LE COM TE DE NIE U WERKERKE.
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faire en homme de cour, aux souverains de l’Europe entière, dans les
solennités mémorables de 1855 et de 1867, les honneurs de ses palais
et de ses Musées? — Qui saura, — et les pages mêmes où dans les
loisirs de ses derniers hivers, il retraçait là-bas, en Italie, ses sou-
venirs d’antan ne nous en feraient certes pas confidence, — qui
saura bien dire avec quelle généreuse courtoisie, dans une époque où
notre école française battait son plein, il savait faire valoir les inté-
rêts de cette école et les œuvres de ces illustres, pour obtenir les
encouragements aux petits et les hautes récompenses aux grands;
— et quel conseiller impeccable et délicat il se montrait dans
ses visites à leurs ateliers, à la veille des expositions, louant les
peintres par le bon endroit, leur indiquant la correction possible.
Quant aux sculpteurs, c’était plaisir de le voir tourner autour
de leurs œuvres, et les féliciter en bon et loyal camarade qui lit
nettement les difficultés et les réussites de la ligne cherchée ou
mettre le doigt sur le point faible avec une discrétion et une subtilité
et l’autorité d’un professseur; — faisant grande dépense d’urbanité
à bien accueillir les artistes étrangers alors déjà affluant en France;
— enfin quand il se retrouvait présidant son Conservatoire du Louvre,
comme il y montrait d’instinct la plus précieuse qualité d’un admi-
nistrateur des Musées, cette qualité si rare, si rare, du discernement
du beau dans les manifestations les plus diverses de l’art ; on le sentait
par son goût personnel l’égal de ses conservateurs en appréciations
raffinées des belles choses, s’accordant sur une belle peinture avec
Villot et Reiset, sur un beau bronze antique ou de la Renaissance
avec Longpérier, sur une belle tenture avec Barbet de Jouy. — Oui,
voilà l’homme que nous avons vu, et qui couvrit vingt ans le Louvre
de son autorité et de son attrait personnels et de sa bonne fortune
longtemps inexpugnable. Aujourd’hui, disais-je, où trouver encore
quelques témoins survivants de cette éclatante période où nous nous
dépensions de notre mieux pour seconder un chef qui était notre
orgueil? Yillefosse, Pierret, Heuzey pourraient parler de ses der-
nières années un peu fatiguées ; mais pour remonter aux premières
années sans nuage de cette carrière incomparable où tout au Louvre
était lustre et bonne chance, les seuls témoins qui se rencontreront
à cette heure seront le fidèle Barbet de Jouy, Alfred Darcel, et celui
qui, mêlé un peu plus tôt qu’eux aux travaux de ces temps fortunés,
n’a plus désormais qu’à raconter leurs deuils.
PH. DE CHENNEVIERES.
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faire en homme de cour, aux souverains de l’Europe entière, dans les
solennités mémorables de 1855 et de 1867, les honneurs de ses palais
et de ses Musées? — Qui saura, — et les pages mêmes où dans les
loisirs de ses derniers hivers, il retraçait là-bas, en Italie, ses sou-
venirs d’antan ne nous en feraient certes pas confidence, — qui
saura bien dire avec quelle généreuse courtoisie, dans une époque où
notre école française battait son plein, il savait faire valoir les inté-
rêts de cette école et les œuvres de ces illustres, pour obtenir les
encouragements aux petits et les hautes récompenses aux grands;
— et quel conseiller impeccable et délicat il se montrait dans
ses visites à leurs ateliers, à la veille des expositions, louant les
peintres par le bon endroit, leur indiquant la correction possible.
Quant aux sculpteurs, c’était plaisir de le voir tourner autour
de leurs œuvres, et les féliciter en bon et loyal camarade qui lit
nettement les difficultés et les réussites de la ligne cherchée ou
mettre le doigt sur le point faible avec une discrétion et une subtilité
et l’autorité d’un professseur; — faisant grande dépense d’urbanité
à bien accueillir les artistes étrangers alors déjà affluant en France;
— enfin quand il se retrouvait présidant son Conservatoire du Louvre,
comme il y montrait d’instinct la plus précieuse qualité d’un admi-
nistrateur des Musées, cette qualité si rare, si rare, du discernement
du beau dans les manifestations les plus diverses de l’art ; on le sentait
par son goût personnel l’égal de ses conservateurs en appréciations
raffinées des belles choses, s’accordant sur une belle peinture avec
Villot et Reiset, sur un beau bronze antique ou de la Renaissance
avec Longpérier, sur une belle tenture avec Barbet de Jouy. — Oui,
voilà l’homme que nous avons vu, et qui couvrit vingt ans le Louvre
de son autorité et de son attrait personnels et de sa bonne fortune
longtemps inexpugnable. Aujourd’hui, disais-je, où trouver encore
quelques témoins survivants de cette éclatante période où nous nous
dépensions de notre mieux pour seconder un chef qui était notre
orgueil? Yillefosse, Pierret, Heuzey pourraient parler de ses der-
nières années un peu fatiguées ; mais pour remonter aux premières
années sans nuage de cette carrière incomparable où tout au Louvre
était lustre et bonne chance, les seuls témoins qui se rencontreront
à cette heure seront le fidèle Barbet de Jouy, Alfred Darcel, et celui
qui, mêlé un peu plus tôt qu’eux aux travaux de ces temps fortunés,
n’a plus désormais qu’à raconter leurs deuils.
PH. DE CHENNEVIERES.