2- Année. — N- 274.' Tirage : 13C,G00 Exemplaires. Charleville, lo 7 Octobre 1916.
JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE
On s'abonne dans tous les bureaux de poste
DISCOURS
. DU CHANCELIER ALLEMAND
ononcé par M. von BETHMANN-HOLLWEG, à la séance du 23 septembre
AU REICHSTAG
Messieurs,
Dnns un de ses derniers discours, M. Brinnd dédirait que la France lutie pour une paix
solide el durable, capable de garantir contre toute atteinte lçs accords internationaux et la liberté
des- nation». Tel est aussi noire but I Nous voûtons protéger à jamais l'Alleitiag-ie contie toute
attaque. M. Briand oroit-il que les idées sur lesquelles s'est tait l'accord de nos adversaires avant
la guerre : la politique française de revanche, la soif de conquêtes russe, les
desseins anglais d'encerclement et d'hégémonie mondiale ; croit-il que
l'idéal de haine «t d'extermination; eroit-il que les projets de boycottage
que poursuit la politique des Alliés, non seulement pour la dnrée de la guerre,
mais encore pour une longue période après la conclusion fi» la paix; croit-il
que ces idées-la préparent le terrain a des accords internationaux et peuvent
seules garantir la dignité des nations, mise au service de la moralité *?
M. Briand peut-il estimer sérieusement qu'il atteindra un but élevé et idéal,
au • toyes d'une guerre d'extermination, au prix de cette jeunesse do France
qui jonche en ce moment les ohamps de bataille dévastés de la Somme ?
Messieurs, on a récemment fait revivre la vieille légende disant que S. Jl. l'Empereur
aurait, grâce à son influence i>ur le Tsar, entravé le développement de la Russie dans un sens
libéral. Cette affirmation — je tiens à le dire publiquement — est fausse
C'est le contraire qui est la stricte vérité ! Nous ne nous mêlons, d'ailleurs, pas des affaires
intérieures des autres pays. C'est l'affaire de la Russie de choisir son régime gouvernemental
comme elle l'entend : autoritaire ou constitutionnel. Je ne perdrai pas un mot à ce sujet. Je ne
représente que les intérêts allemands. En temps de paix, nous n'exigeons des autres puissances, ■
quel que soit le régime sous lequel elles vivent, que le respect du droit allemand et des intérêts
allemands. •
Parlons maintenant de l'Angleterre. De la part de butin qu'elle escompte, rte ce qu'elle veut
s'approprier du domaine colouial, elle n'a rien dit jusqu'à présent. En revanche, les Anglais ne
laissent subsister aucun doute sur ce qu'ils entendent faire de l'Allemagne.
Ce qu'ils visent, c'est une Allemagne militairement désarmée, économiquement écrasée
et boycottée par le monde entier,'couchée, dans son affaiblissement définitif, aiix pieds de l'An-
gleterre. Lorsque la concurrence allemande ne sera plus à craindre, que la France sera épuisée,
que tous les Alliés de l'Angleterre seront devenus ses serviteurs sur le terrain économique el li nan-
cier ; lorsque les ISeutres en Europe devront obéir à tous ses ordres et subir toutes ses listes
noires, il ne faudra plus qu'uue Allemagne impuissante puisse encore troubler son rêve d'hégé-
monie mondiale. Tel est le but de l'Angleterre'; o'est pour cela qu'elle fait un effort inouï dans
ion histoire, qu'elle recourt à tous les moyens, multipliant ses violations du Droit des gens.
L'Angleterre est devenue ainsi l'ennemi le plus égoïste, le plus opiniâtre, le plu6 acharné.
L'homme d'Etat qui hésiterait à user contre un tel ennemi de tous les moyens efficaces, pouvant
ibréger réellement la durée de la guerre, cet homme d'Elat mériterait d'être pendu !
Je vois que vous avez saisi dans mes paroles toute la réprobation et le mépris que m'ins-
pirent certaines insinuations, répandues sans cesse à nouveau, d'après lesquelles un incompréhen-
sible ménagement, un désir invétéré de conciliation, ou bien même d'autres raisons louches et
inavouables nous feraient hésiter à employer contre tout ennemi tous les moyens dont houB
pourrions user.
Je n'insisterai pas davantage ; l'heure est trop grave et l'oreille tendue d,e l'étranger guelte
chacune de nos paroles.
FEUILLETON DE LA .ailBTTb DBS A11DI.MNSS. t»
uTviCTOIRE
Par Paul jVCKER.
Minuit tonnèrent. H a* lev*, «t, mu bruit, pénétra (lins
U chambre de Madeleine. 11 tourna le boulon d'une lampe,
prèi du Ut. Couchée eux le coté droit, la tête lur le bras
rcuttd 1> tempe et l'oreille cachée» par aei cheveux défaits.
