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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 1
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Ephrussi, Charles: Simon-Jacques Rochard (1788 - 1872), 2
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0060

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SIMON-JACQUES ROCIIARD.

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goût si éclairé dut le guider sûrement dans la plupart de ses acquisi-
tions; mais il semble, à en juger par certaines indications, qu’il
cédait assez souvent ces précieuses trouvailles. Nous le voyons en
relations suivies avec les grands amateurs tels que lord Hertford, le
marquis Maison, le baron de Rothschild, M. Patureau et autres, avec
plusieurs musées européens, parmi lesquels ceux de Londres et
d’Anvers.

Dans les notices descriptives qu’il consacre à chaque numéro de
son catalogue, Rocliard, sans avoir aucune prétention de critique
solennelle, dit surtout et sur tous son sentiment motivé avec une
simple bonhomie qui n’exclut pas la clairvoyance et la finesse. Il se
montre très indépendant, ne craignant pas de remettre à leur rang
des réputations trop rabaissées de son temps et devançant assez sou-
vent le verdict des juges d’aujourd’hui. Nous laissons de côté ses
appréciations d’ailleurs judicieuses sur les grands Italiens et les
maîtres des Flandres et de la Hollande, classés depuis longtemps;
nous aimons mieux relever les jugements très personnels que porte
Rochard sur quelques Français du dernier siècle, dédaignés dans la
première moitié du nôtre et qu’il était alors presque téméraire
d’admirer. Au premier rang de ces ressuscités se place Watteau,
l’incomparable maître, pour lequel Rochard professe un véritable
culte. Sur ce point il se sépare nettement de son mentor, qui ne
rend à l’auteur du Départ pour Cythère qu’une justice incomplète '.

\. Rochard lui avait envoyé une copie de Vénus avec l'Amour faite par lui -

d’après le maître. Mérimée lui écrit à ce propos :. « Celte copie est, je crois,

fort exacte, mais elle n’est pas assez fondue; elle est trop rugueuse. Je serai bien
trompé si l’original n’offre pas une surface plus unie, — quant à vos teintes, elles
sont justes et transparentes. — Un peintre en miniature peignant à l’huile doit, à
ce qu’il me semble, être plus qu’un autre blasé de l’effet des couleurs mates parce
que son œil est habitué à la transparence. Je^ ne suis pas aussi enthousiaste que
vous de Watteau; je l’aime malgré ses défauts. Il y a un proverbe latin souvent
cité dans nos collèges : « J’aime Platon, mais j’aime encore mieux la vérité. »
Watteau a senti qu’ayant opposé son groupe à un ciel très clair, il avait besoin
de vigueur pour faire valoir ses chairs, mais il a employé une teinte rousse qui
n’existe pas dans la nature et on ne voit pas sur quoi repose sa Vénus. J’aimerais
mieux que le petit Amour ne fût pas de la même couleur que sa mère et qu’il
eût un peu plus de sang dans les veines.

« Il y a des mensonges officieux. Watteau a bien fait d’atténuer l’ombre du bras,
qui tient l’âne, mais pourquoi a-t-il rendu plus forte et d’un ton plus rougeâtre
l’ombre de la main? J’aurais beaucoup d’autres objections à faire; mais je ne dois
pas mal parler d’un de vos meilleurs amis. » (15 novembre 1845.)

Watteau fut toujours en effet un des meilleurs amis, peut-être le meilleur de
 
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