, pourquoi avuil-il tout A coup
pensé à Madeleine P Depuis son départ d'Etumpcs, quand
11 pensait parfois à elle, c'était avec une simple reconnais-
"auiice émue. Et subitement ce désir, violent, de revoir son
visage, »es yeux limpides, ses cheveux bruns et ondés, son
coqis aux mouvements aisé»... Que s'élait-il donc accompli
en lui, de lent et d'obscur d'où jaillissait cet éclair P
Tout en marchant à travers les trois pièces de sa mai-
son, il s'efforçait de comprendre.
A Etampes, quand il commençait à revivre, il avait
goûté une joie très dout e et nouvelle... une joie qui venait
de la mort-evitëe, du sang plus vigoureux dans ies veines,
des espoiis renaissants , une joie en somme trè» naturelle.
Un moment sa mémoire attendue évoqua cette calme mai-
son où il avait guéri, la chambre blanche, le jardin et se*
beaux muironmers ; un moment, car aussitôt s'imposa,
précise a ses yeux, l'image de Madnleine penchée i son
chevet. Quelle émotion impatiente il ressentait, quand 1s
porte s'ouvrait et qu'elle entrait 1 do quel regard étonné,
charmé aussi, il la considérait I combien il aimait le son
de sa -voix I Et comme elle était belle ! Jamais peut-être la
beauté de Madt-loiue ne l'avait plus touché que maintenant,
fiù i) se souvenait d'elle.
I 'Ah I il se retrouvait bien, tel qu'il était, naguère 1 Au
régiment, une femme passait et l'entraînait presque a
l'abîme. Cinq année» phis laid, alors qu'il se flattait de do-
miner son cœur et ses sens, une autre femme passait, qui
le troublait, une jeune tille celle-ln, et qui lui avait »1 long-
luiqis paru le type le plus délectable de 1* jeune fill*
mode rue
Cependant, il ne s'effraya pas. Blesse, affaibli, malade,
[mis dans cet état languide de la convalescence, il avait subi
I*mllucnce facile quVx< ne une femme jeune et Jolie, qui
est toujours là, veille, prodigue les soins, anime le*
heures, et montre un frais visage dévoué... Il ne s'effrayait
pas ; il s'irritait sourdement, car une autre idée l'assailLiL
Cette présence continuelle de Madeleine, U"" Cruyan- ne
l'aurait-elle pas préparée, rêvant de nouveau de mancr
André. Alors, Madeleine se serait prêtée à celle 1.1 jî-u-
rre i... C'était impossible; la jeune lillc d'Etantes clait
droite, honnête, incapable de ruse...
Il avait pu, autrefois, ignorer ce qu'elle valait : aujour-
d'hui, il lui rendait justice... Mais, à son insu, M1" Cravan
l'avait employée : déprimé, André se laisserait séduire "par
la charme de Madeleine, l'épouserait, et Madeleine sauiait
1* faire renoncer i l'aviation. Long calcul excusable ctstaj
une mère et qu'il attribuait à tort i la sienne. Enfin, il
voyait clair, et assez tôt pour redevenir son maître. + -
M™ Crayan lui avait, dans une lettre récente, rappelé
e* promesse de se reposer quelques jours, sinon" quel que»
semaine», auprès d'elle en Alsace. Elle ajoutait — ce souve-
nir lui traversa l'esprit — que Le Dorât, retenu à Paria
pour de» affaires assez compliquées, déplorait toujours
«ju'André n'eût pa» écouté ses conseils,^— et avec une in-
sistance chagrine, comme si l'ingénieur comptait paiticu-
iièrement sur celte affaire. Eh bien, d'abord — dè» le len-
demain Il l'écrirait à sa mère — il n'irait pas en Alsace :
non dans la crainte d'y rencontrer Madeleine, mais pour
témoigner qu'il demeurait un sauvage, résolu à la solitude.
La tolitucle I Ses pas, solitaires en effet, résonnaient sur
les dalle», tandis que la lampe charbonnait.
Dans le grand silence de la nuit déjl avancée^ on n'en-
tendait que le bruit de l'eau s'échappa/il de l'écluse. André
a* parlait tout haut, 1 lui-même. 11 s'en aperçut, plein da
confusion, et »e tut. Son coeur battait vite ; il entoura son
poignet gauche de la main droite et ses doigts sentirent le
pouls qui battait trè» fort. 11 s'assit, et, sa montre devant
lui sur la Labié, compta ses pulsations : il en compta quatre-
vingt-seize ; mal», loin de s'alarmer, il se dressa tout
Joyeux... Quelle» «ublilea explications cherchait-il i son
état I II avait un secè» de fièvre, simplement, comme il en
avait *u pendant ■a convalescence. De même qu* aa mala-
die expliquait l'iufluence inconsciente qu'avait exercée sur
lui Madeleine, de mémo sa fièvre expliquait u tristesse, lejl
Idée* qui se heurtaient dans sa tête, jusqu'à celte façon
presque démente dont il le parlait tout i l'heure. Un peu
de quinine, et ce serait fini. (A suivre.)