Madeleine donnait. Quelle tranquillité, tandis qu'il s'épou-
vantait 1 la oandide tranquillité d'un enfant, et dans cette
petite tête pourtant, qu'il eût écrasée facilement cuire ses
mains, une si dure volonté. 11 la contemplait, sans pouvoir
l'éloigner. D« quelle torture payait-îl ion inju»le méfiance
•t aea injurieuses théories I Modrleln? fit un mouvement et
soupira ■ U crut qu'elle se réveillait, mais elle continua de
dormk Safin André regagna sa chambre el le sommeil
l'abattit Quand U se réveilla, sa montre marquait cinq
heures. L'oreille tendue, il écouta : Madeleine dormait tou-
jours. H «ut un frémissement joyeux Eh bien, qu'elle
dormtt, qu'elle dormît ! ce n'était pus lui qui la rt* il! mit.
H ne Uendrait p«S sa promesse; il avait promu avant de
savoir ce qu'il promettait : une telle promesse ne valait rien.
Il fallait profiter de ce sommeil partir, et, dès l'aube, l'en-
voler. Dessein qui lui avait déjà traversé l'esprit, qu'il anit
d'abord nipoussé, et que, maintenant, tout fevoriaalt Medc-
lelne, peut-ftre, ne se réveillerait pas ; si elle se réveillait,
elle trouverait avec peine son chemin dans la nuit encore
«ombra, et elle arriverait trop tard.
Lentement, il quitta son lit, et, voilant la c
faible de sa lampe, il s'habilla, inquiet du mou»
que le silence augmentait, Sa chambre donnait sur
«t 11 ne la fermait jamais a clef ; ses souliers b lu
l'ouvrit ; ellw gémit, il l'arrêta : Madeleine avait dA
Le cœur battant, il demeura sur le seuil, puis il
dehors, descendit l'escalier en se soulevant sur la ra
moins peser sur lei marches, tira' le* verrous de In porte
Sur le perron, il mit ses souliers et respira... il avait la sen
aation accablée d'avoir accompli quelque chose de formi-
dable. La terre gelée était raboteuse, les étoiles pâles s'en
fonçaient dans le ciel. Il courut par le gazun des pelouse:
é déjà
hruit,
ptltei,
■ , tl
tendre.
■ |Um
: poi
jusqu'à la rue, insensible au froid qui perçait les vêlement*.
Un chien, furieux, abova,
- André courut plus vite jusqu'au pont. La, il ne courut
plus, main il avança d'un pus rapide, senant contre lui son
manteau. Il faisait encore nuit, mais une nuit que le jour
prochain commençait d'éclairer. André eut, d'ailleuib, par-
couru, les yeux clos, le chemin familier. Une sorte de gaieté
sauvage l'exaltait ; dans une heure, peut-être, U ac tuerait,
mais au moins il se tuerait seul.
Enfin, il poussa la bai libre du champ. Tout le champ
était blanc de givre. Vers l'ait, au dessin des formes vapo-
reuses qui bornaient l'horizon, de longues bandes perajlîlos
d'un gria Mlai détendaient dnni le ciel. Pncot sortit du
hangar.
— Dépèohons-nou», dit André.
U parlait à voix ba«se, comme si Madeleine avait pu
l'entendre.
—■ Et madame, demanda Pacot, à voix basse, lui aussi.
— Elle dort.
— Alors, elle ne vient pas,
— Non.
— Ah 1 tant mieux.
Des pas résonnèrent iur la route Pacot le raisurn.
— Ce lonl dei hommes du village, pour tenir l'appareil.
— Dépêchons-nous, reprit André.
On roula l'appareil dan« le champ.
— J'at tout vérité, dit Pacot. J'ai tout graissé, tout
huile .. Le déelic joue facilement.
André ee souciait bien de cela... il ne songeait qu'a par-
tir... U n'y avait plus d'étoiles, et l'ombre s amassait cani
le creux des chemins, «ulre le* aibrea. Impatient, André .
vu- - ■ ion chandail.
— Monsieur, dit Pacot, attende* encore un peu.
Il montrait le ciel rose, où un nimba d'or annonçait La
aoleil.
— Je verrai assez, répondit André.
Il nourit ion casque j soudain, une voix h alertante téé-
chiru l'air de ses appels aigu».
— André 1 André I
— Madeleine, murmure-t-il.
Etj aussitôt, il lança k Pacot anxicuï :
— Je monte ; tournez l'hélice.
II n'eut pas le temps ; déjà Madeleine était U... Réveillé*
par les aboiement! du chien, elle avait appelé* André) Il ne
Au mois d'août 1914, truand nous nous vîmes obligés à tirer r'épée, noua «avions tous qu$
nous aurions à détendre notre bien et fiotre vie contre une coalition formidable. Un amour de là
Patrie, d'une ardeur inconnue jusqu'alors et maintes fois réprimée en nous-mêmes, alluma
soudain dans nos cœurs sa flamme de vaillance et de foi victorieuse t
Aujourd'hui, après deux années de combats et de lutte, de souffrances et de mort, nous
savons mieux que jamais qu'il n'y a pour nous qu'une consigne : Unir et vaincre î
Et nous vaincrons !
