LES ANTICHITA ROMANE. — LA MAGNIFICENZA.
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ranesi, près de San Marcello, que paraît la première édition des Car-
ceri (1745) \ l’extraordinaire série de quatorze planches où l’artiste
développe le thème indiqué dans la « carcere oscura » de la Prima
Parte et déploie toutes les sombres magnificences de ses dons de
peintre sollicité par l’âpreté de l’eau-forte. Il est à peu près impossible
de reconstituer l’histoire de cette première édition d’un ouvrage qui,
entre tous ceux de Piranesi, restera peut-être le plus cher à l’imagi-
nation des hommes du dix-neuvième siècle, fictions saisissantes où
s’exprime audacieusement un génie personnel et complet. Le frontis-
pice ne porte pas de nom d’auteur, mais seulement celui du libraire.
Le mot a caprices » gravé sur le titre indique peut-être le caractère
récent d’une influence tiépolesque, de même que la composition et la
manière de certaines planches. Mais il semble d’autre part qu’une
longue suite d’années se soient écoulées entre la sage esquisse de
« carcere oscura » et les Carceri proprement dites... Le même libraire,
dont le nom paraît ici défiguré et zézayé à la vénitienne, « Giovanna
Buzard », publie pendant toute cette période la plupart des œuvres de
Piranesi, et le fait collaborer à des recueils auxquels sa signature
prête de l’autorité. C’est ainsi que les Vedute dette ville e d' altri
luoghi délia Toscana, parues chez le frère de Jean, Joseph Bouchard,
comptent l’artiste au nombre de leurs graveurs, en même temps que
Jean-Sébastien Müller, Giuseppe Zucchi, d’autres encore.
Physionomie intéressante et trop peu connue que celle de ce libraire,
associé plus tard à l’un de ses confrères, Gravier, français comme lui,
tous deux éditeurs de nombreuses publications artistiques et archéo-
logiques de ce temps. Nous aurons l’occasion de reparler de l’un et de
l’autre et de montrer comment ils contribuèrent à établir et à déve-
lopper la clientèle européenne de Piranesi. Quels étaient les rapports
commerciaux de l’éditeur Bouchard et de la tipografia Piranesi? C’est
ce qu’il est assez difficile de déterminer. Il est probable que l’artiste
imprimait ses planches et les vendait séparément à l’occasion, mais
qu’il avait aussi des dépôts chez les principaux marchands de Rome.
Quant à ses ouvrages proprement dits, j’entends ceux qui compor-
taient un texte, il les confiait à des libraires mieux outillés que lui
1. Invenzioni capric. di carceri ail’acqua forte date in luce da Giovanni Buzard, Borna,
mercante al Corso, s. d. (texte du premier état du frontispice).
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ranesi, près de San Marcello, que paraît la première édition des Car-
ceri (1745) \ l’extraordinaire série de quatorze planches où l’artiste
développe le thème indiqué dans la « carcere oscura » de la Prima
Parte et déploie toutes les sombres magnificences de ses dons de
peintre sollicité par l’âpreté de l’eau-forte. Il est à peu près impossible
de reconstituer l’histoire de cette première édition d’un ouvrage qui,
entre tous ceux de Piranesi, restera peut-être le plus cher à l’imagi-
nation des hommes du dix-neuvième siècle, fictions saisissantes où
s’exprime audacieusement un génie personnel et complet. Le frontis-
pice ne porte pas de nom d’auteur, mais seulement celui du libraire.
Le mot a caprices » gravé sur le titre indique peut-être le caractère
récent d’une influence tiépolesque, de même que la composition et la
manière de certaines planches. Mais il semble d’autre part qu’une
longue suite d’années se soient écoulées entre la sage esquisse de
« carcere oscura » et les Carceri proprement dites... Le même libraire,
dont le nom paraît ici défiguré et zézayé à la vénitienne, « Giovanna
Buzard », publie pendant toute cette période la plupart des œuvres de
Piranesi, et le fait collaborer à des recueils auxquels sa signature
prête de l’autorité. C’est ainsi que les Vedute dette ville e d' altri
luoghi délia Toscana, parues chez le frère de Jean, Joseph Bouchard,
comptent l’artiste au nombre de leurs graveurs, en même temps que
Jean-Sébastien Müller, Giuseppe Zucchi, d’autres encore.
Physionomie intéressante et trop peu connue que celle de ce libraire,
associé plus tard à l’un de ses confrères, Gravier, français comme lui,
tous deux éditeurs de nombreuses publications artistiques et archéo-
logiques de ce temps. Nous aurons l’occasion de reparler de l’un et de
l’autre et de montrer comment ils contribuèrent à établir et à déve-
lopper la clientèle européenne de Piranesi. Quels étaient les rapports
commerciaux de l’éditeur Bouchard et de la tipografia Piranesi? C’est
ce qu’il est assez difficile de déterminer. Il est probable que l’artiste
imprimait ses planches et les vendait séparément à l’occasion, mais
qu’il avait aussi des dépôts chez les principaux marchands de Rome.
Quant à ses ouvrages proprement dits, j’entends ceux qui compor-
taient un texte, il les confiait à des libraires mieux outillés que lui
1. Invenzioni capric. di carceri ail’acqua forte date in luce da Giovanni Buzard, Borna,
mercante al Corso, s. d. (texte du premier état du frontispice).