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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
« Lorsque la ville impériale de Constantinople qu’on appelait la
nouvelle Rome fut prise par l’armée des Francs et des Vénitiens, on
trouva, parmi les dépouilles les plus précieuses, cette image sacrée
de Notre Sauveur qui représente les mystères de sa très sainte et
très douloureuse Passion. Elle était dans l’église de Sainte-Sophie,
et les Grecs disaient que, suivant une antique tradition, c’était un
présent de l’empereur Constantin le Grand. Elle est d’une haute et
importante valeur, puisqu’elle est faite d’émail et d’or.
« Par suite du partage des objets précieux et royaux entre les
Francs et les Vénitiens, cette image sacrée devint la propriété des
Francs qui l’offrirent à leur roi, et elle est restée dans la maison de
France jusqu’au règne de François Ier.
« Mais quand Charles-Quint, empereur des Romains, se fut
emparé, à Pavie, du roi François Ier, il eut une affection particulière
pour cette image sacrée, et l’apporta en Espagne avec ses autres
dépouilles. Plus tard, Isabelle d’Autriche, venant d’Allemagne pour
s’unir à son époux à Mantoue, lui apporta en dot la sainte Image, et
la plaça avec solennité dans son oratoire, après l’avoir fait décorer
de colonnes de cristal et autres ornements royaux. Tout cela résulte
d’une lettre en latin écrite par le comte Castiglione au Souverain
Pontife pour obtenir la bulle de consécration de ladite chapelle.
« Cette lettre est conservée à Mantoue dans le palais dudit comte
Castiglione, avec d’autres témoignages établissant surabondamment
combien est précieuse cette sainte Image, et en fixant la valeur à
seize mille écus romains, suivant l’estimation faite par le célèbre
Jules Romain. »
Il est superflu de faire ressortir les impossibilités accumulées
dans cette note écrite dans un latin barbare, qui nous représente un
émail peint du xvie siècle comme remontant au ive, — Constantin
faisant un présent à une église qui sera construite deux siècles après
sa mort, — et où il est question de documents déposés dans la maison
d’un gentilhomme imaginaire de Mantoue où il y aurait quelque
naïveté à aller les rechercher.
Cette notice a dû être rédigée il y a peu de temps ; probablement
au siècle dernier, par ceux qui ont détourné ce splendide monument,
et elle devait servir à leur permettre de le vendre plus avanta-
geusement. Quelle confiance doit-on accorder à la partie du récit qui
nous représente cet émail comme ayant été pris par les Impériaux
dans les bagages de François Ier à la bataille de Pavie? C’est ce qu’il
est bien difficile de dire, mais il est probable que cette partie de la
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
« Lorsque la ville impériale de Constantinople qu’on appelait la
nouvelle Rome fut prise par l’armée des Francs et des Vénitiens, on
trouva, parmi les dépouilles les plus précieuses, cette image sacrée
de Notre Sauveur qui représente les mystères de sa très sainte et
très douloureuse Passion. Elle était dans l’église de Sainte-Sophie,
et les Grecs disaient que, suivant une antique tradition, c’était un
présent de l’empereur Constantin le Grand. Elle est d’une haute et
importante valeur, puisqu’elle est faite d’émail et d’or.
« Par suite du partage des objets précieux et royaux entre les
Francs et les Vénitiens, cette image sacrée devint la propriété des
Francs qui l’offrirent à leur roi, et elle est restée dans la maison de
France jusqu’au règne de François Ier.
« Mais quand Charles-Quint, empereur des Romains, se fut
emparé, à Pavie, du roi François Ier, il eut une affection particulière
pour cette image sacrée, et l’apporta en Espagne avec ses autres
dépouilles. Plus tard, Isabelle d’Autriche, venant d’Allemagne pour
s’unir à son époux à Mantoue, lui apporta en dot la sainte Image, et
la plaça avec solennité dans son oratoire, après l’avoir fait décorer
de colonnes de cristal et autres ornements royaux. Tout cela résulte
d’une lettre en latin écrite par le comte Castiglione au Souverain
Pontife pour obtenir la bulle de consécration de ladite chapelle.
« Cette lettre est conservée à Mantoue dans le palais dudit comte
Castiglione, avec d’autres témoignages établissant surabondamment
combien est précieuse cette sainte Image, et en fixant la valeur à
seize mille écus romains, suivant l’estimation faite par le célèbre
Jules Romain. »
Il est superflu de faire ressortir les impossibilités accumulées
dans cette note écrite dans un latin barbare, qui nous représente un
émail peint du xvie siècle comme remontant au ive, — Constantin
faisant un présent à une église qui sera construite deux siècles après
sa mort, — et où il est question de documents déposés dans la maison
d’un gentilhomme imaginaire de Mantoue où il y aurait quelque
naïveté à aller les rechercher.
Cette notice a dû être rédigée il y a peu de temps ; probablement
au siècle dernier, par ceux qui ont détourné ce splendide monument,
et elle devait servir à leur permettre de le vendre plus avanta-
geusement. Quelle confiance doit-on accorder à la partie du récit qui
nous représente cet émail comme ayant été pris par les Impériaux
dans les bagages de François Ier à la bataille de Pavie? C’est ce qu’il
est bien difficile de dire, mais il est probable que cette partie de la