Au commencement de l'hiver passé nous avions pu éprouver une certaine inquiétude, en
nous demandant si nos réserve s alimentaires suffiraient. Elles ont été suffisantes I
Aujourd'hui, une nouvelle et bonne récolte nous donne à cet égard beaucoup plu » de certi-
tude que l'année dernière. Je sais bien que, malgré tout, ce n'est pas l'abondance, et je connais
aussi les faiblesses et les défauts de notre organisation, mais j'espère qu'au cours de vos délibé-
rations, vous vous efforcerez de nous aider, en nous apportant des projets d'amélioration.
Je partage la confiance avec laquelle de nombreuses existences luttent pour leur entretien.
Je compatis au sort douloureux des soldats morts au champ d'honneur et des mutilés. Je m'in-
cline devant l'héroïsme avec lequel^tous, femmes et hommes, sans distinction de rang ni de
classe, portent leur part de sacrifices, tous unis dans l'amour saeré du pays qui abrite tous
leurs biens conquis par le travail et la lutte.
Tout cela est grand et noble, mais plus noble et plus grand eneore est le courage de no»
fils et de nos frères qui tiennent tête la-bas, jusqu'à la mort, aux assauts furieux d'un ennemi très
brave et supérieur en nombre et en munitions. Jamais, dans le passé, le genre humaiivn'a vu
pareille lutte. Tant d'héroïsme impose silence à notre douleur. Pas une plainte ne doit parvenir
là-bas à leurs oreilles : seule la gratitude, la chaleureuse gratitude de la Patrie, pour laquelle ils
versent leur sang, doit occuper leur esprit, tandis que tonnent autour d'eux les rafales de
l'infernale canonnade. I %
Serions-nous dignes d'eux si nous ne donnions pis tout, résolument, pour les aider à
vaincre ?1!n ce moment, le peuple allemand a une nouvelle occasion de montrer, en souscrivant
à notre emprunt de guerre, qu'il est capable de tous tes sacrifices, qu'il croit fermement à notre
victoire. J'ai la conviction que nous pouvons, à ce sujet, nous fier À nos a combattants de l'ar-
rière », que tout Allemand qui aime sa Patrie considérera comme un devoir d'honneur d'appuyer
par toutes ses ressources disponibles, le travail gigantesque de notre armée, afin de. hâter sa
victoire. Les dents serrées, mais la main large ouverte comme le cœur, nous voulons être, der-
rière nos braves dans l'uniforme gris, un seul homme et un seul peuple !
Jo termine, Messieurs. La guêtre est lu devant nous et il ne nous est pas encore permis d«
songer aux œuvres de la paix. Récemment, je lisais ces mots : « La maison brûle. Tout d'abord
éteignons le feu. A plus tard le souci de l'aménagement I » .
Cela est vrai, sans tloule. Tuulelois, cet incendie nous a montré, nous le constatons tous
les jouis avoc bonheur et émotion, sur quelles fondations solides et inébranlables notre maison
est construite. Qu'est-ce qui nous a mis à même de. soutenir victorieusement la lutte contre le
monde presque tout entier, sinon l'amour de la terre de nos pères, cet indestructible lien qui
unit tous tes fils, sinon l'impérissable force des bras et des cœurs, qui vit an fund de notre peuple
et qui surgit sans cesse dans un éternel renouveau I
li faudra que rien de ce qui nous permet de subir cette épreuve du feu ne nous manque
pendant la paix, que tout ce qui aura si merveilleusement tait ses preuves pendant la guerre con-
tinue à vivre et à agir encore, la paix revénue.
« Vn travail immense nous attend ! » Ainsi parla Frédéric le Grand, alors .que la Guerre de
Sept ans touchait à sa Un. Un travail immense, en effet, a été le résultat de tous les combats que,
depuis 150 ans, nous avons dû livrer pour notre'existence. Ce travail immense, qui fut notre
bonheur, devra l'être encore dans l'avenir. Les lâches formidables qui nous attendent sur tous les
terrains rie la vie nationale, sociale, économique et politique, réclament toutes les forces vives de
notre peuple.
C'est le devoir impérieux de l'Etat, un devoir qui s'imposera en dépit de toutes les entra-
ves, d'utiliser pour le bien général ces forces existantes, qui demandent à travailler et à
porter leurs fruits. La voie libre pour toutes les éneiyies! telle est la devise.
Le gouvernement la mettra en pratique sans restriction. Alors notre empire, solidement
fondé, — chaque pierre et chaque poutre y servant de soutien et de support — progressera vers
un sain avenir. Alors les énergies d*3 toutes les classes de la société eollaboreront volontiers et
avec joie aux œuvres de la paix, comme aujourd'hui nous les voyons unies pour la lutte sanglante!
lui avait pas répondu. A-l'instant, elle avait deviné, et le lit
défait de son mari ne lui avait rien appria, Sans se lamenter
ou s'indigner, elle s'était habillée, puis elle avait couru ven
le champ. La nuit claire la guidait. Une branche l'avait fait
tomber, elle s'était relevée puur courir encore ; à un tour-
nant obscur, tout près du champ, elle t'était jugée perdue.»
