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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
frise, habitée, entre ses colonnes minces, de figures des rois de Juda
et supportant une terrasse découverte, aux deux côtés de laquelle les
tours se creusent de baies jumelles, tandis que la rose se découpe, au
milieu, sous son archivolte à plein cintre. Un idéal jaillissement de
colonnettes et d’arcs entrelacés en claire-voie, brodant le massif des
tours, faisant dentelle à l’entre-deux, monte, ensuite, à l’étage des
beffrois, qui émergent splendidement de cette collerette, entaillés de
leur double baie festonnée, haute de vingt-cinq mètres, d’un jet sans
rival. Ajoutez les étais rigides des contreforts qui vont s’amortissant
et se dentelant vers le faite; quelques trèfles illustrant les parties
nues du mur, à la hauteur de la rose ; de grandes images de la
Yierge, de deux anges extasiés, d’Adam et Eve sur la terrasse
découverte; enfin, aux saillies de la balustrade supérieure, les
animaux fantastiques si curieusement restitués par Viollet-le-Duc.
Le spectacle est unique de richesse et de clarté, de fantaisie et de
noblesse. A Reims, le tableau se compose autrement. Il n’y a que
trois divisions en hauteur, mais d’un élancement indicible. Les
portails poussent en avant leurs vivantes sculptures et se couronnent
de gables fouillés, ciselés en façon de joailleries. La rose centrale
s’arrondit sous l’archivolte en tiers-point, entre les deux tours
percées de fenêtres géminées, accostées de contreforts traités en
édicules, abritant des statues, et en clochetons effilés, ornés de
crochets à leurs angles. Tout en haut, un peu en retraite, une
galerie développe son arcature étirée et suspend des gables aériens
au-dessus des rois de Juda, debout sur leurs piédestaux. Pour beffrois,
rien que des montants de pierre infléchis en longues baies jumelées,
gâblées en pointe, laissant passer le jour. Pas une surface qui ne soit
évidée, sculptée ou enrichie de saillies ornementales. C’est, au premier
regard, une véritable griserie, une fête d’exubérance dont on ne se
fatigue pas, malgré certaines défectuosités d’exécution que l’on
s’expliquera plus loin. A Amiens, l’ordonnance tient de Paris et de
Reims, avec moins d’éclat que Reims et moins de pondération que
Paris, mais beaucoup de sérieux et d’équilibre. La composition des
portails, profondément enchâssés, s’empreint du caractère le plus
solennel. Une galerie ouverte et une galerie de statues en arcature
font appui à la grande rose, reportée très haut par l’insigne hauteur
des voûtes et dominée, d’une tour à l’autre, d’une sorte de tribune et
d’une manière de claire-voie. Il est bien fâcheux que la hâte du
travail et la pauvreté du style se trahissent aux parties hautes,
exécutées après coup. Le cas de ces frontispices, tardivement repris
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
frise, habitée, entre ses colonnes minces, de figures des rois de Juda
et supportant une terrasse découverte, aux deux côtés de laquelle les
tours se creusent de baies jumelles, tandis que la rose se découpe, au
milieu, sous son archivolte à plein cintre. Un idéal jaillissement de
colonnettes et d’arcs entrelacés en claire-voie, brodant le massif des
tours, faisant dentelle à l’entre-deux, monte, ensuite, à l’étage des
beffrois, qui émergent splendidement de cette collerette, entaillés de
leur double baie festonnée, haute de vingt-cinq mètres, d’un jet sans
rival. Ajoutez les étais rigides des contreforts qui vont s’amortissant
et se dentelant vers le faite; quelques trèfles illustrant les parties
nues du mur, à la hauteur de la rose ; de grandes images de la
Yierge, de deux anges extasiés, d’Adam et Eve sur la terrasse
découverte; enfin, aux saillies de la balustrade supérieure, les
animaux fantastiques si curieusement restitués par Viollet-le-Duc.
Le spectacle est unique de richesse et de clarté, de fantaisie et de
noblesse. A Reims, le tableau se compose autrement. Il n’y a que
trois divisions en hauteur, mais d’un élancement indicible. Les
portails poussent en avant leurs vivantes sculptures et se couronnent
de gables fouillés, ciselés en façon de joailleries. La rose centrale
s’arrondit sous l’archivolte en tiers-point, entre les deux tours
percées de fenêtres géminées, accostées de contreforts traités en
édicules, abritant des statues, et en clochetons effilés, ornés de
crochets à leurs angles. Tout en haut, un peu en retraite, une
galerie développe son arcature étirée et suspend des gables aériens
au-dessus des rois de Juda, debout sur leurs piédestaux. Pour beffrois,
rien que des montants de pierre infléchis en longues baies jumelées,
gâblées en pointe, laissant passer le jour. Pas une surface qui ne soit
évidée, sculptée ou enrichie de saillies ornementales. C’est, au premier
regard, une véritable griserie, une fête d’exubérance dont on ne se
fatigue pas, malgré certaines défectuosités d’exécution que l’on
s’expliquera plus loin. A Amiens, l’ordonnance tient de Paris et de
Reims, avec moins d’éclat que Reims et moins de pondération que
Paris, mais beaucoup de sérieux et d’équilibre. La composition des
portails, profondément enchâssés, s’empreint du caractère le plus
solennel. Une galerie ouverte et une galerie de statues en arcature
font appui à la grande rose, reportée très haut par l’insigne hauteur
des voûtes et dominée, d’une tour à l’autre, d’une sorte de tribune et
d’une manière de claire-voie. Il est bien fâcheux que la hâte du
travail et la pauvreté du style se trahissent aux parties hautes,
exécutées après coup. Le cas de ces frontispices, tardivement repris