LES G U Y P.
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vanneau qu’il vient de tuer, ainsi qu’un domestique et un gros chien.
Comme fond, sous un ciel gris semé de légers nuages, une prairie
qui s’étend à perte de vue, et, au loin, une ferme et des moulins à
vent. Des moutons et des vaches, d’une exécution très finie, animent
la campagne et, au premier plan, parmi les gazons décolorés, s’élèvent
des touffes de plantains et de bardanes, sous lesquelles une grenouille
est tapie. La composition est un peu gauche; le travail pénible et
minutieux atteste un évident désir de bien faire et l’œuvre, en
somme, est intéressante par la conscience scrupuleuse de l’étude et
l’individualité très marquée des physionomies. Le Musée de Cologne,
le Staedel’s-Institut de Francfort, l’Académie des Beaux-Arts de
Vienne et le Ryksmuseum — celui-ci avec la date de 1651, la der-
nière que nous connaissions sur les œuvres du maître — possèdent
également des portraits de Jacob Gerritsz, et'un portrait du médecin
et bourgmestre de Dordrecht, Jan van Beverwyck, peint par lui en
1643, nous est également connu par la gravure de S. Savery. Mais
deux remarquables portraits du Musée de Metz, qui portent avec la
date 1649 une belle et loyale signature, nous paraissent ses meil-
leurs ouvrages. C’est un bon ménage hollandais; la femme, peu
séduisante, mais admirablement peinte, avec son visage vermeil
encadré par une cornette blanche et une large collerette aux tuyaux
régulièrement juxtaposés; le mari, plein de santé et vigoureux
malgré ses 63 ans, respirant la force et le contentement. Tous deux,
vêtus de noir, sont peints en pleine lumière, avec une grande fermeté
et en même temps une grande souplesse d’exécution. Les carna-
tions très franches ont conservé un éclat singulier et le modelé
indiqué dans une pâte généreuse, montre autant de sûreté que de
délicatesse. Malgré la simplicité des types et des costumes, ils ont
tout à fait grand air, ces bons vieux, et dans ces excellents spécimens
de son talent, Gerritsz Cuyp se montre ici presque l’égal de Th. de
Keyser. Les analogies qu’il offre avec lui ont même plus d’une fois
prêté à des confusions. C’est ainsi que par une interversion qu’il
est permis de trouver honorable pour tous deux, M. Bredius a pensé
qu’il convenait de changer les anciennes attributions de deux por-
traits de famille du Ryksmuseum, en restituant à Cuyp celui que
le catalogue désignait autrefois comme étant de Th. de Keyser et
réciproquement.
En présence d’œuvres de cette valeur, on comprend la réputation
que le peintre s’était acquise. L’estime qu’avaient pour lui ses con-
citoyens nous est d’ailleurs prouvée par la considération qu’ils lui
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vanneau qu’il vient de tuer, ainsi qu’un domestique et un gros chien.
Comme fond, sous un ciel gris semé de légers nuages, une prairie
qui s’étend à perte de vue, et, au loin, une ferme et des moulins à
vent. Des moutons et des vaches, d’une exécution très finie, animent
la campagne et, au premier plan, parmi les gazons décolorés, s’élèvent
des touffes de plantains et de bardanes, sous lesquelles une grenouille
est tapie. La composition est un peu gauche; le travail pénible et
minutieux atteste un évident désir de bien faire et l’œuvre, en
somme, est intéressante par la conscience scrupuleuse de l’étude et
l’individualité très marquée des physionomies. Le Musée de Cologne,
le Staedel’s-Institut de Francfort, l’Académie des Beaux-Arts de
Vienne et le Ryksmuseum — celui-ci avec la date de 1651, la der-
nière que nous connaissions sur les œuvres du maître — possèdent
également des portraits de Jacob Gerritsz, et'un portrait du médecin
et bourgmestre de Dordrecht, Jan van Beverwyck, peint par lui en
1643, nous est également connu par la gravure de S. Savery. Mais
deux remarquables portraits du Musée de Metz, qui portent avec la
date 1649 une belle et loyale signature, nous paraissent ses meil-
leurs ouvrages. C’est un bon ménage hollandais; la femme, peu
séduisante, mais admirablement peinte, avec son visage vermeil
encadré par une cornette blanche et une large collerette aux tuyaux
régulièrement juxtaposés; le mari, plein de santé et vigoureux
malgré ses 63 ans, respirant la force et le contentement. Tous deux,
vêtus de noir, sont peints en pleine lumière, avec une grande fermeté
et en même temps une grande souplesse d’exécution. Les carna-
tions très franches ont conservé un éclat singulier et le modelé
indiqué dans une pâte généreuse, montre autant de sûreté que de
délicatesse. Malgré la simplicité des types et des costumes, ils ont
tout à fait grand air, ces bons vieux, et dans ces excellents spécimens
de son talent, Gerritsz Cuyp se montre ici presque l’égal de Th. de
Keyser. Les analogies qu’il offre avec lui ont même plus d’une fois
prêté à des confusions. C’est ainsi que par une interversion qu’il
est permis de trouver honorable pour tous deux, M. Bredius a pensé
qu’il convenait de changer les anciennes attributions de deux por-
traits de famille du Ryksmuseum, en restituant à Cuyp celui que
le catalogue désignait autrefois comme étant de Th. de Keyser et
réciproquement.
En présence d’œuvres de cette valeur, on comprend la réputation
que le peintre s’était acquise. L’estime qu’avaient pour lui ses con-
citoyens nous est d’ailleurs prouvée par la considération qu’ils lui