Alors, elle avait crié... Qu'au niuins André renlendtt et ne
parUl put Maintenant, tête nue, car elle n'avait pas de
chapeau, les cheveux épars, la jupe déchirée par sa chute,
les lèvre* tremblant», elle se dreliait devant André. Pacot,
remué de compassion, lui jeta sur les épaules un manteau.
Elle dit seulement, tandis que sa inoin réprimai) le< bat-
tements de so poitrine :
— Oh I c'est mal, c'est mal...
André répondit :
— Je ne veux pfc*. Tu dois comprendre... je l'en supplie.
Bouleversé, il n osait parlfirjïi agir en maître. *
— En tous cas, implorait*!!, pas aujourd hui... Pa« dani
Tétât oii tu es... Un autre jour... à lo fin de la semaine... Jo
te promet*.
Elle secoua la tète : •
— Tu m'as déjà piomis ; je ne te Croh plus.
Et fixant sur lui ses yeux profonds :
— Ne me rc|JOu«se pas,., je te porterai bonheur.
Ces quelque! mots ébranlèrent en lui ce que gnrdent
toujours de superstitieux les hommes le* plus leniciaiies,..
Peut-être, disait-elle vrai,..
— Pacot, mon chandail, mon casque, ordonna Made-
leine.
Le* paysans la contemplaient, stupéfuits.
C'était la destiné* ; fataliste, Andié l'accepta. Le ruse du
eicl se changent.en vert, le bleu du zénith appiuaissait,
l'horizon s« dorait, et cet or, ce vert, ce bleu, «e fondaient
peu à peu l'un dans l'autr* BU une infinité Je nuance* que
répétaient sur la terre les herbes givrée*. Un \ent froid
•ouiba les aulueg du cnnal.
— Bh bien I dit André, puisque, tu le veux...
Il grimpa sur le siège ; Madeleine se hisil à coté de lui.
— Tiens-toi au hauban, «t passe ton bias derrière mçji.
Pacot tournait L'hélice ; les paysan*, plié* en deux, s'ac-
crochaient & l'ap[iar*il.
— Lâchez tout I cria André.
Quduue* instants s'écoulèrent ; le moteur loiiflait, et
l^appcrefl, comme attaché au sol, frémissait. Tout d'un
ooup, il partit, roula, et s'éleva dans le ciel où frissonnaient
le* premiers rayons de lumière. Le vent de 1a (ourse avait
ployé Madeleine en arrière ; la main cri«pée sur b hautift,
elle s'orc-houtait, les lèvres gênés, contre l'air glacé. EUa
•ne voyait rien, ni Ici arbres, où glissait le soleil naissant] ris4>
le* étangs gelés, ni les pâtures rousses du maraii, avec le*
squelettes grêles de* roseaux ; elle ne voyait que le volant
où se nouaient les majni de son mari. A un moment, une de
•es mains, la droite, devait quitter le volant, oppujer fut la
déclic... Les mains ne bougeaient pas. Depuis combien da
temps étaient-ils dans le ciel P 11 lui semblait qu'il y avait
des minute* et des minutes. Ce fut lo jour enfin. La cloche
d'une église tinta ; des corbeaux croassants tournoyaient
vers la plaine. L'appareil marchait con're le v< rit. Madeleine
leva le* yeux vers bon mari , il regardait droit J vantiui,
ses lunettes haussées sur le front. Sa main droite qu (la la
volant, hésita, le ressaisit, le quitta encore,
— Va, va, cria-t-elle, je te porte bonheur.
La main appuya sur le déclic et l'appareil o*< illa.
— Madeleine, murmuré Andié.
C'était I* mort qu'il avait prévue, sa mort i\ L-lle, dont il
serait le seul auteur, puisqu'il n'nvait pai eu la force de lui
résister. Et elle, aussi, elle comprit qu • c'était la mort, mais,
puisqu'elle mourait avec lui, elle nsfla redoutait pis,
— Je t'aime, je t'aime, dit Mail. !. ■_,
André devina celte voix plu* qu'il ne l'enicndtt, Mt
ma'n, de nouveau, loucha le décile, puis le levier. Et sou-
dain, un flot de sang se précipita dans ses veine*. Les aile»
s'étaient sp-ramiies ; l'hélice n'exerçai! plus qu'une trac-
t.' n verliuile.'la vitesse diminuait peu k peu : laéroplao*)
n'a' ^noiit plus cl volait sur place ; muet, André l'éi-outait,
dans Pimmcnyté, au-dessus du moteur trépidant, vivre, de
oeil* vio su»pemlue.
— Andié, André....
Combien clic était faible, cette voix, mais de quall*
passion triomphante elle i-lait chargéc-J André ne bougea
pas, il ne dit rieu ; une frêle vie, la vie la plus chère, la v{o
de Madeleine, reposait entre ses mains, et il voulait, de
toutes ses forces exaspérée*, la protéger ; mais une iinmeni>
tendresse gonflait son cœur. C'était Madeleine miment c{ut
lui donnait le ciel, et sa victoiie, c'était la victoire de
l'amour. Immobile, iu-de**us de* champs et des manfi*
baignés paHe soleil, 11 planait, seul oiseau dans le cl*l.
