Gazette archéologique: revue des Musées Nationaux (10.1885)

2S66 CHRONIQUE.

sente un personnage à cheveux courts et à
barbe longue, debout, en marche, vêtu
seulement d’un manteau dont il relève le
pan, comme pour monter des degrés; il
tient de la main gauche une lyre dont le
corps est formé par une écaille de tortue.
M. Ravaisson annonce en même temps
qu’on peut voir au Louvre, depuis quelques
jours, de beaux bronzes de la collection
Gréau , acquis au moyen d’un crédit extra-
ordinaire voté par les Chambres. Plusieurs
de ces bronzes appartiennent aux meilleurs
temps de l’art grec.

M. Dieulafoy rend compte des fouilles
exécutées à Suse, pendant les premiers
mois de cette année pour le compte du
gouvernement français. L’expédition char-
gée de ces fouilles comprenait : M. Dieula-
foy, chef de la mission ; Mme Dieulafoy ;
M. Babin, ingénieur des ponts et chaus-
sées, et M. Houssaye, docteur ès-sciences,
préparateur à l’Ecole normale supérieure.
Le tumulus de Suse, montagne artificielle
de 25 à 38 mètres de hauteur et d’environ
100 hectares de superficie, n’avait encore
été exploré qu’une fois, en 1851, par
sir Kenneth Loftus , qui y découvrit le
palais et la célèbre inscription d’Artaxercès
Mnérnon. L’expédition dirigée par M. Dieu-
lafoy , continuant les découvertes de Lof-
tus, a mis au jour les objets suivants :

1° Un chapiteau bicéphale, de près de
4 mètres de longueur, analogue aux cha-
piteaux persépolitains ; malgré la dimen-
sion de ce morceau, on espère pouvoir
le rapporter en France et le placer au
Louvre ;

2° Une partie du couronnement des
pylônes placés au devant du palais d’Ar-
taxerxès ; ce couronnement se composait
d’une frise de faïence de 4 m 50 de hau-
teur, dont les fragments ont été retrouvés
dispersés à plus de 4 m 50 au dessous du
niveau du sol ; Mme Dieulafoy dessinait et
numérotait sur place les fragments à
mesure qu’ils sortaient de terre, et les fai-
sait transporter sous des tentes où elle les
remontait et les cataloguait avant qu’ils
fussent emballés ; grâce à ces soins minu-
tieux, la frise pourra être reconstruite sur
une longueur de 10 mètres;

3° Deux fragments de rampe de faïence,

de l’époque élamique, curieux spécimens
du plus ancien art susien, dont la décou-
verte est due à Mme Dieulafoy ;

4° Des fragments de bas-reliefs de
brique émaillée qui représentent des per-
sonnages noirs, revêtus d’insignes royaux
(peaux de tigre, riches vêtements où est
figurée la citadelle de Suse, bracelets,
grande canne), en sorte qu’on est conduit
à se demander si la dynastie qui a précédé
celle des Achéménides aurait été de race
éthiopienne ;

5° Divers ustensiles d’ivoire, de verre,
de bronze, de terre (mais pas une parcelle
d’or ou d’argent);

6° Un grand nombre de cachets élamites
et achéménides, notamment un cachet
d’opale qui paraît avoir appartenu àXerxès
ou Artaxerxès Ier;

7° Une série de briques et de stèles avec
des inscriptions;

8° Les deux tiers d’une des tours qui
défendaient l’entrée du palais. Elle se rat-
tachait à un système de fortifications très
complet et très savant.

Dans la prochaine campagne, M. Dieu-
lafoy espère terminer le déblaiement des
ouvrages fortifiés de la porte et pénétrer
dans le palais élamite. Mais plus on avan-
cera, plus les travaux seront lents et diffi-
ciles.

Séance du 17 Juillet 1885.

M. Léon Heuzey communique, de la
part de MM. le colonel Gazan et le doc-
teur Mougins de Roquefort, qui s’occupent
depuis de longues années avec le zèle le
plus louable à recueillir et à publier les
monuments anciens de la région d'Antibes,
l’estampage d’une inscription latine trou-
vée en cette ville en 1883, dans le quartier
dit le Prugnon, au fond d’un ruisseau, et
publiée dans le Bulletin monumental.
Cette inscription est ainsi conçue :

.CFCARINA

.INICASACER

.AETHVCOLIS

.AMENTO.F.I.

« [? Julia] Gaii filia Carina [flam] inica
sacer[dos].testamento fieri jussit. »