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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 7.1892

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Nr. 3
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Michel, Émile: Les Cuyp, 3: une famille d'artistes hollandais
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https://doi.org/10.11588/diglit.24660#0261

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238

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

l’Ermitage ne compte pas moins de sept tableaux de Cuyp et, parmi
eux, quelques-unes de ses productions les plus remarquables que nous
avons signalées au courant de cette étude. Avec les cinq qu’il possède
du maître, le Louvre n’est pas moins bien partagé et les collections
de MM. de Rothschild, celle de M. le baron Alphonse, en particulier,
et celles de MM. Kann renferment aussi plusieurs de ses œuvres
choisies. Les Cavaliers devant la porte d'une hôtellerie, acquis par
M. Rodolphe Kann à la vente du duc de Marlborough, à Blenheim,
méritent même d’être tirés hors de pair à cause de la magnifique
conservation et de la tonalité exquise de cette charmante peinture.

Quand on compare Cuyp aux grands artistes de la Hollande, on
sent toute la justesse du jugement que Fromentin a porté sur lui.
Son originalité est incontestable et, après s’être formé, seul, dans son
coin, sans se mêler jamais au grand mouvement dont Harlem et
Amsterdam étaient devenues les centres principaux, il est resté lui-
même. Peut-être pourrait-on hésiter sur le rang qu’il convient de lui
assigner dans l’école. Si « dans ce juste classement où Rembrandt
trône à l’écart et où Ruysdael est le premier », on ne saurait disputer
leur place à ces deux maîtres, il ne nous paraît pas qu’il y ait grand
intérêt à poursuivre plus loin cette sorte de concours, sous peine
d’éveiller des contestations aussi inévitables que stériles. Il suffit,
comme l’a dit Fromentin, que Cuyp « vienne à un très haut rang ».
Après Rembrandt, en tout cas, il aura été, parmi ses compatriotes, le
peintre le plus universel, celui qui a pu aborder avec un succès
presque pareil les genres les plus différents. Nous croyons superflu
d’insister sur la supériorité éclatante du génie de Rembrandt, mais
le talent des deux artistes ne présente pas des contrastes moins
saisissants que leur destinée. Bien que tous deux se soient préoc-
cupés du clair-obscur et qu’ils aient emprunté leurs enseignements
à l'étude de la nature elle-même, l’opposition entre leur manière est
tout à fait tranchée. Nous voyons en effet Rembrandt restreindre de
plus en plus le champ de la lumière et rehausser son éclat par les
ombres transparentesentrelesquelles il l’enserre ; Cuyp, au contraire,
répand à profusion cette lumière dans ses toiles et les en inonde.
Chez tous deux cependant une part reste faite au mystère; mais
tandis que l’un efface dans l’obscurité tous les détails qu’il juge secon-
daires, l’autre les noie dans la vivacité même des rayons dorés dont
il les enveloppe et les pénètre.

EMILE MICHEL .
 
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