FIN.
JOURNAL DES PAYS OCCUPÉS PARAISSANT QUATRE POIS PAR SEMAINE
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DISCOURS
. DU CHANCELIER ALLEMAND
ononcé par M. von BETHMANN-HOLLWEG, à la séance du 23 septembre
AU REICHSTAG
Messieurs,
Dnns un de ses derniers discours, M. Brinnd dédirait que la France lutie pour une paix
solide el durable, capable de garantir contre toute atteinte lçs accords internationaux et la liberté
des- nation». Tel est aussi noire but I Nous voûtons protéger à jamais l'Alleitiag-ie contie toute
attaque. M. Briand oroit-il que les idées sur lesquelles s'est tait l'accord de nos adversaires avant
la guerre : la politique française de revanche, la soif de conquêtes russe, les
desseins anglais d'encerclement et d'hégémonie mondiale ; croit-il que
l'idéal de haine «t d'extermination; eroit-il que les projets de boycottage
que poursuit la politique des Alliés, non seulement pour la dnrée de la guerre,
mais encore pour une longue période après la conclusion fi» la paix; croit-il
que ces idées-la préparent le terrain a des accords internationaux et peuvent
seules garantir la dignité des nations, mise au service de la moralité *?
M. Briand peut-il estimer sérieusement qu'il atteindra un but élevé et idéal,
au • toyes d'une guerre d'extermination, au prix de cette jeunesse do France
qui jonche en ce moment les ohamps de bataille dévastés de la Somme ?
Messieurs, on a récemment fait revivre la vieille légende disant que S. Jl. l'Empereur
aurait, grâce à son influence i>ur le Tsar, entravé le développement de la Russie dans un sens
libéral. Cette affirmation — je tiens à le dire publiquement — est fausse
C'est le contraire qui est la stricte vérité ! Nous ne nous mêlons, d'ailleurs, pas des affaires
intérieures des autres pays. C'est l'affaire de la Russie de choisir son régime gouvernemental
comme elle l'entend : autoritaire ou constitutionnel. Je ne perdrai pas un mot à ce sujet. Je ne
représente que les intérêts allemands. En temps de paix, nous n'exigeons des autres puissances, ■
quel que soit le régime sous lequel elles vivent, que le respect du droit allemand et des intérêts
allemands. •
Parlons maintenant de l'Angleterre. De la part de butin qu'elle escompte, rte ce qu'elle veut
s'approprier du domaine colouial, elle n'a rien dit jusqu'à présent. En revanche, les Anglais ne
laissent subsister aucun doute sur ce qu'ils entendent faire de l'Allemagne.
Ce qu'ils visent, c'est une Allemagne militairement désarmée, économiquement écrasée
et boycottée par le monde entier,'couchée, dans son affaiblissement définitif, aiix pieds de l'An-
gleterre. Lorsque la concurrence allemande ne sera plus à craindre, que la France sera épuisée,
que tous les Alliés de l'Angleterre seront devenus ses serviteurs sur le terrain économique el li nan-
cier ; lorsque les ISeutres en Europe devront obéir à tous ses ordres et subir toutes ses listes
noires, il ne faudra plus qu'uue Allemagne impuissante puisse encore troubler son rêve d'hégé-
monie mondiale. Tel est le but de l'Angleterre'; o'est pour cela qu'elle fait un effort inouï dans
ion histoire, qu'elle recourt à tous les moyens, multipliant ses violations du Droit des gens.
L'Angleterre est devenue ainsi l'ennemi le plus égoïste, le plus opiniâtre, le plu6 acharné.
L'homme d'Etat qui hésiterait à user contre un tel ennemi de tous les moyens efficaces, pouvant
ibréger réellement la durée de la guerre, cet homme d'Elat mériterait d'être pendu !
Je vois que vous avez saisi dans mes paroles toute la réprobation et le mépris que m'ins-
pirent certaines insinuations, répandues sans cesse à nouveau, d'après lesquelles un incompréhen-
sible ménagement, un désir invétéré de conciliation, ou bien même d'autres raisons louches et
inavouables nous feraient hésiter à employer contre tout ennemi tous les moyens dont houB
pourrions user.
Je n'insisterai pas davantage ; l'heure est trop grave et l'oreille tendue d,e l'étranger guelte
chacune de nos paroles.
FEUILLETON DE LA .ailBTTb DBS A11DI.MNSS. t»
uTviCTOIRE
Par Paul jVCKER.
Minuit tonnèrent. H a* lev*, «t, mu bruit, pénétra (lins
U chambre de Madeleine. 11 tourna le boulon d'une lampe,
prèi du Ut. Couchée eux le coté droit, la tête lur le bras
rcuttd 1> tempe et l'oreille cachée» par aei cheveux défaits.
Madeleine donnait. Quelle tranquillité, tandis qu'il s'épou-
vantait 1 la oandide tranquillité d'un enfant, et dans cette
petite tête pourtant, qu'il eût écrasée facilement cuire ses
mains, une si dure volonté. 11 la contemplait, sans pouvoir
l'éloigner. D« quelle torture payait-îl ion inju»le méfiance
•t aea injurieuses théories I Modrleln? fit un mouvement et
soupira ■ U crut qu'elle se réveillait, mais elle continua de
dormk Safin André regagna sa chambre el le sommeil
l'abattit Quand U se réveilla, sa montre marquait cinq
heures. L'oreille tendue, il écouta : Madeleine dormait tou-
jours. H «ut un frémissement joyeux Eh bien, qu'elle
dormtt, qu'elle dormît ! ce n'était pus lui qui la rt* il! mit.
H ne Uendrait p«S sa promesse; il avait promu avant de
savoir ce qu'il promettait : une telle promesse ne valait rien.
Il fallait profiter de ce sommeil partir, et, dès l'aube, l'en-
voler. Dessein qui lui avait déjà traversé l'esprit, qu'il anit
d'abord nipoussé, et que, maintenant, tout fevoriaalt Medc-
lelne, peut-ftre, ne se réveillerait pas ; si elle se réveillait,
elle trouverait avec peine son chemin dans la nuit encore
«ombra, et elle arriverait trop tard.
Lentement, il quitta son lit, et, voilant la c
faible de sa lampe, il s'habilla, inquiet du mou»
que le silence augmentait, Sa chambre donnait sur
«t 11 ne la fermait jamais a clef ; ses souliers b lu
l'ouvrit ; ellw gémit, il l'arrêta : Madeleine avait dA
Le cœur battant, il demeura sur le seuil, puis il
dehors, descendit l'escalier en se soulevant sur la ra
moins peser sur lei marches, tira' le* verrous de In porte
Sur le perron, il mit ses souliers et respira... il avait la sen
aation accablée d'avoir accompli quelque chose de formi-
dable. La terre gelée était raboteuse, les étoiles pâles s'en
fonçaient dans le ciel. Il courut par le gazun des pelouse:
é déjà
hruit,
ptltei,
■ , tl
tendre.
■ |Um
: poi
jusqu'à la rue, insensible au froid qui perçait les vêlement*.
Un chien, furieux, abova,
- André courut plus vite jusqu'au pont. La, il ne courut
plus, main il avança d'un pus rapide, senant contre lui son
manteau. Il faisait encore nuit, mais une nuit que le jour
prochain commençait d'éclairer. André eut, d'ailleuib, par-
couru, les yeux clos, le chemin familier. Une sorte de gaieté
sauvage l'exaltait ; dans une heure, peut-être, U ac tuerait,
mais au moins il se tuerait seul.
Enfin, il poussa la bai libre du champ. Tout le champ
était blanc de givre. Vers l'ait, au dessin des formes vapo-
reuses qui bornaient l'horizon, de longues bandes perajlîlos
d'un gria Mlai détendaient dnni le ciel. Pncot sortit du
hangar.
— Dépèohons-nou», dit André.
U parlait à voix ba«se, comme si Madeleine avait pu
l'entendre.
—■ Et madame, demanda Pacot, à voix basse, lui aussi.
— Elle dort.
— Alors, elle ne vient pas,
— Non.
— Ah 1 tant mieux.
Des pas résonnèrent iur la route Pacot le raisurn.
— Ce lonl dei hommes du village, pour tenir l'appareil.
— Dépêchons-nous, reprit André.
On roula l'appareil dan« le champ.
— J'at tout vérité, dit Pacot. J'ai tout graissé, tout
huile .. Le déelic joue facilement.
André ee souciait bien de cela... il ne songeait qu'a par-
tir... U n'y avait plus d'étoiles, et l'ombre s amassait cani
le creux des chemins, «ulre le* aibrea. Impatient, André .
vu- - ■ ion chandail.
— Monsieur, dit Pacot, attende* encore un peu.
Il montrait le ciel rose, où un nimba d'or annonçait La
aoleil.
— Je verrai assez, répondit André.
Il nourit ion casque j soudain, une voix h alertante téé-
chiru l'air de ses appels aigu».
— André 1 André I
— Madeleine, murmure-t-il.
Etj aussitôt, il lança k Pacot anxicuï :
— Je monte ; tournez l'hélice.
II n'eut pas le temps ; déjà Madeleine était U... Réveillé*
par les aboiement! du chien, elle avait appelé* André) Il ne
Au mois d'août 1914, truand nous nous vîmes obligés à tirer r'épée, noua «avions tous qu$
nous aurions à détendre notre bien et fiotre vie contre une coalition formidable. Un amour de là
Patrie, d'une ardeur inconnue jusqu'alors et maintes fois réprimée en nous-mêmes, alluma
soudain dans nos cœurs sa flamme de vaillance et de foi victorieuse t
Aujourd'hui, après deux années de combats et de lutte, de souffrances et de mort, nous
savons mieux que jamais qu'il n'y a pour nous qu'une consigne : Unir et vaincre î
Et nous vaincrons !
Au commencement de l'hiver passé nous avions pu éprouver une certaine inquiétude, en
nous demandant si nos réserve s alimentaires suffiraient. Elles ont été suffisantes I
Aujourd'hui, une nouvelle et bonne récolte nous donne à cet égard beaucoup plu » de certi-
tude que l'année dernière. Je sais bien que, malgré tout, ce n'est pas l'abondance, et je connais
aussi les faiblesses et les défauts de notre organisation, mais j'espère qu'au cours de vos délibé-
rations, vous vous efforcerez de nous aider, en nous apportant des projets d'amélioration.
Je partage la confiance avec laquelle de nombreuses existences luttent pour leur entretien.
Je compatis au sort douloureux des soldats morts au champ d'honneur et des mutilés. Je m'in-
cline devant l'héroïsme avec lequel^tous, femmes et hommes, sans distinction de rang ni de
classe, portent leur part de sacrifices, tous unis dans l'amour saeré du pays qui abrite tous
leurs biens conquis par le travail et la lutte.
Tout cela est grand et noble, mais plus noble et plus grand eneore est le courage de no»
fils et de nos frères qui tiennent tête la-bas, jusqu'à la mort, aux assauts furieux d'un ennemi très
brave et supérieur en nombre et en munitions. Jamais, dans le passé, le genre humaiivn'a vu
pareille lutte. Tant d'héroïsme impose silence à notre douleur. Pas une plainte ne doit parvenir
là-bas à leurs oreilles : seule la gratitude, la chaleureuse gratitude de la Patrie, pour laquelle ils
versent leur sang, doit occuper leur esprit, tandis que tonnent autour d'eux les rafales de
l'infernale canonnade. I %
Serions-nous dignes d'eux si nous ne donnions pis tout, résolument, pour les aider à
vaincre ?1!n ce moment, le peuple allemand a une nouvelle occasion de montrer, en souscrivant
à notre emprunt de guerre, qu'il est capable de tous tes sacrifices, qu'il croit fermement à notre
victoire. J'ai la conviction que nous pouvons, à ce sujet, nous fier À nos a combattants de l'ar-
rière », que tout Allemand qui aime sa Patrie considérera comme un devoir d'honneur d'appuyer
par toutes ses ressources disponibles, le travail gigantesque de notre armée, afin de. hâter sa
victoire. Les dents serrées, mais la main large ouverte comme le cœur, nous voulons être, der-
rière nos braves dans l'uniforme gris, un seul homme et un seul peuple !
Jo termine, Messieurs. La guêtre est lu devant nous et il ne nous est pas encore permis d«
songer aux œuvres de la paix. Récemment, je lisais ces mots : « La maison brûle. Tout d'abord
éteignons le feu. A plus tard le souci de l'aménagement I » .
Cela est vrai, sans tloule. Tuulelois, cet incendie nous a montré, nous le constatons tous
les jouis avoc bonheur et émotion, sur quelles fondations solides et inébranlables notre maison
est construite. Qu'est-ce qui nous a mis à même de. soutenir victorieusement la lutte contre le
monde presque tout entier, sinon l'amour de la terre de nos pères, cet indestructible lien qui
unit tous tes fils, sinon l'impérissable force des bras et des cœurs, qui vit an fund de notre peuple
et qui surgit sans cesse dans un éternel renouveau I
li faudra que rien de ce qui nous permet de subir cette épreuve du feu ne nous manque
pendant la paix, que tout ce qui aura si merveilleusement tait ses preuves pendant la guerre con-
tinue à vivre et à agir encore, la paix revénue.
« Vn travail immense nous attend ! » Ainsi parla Frédéric le Grand, alors .que la Guerre de
Sept ans touchait à sa Un. Un travail immense, en effet, a été le résultat de tous les combats que,
depuis 150 ans, nous avons dû livrer pour notre'existence. Ce travail immense, qui fut notre
bonheur, devra l'être encore dans l'avenir. Les lâches formidables qui nous attendent sur tous les
terrains rie la vie nationale, sociale, économique et politique, réclament toutes les forces vives de
notre peuple.
C'est le devoir impérieux de l'Etat, un devoir qui s'imposera en dépit de toutes les entra-
ves, d'utiliser pour le bien général ces forces existantes, qui demandent à travailler et à
porter leurs fruits. La voie libre pour toutes les éneiyies! telle est la devise.
Le gouvernement la mettra en pratique sans restriction. Alors notre empire, solidement
fondé, — chaque pierre et chaque poutre y servant de soutien et de support — progressera vers
un sain avenir. Alors les énergies d*3 toutes les classes de la société eollaboreront volontiers et
avec joie aux œuvres de la paix, comme aujourd'hui nous les voyons unies pour la lutte sanglante!
lui avait pas répondu. A-l'instant, elle avait deviné, et le lit
défait de son mari ne lui avait rien appria, Sans se lamenter
ou s'indigner, elle s'était habillée, puis elle avait couru ven
le champ. La nuit claire la guidait. Une branche l'avait fait
tomber, elle s'était relevée puur courir encore ; à un tour-
nant obscur, tout près du champ, elle t'était jugée perdue.»
Alors, elle avait crié... Qu'au niuins André renlendtt et ne
parUl put Maintenant, tête nue, car elle n'avait pas de
chapeau, les cheveux épars, la jupe déchirée par sa chute,
les lèvre* tremblant», elle se dreliait devant André. Pacot,
remué de compassion, lui jeta sur les épaules un manteau.
Elle dit seulement, tandis que sa inoin réprimai) le< bat-
tements de so poitrine :
— Oh I c'est mal, c'est mal...
André répondit :
— Je ne veux pfc*. Tu dois comprendre... je l'en supplie.
Bouleversé, il n osait parlfirjïi agir en maître. *
— En tous cas, implorait*!!, pas aujourd hui... Pa« dani
Tétât oii tu es... Un autre jour... à lo fin de la semaine... Jo
te promet*.
Elle secoua la tète : •
— Tu m'as déjà piomis ; je ne te Croh plus.
Et fixant sur lui ses yeux profonds :
— Ne me rc|JOu«se pas,., je te porterai bonheur.
Ces quelque! mots ébranlèrent en lui ce que gnrdent
toujours de superstitieux les hommes le* plus leniciaiies,..
Peut-être, disait-elle vrai,..
— Pacot, mon chandail, mon casque, ordonna Made-
leine.
Le* paysans la contemplaient, stupéfuits.
C'était la destiné* ; fataliste, Andié l'accepta. Le ruse du
eicl se changent.en vert, le bleu du zénith appiuaissait,
l'horizon s« dorait, et cet or, ce vert, ce bleu, «e fondaient
peu à peu l'un dans l'autr* BU une infinité Je nuance* que
répétaient sur la terre les herbes givrée*. Un \ent froid
•ouiba les aulueg du cnnal.
— Bh bien I dit André, puisque, tu le veux...
Il grimpa sur le siège ; Madeleine se hisil à coté de lui.
— Tiens-toi au hauban, «t passe ton bias derrière mçji.
Pacot tournait L'hélice ; les paysan*, plié* en deux, s'ac-
crochaient & l'ap[iar*il.
— Lâchez tout I cria André.
Quduue* instants s'écoulèrent ; le moteur loiiflait, et
l^appcrefl, comme attaché au sol, frémissait. Tout d'un
ooup, il partit, roula, et s'éleva dans le ciel où frissonnaient
le* premiers rayons de lumière. Le vent de 1a (ourse avait
ployé Madeleine en arrière ; la main cri«pée sur b hautift,
elle s'orc-houtait, les lèvres gênés, contre l'air glacé. EUa
•ne voyait rien, ni Ici arbres, où glissait le soleil naissant] ris4>
le* étangs gelés, ni les pâtures rousses du maraii, avec le*
squelettes grêles de* roseaux ; elle ne voyait que le volant
où se nouaient les majni de son mari. A un moment, une de
•es mains, la droite, devait quitter le volant, oppujer fut la
déclic... Les mains ne bougeaient pas. Depuis combien da
temps étaient-ils dans le ciel P 11 lui semblait qu'il y avait
des minute* et des minutes. Ce fut lo jour enfin. La cloche
d'une église tinta ; des corbeaux croassants tournoyaient
vers la plaine. L'appareil marchait con're le v< rit. Madeleine
leva le* yeux vers bon mari , il regardait droit J vantiui,
ses lunettes haussées sur le front. Sa main droite qu (la la
volant, hésita, le ressaisit, le quitta encore,
— Va, va, cria-t-elle, je te porte bonheur.
La main appuya sur le déclic et l'appareil o*< illa.
— Madeleine, murmuré Andié.
C'était I* mort qu'il avait prévue, sa mort i\ L-lle, dont il
serait le seul auteur, puisqu'il n'nvait pai eu la force de lui
résister. Et elle, aussi, elle comprit qu • c'était la mort, mais,
puisqu'elle mourait avec lui, elle nsfla redoutait pis,
— Je t'aime, je t'aime, dit Mail. !. ■_,
André devina celte voix plu* qu'il ne l'enicndtt, Mt
ma'n, de nouveau, loucha le décile, puis le levier. Et sou-
dain, un flot de sang se précipita dans ses veine*. Les aile»
s'étaient sp-ramiies ; l'hélice n'exerçai! plus qu'une trac-
t.' n verliuile.'la vitesse diminuait peu k peu : laéroplao*)
n'a' ^noiit plus cl volait sur place ; muet, André l'éi-outait,
dans Pimmcnyté, au-dessus du moteur trépidant, vivre, de
oeil* vio su»pemlue.
— Andié, André....
Combien clic était faible, cette voix, mais de quall*
passion triomphante elle i-lait chargéc-J André ne bougea
pas, il ne dit rieu ; une frêle vie, la vie la plus chère, la v{o
de Madeleine, reposait entre ses mains, et il voulait, de
toutes ses forces exaspérée*, la protéger ; mais une iinmeni>
tendresse gonflait son cœur. C'était Madeleine miment c{ut
lui donnait le ciel, et sa victoiie, c'était la victoire de
l'amour. Immobile, iu-de**us de* champs et des manfi*
baignés paHe soleil, 11 planait, seul oiseau dans le cl*l.
FIN.