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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
repercée à jour, l’extérieure lui dispense une lumière discrète. Il ne
faut pas moins que ces charmants jeux de l’art pour nous faire
oublier un certain mauvais goût qui règne dans les nefs, l’air trapu,
râblé de ces pesantes retombées d’arcs sur des piliers trop courts, le
renflement exagéré de ces arcs surhaussés, et leurs dentelures dis-
proportionnées.
Nous avons dit que le minaret de la mosquée fut construit par
Yarmoracen l’Abd-el-ouadite (entre 1239 et 1282). Ce prince, lorsqu’il
habitait encore le Kasr-Kedim, aimait à venir dans la mosquée dis-
puter avec les lettrés, et la tradition veut qu’il y ait son tombeau,
quoique les fouilles de M. Brosselard aient contredit cette assertion ; il
serait aussi le donataire du lustre archaïque en bois de cèdre plaqué
de cuivre qui pend encore dans la principale travée. Quoi qu’il en soit,
le minaret est élégant. Comme tous les minarets de Tlemcen, il est
quadrangulaire, à terrasse crénelée; sur cette terrasse s’élève l’édi-
cule final; les faces sont ornées de dessins en brique et de mosaïques
formées de pièces de terre cuite vernissée, car c’est sous cette forme que se
présente le plus généralement ici l’art du décor céramique. Enfin,
comme à Mansourah, de fines colonnettes supportent l’arcature des
fausses fenêtres dessinées dans les panneaux.
Généralement, un beau nid de cigognes surmonte chaque minaret
et l’on entend des claquements de bec comme dans le vieux Strasbourg.
La Djama-el-Kébir eut jadis, comme toutes les mosquées d’importance,
sa bibliothèque attenante, fondée par Abou-Hammou-Mousa Ier, le
restaurateur de la dynastie abd-el-ouadite, comme le témoigne
une inscription sur bois relevée par M. Brosselard. Mais la biblio-
thèque a disparu, à l’époque où la haine des livres enflamma les
musulmans dégénérés, et quoique Tlemcen eût tiré honneur des
nombreux savants qui y ont professé. En revanche, on peut dire que
le culte des saints hommes n’a jamais souffert d’éclipse à Tlemcen ; la
ville est littéralement entourée de tombeaux et d’oratoires qui rap-
pellent les noms de ces justes. Précisément à côté de la mosquée, les
affligés, les malades viennent encore visiter sous une treille la cham-
bre où habita un certain Belhacen-el-Romari (mort en 1466), qui fut
un ascète, un sou/i vénéré. Une inscription sur un bloc de bois de
cèdre la désigne aux regards.
Djama Aboul-Hacen. (Dynastie abd-el-ouadite.) — Cette mosquée-ci
est peut-être la plus belle de Tlemcen. Elle est toute petite; elle ne
paie pas de mine au dehors, exposée sur l’insipide place moderne ;
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
repercée à jour, l’extérieure lui dispense une lumière discrète. Il ne
faut pas moins que ces charmants jeux de l’art pour nous faire
oublier un certain mauvais goût qui règne dans les nefs, l’air trapu,
râblé de ces pesantes retombées d’arcs sur des piliers trop courts, le
renflement exagéré de ces arcs surhaussés, et leurs dentelures dis-
proportionnées.
Nous avons dit que le minaret de la mosquée fut construit par
Yarmoracen l’Abd-el-ouadite (entre 1239 et 1282). Ce prince, lorsqu’il
habitait encore le Kasr-Kedim, aimait à venir dans la mosquée dis-
puter avec les lettrés, et la tradition veut qu’il y ait son tombeau,
quoique les fouilles de M. Brosselard aient contredit cette assertion ; il
serait aussi le donataire du lustre archaïque en bois de cèdre plaqué
de cuivre qui pend encore dans la principale travée. Quoi qu’il en soit,
le minaret est élégant. Comme tous les minarets de Tlemcen, il est
quadrangulaire, à terrasse crénelée; sur cette terrasse s’élève l’édi-
cule final; les faces sont ornées de dessins en brique et de mosaïques
formées de pièces de terre cuite vernissée, car c’est sous cette forme que se
présente le plus généralement ici l’art du décor céramique. Enfin,
comme à Mansourah, de fines colonnettes supportent l’arcature des
fausses fenêtres dessinées dans les panneaux.
Généralement, un beau nid de cigognes surmonte chaque minaret
et l’on entend des claquements de bec comme dans le vieux Strasbourg.
La Djama-el-Kébir eut jadis, comme toutes les mosquées d’importance,
sa bibliothèque attenante, fondée par Abou-Hammou-Mousa Ier, le
restaurateur de la dynastie abd-el-ouadite, comme le témoigne
une inscription sur bois relevée par M. Brosselard. Mais la biblio-
thèque a disparu, à l’époque où la haine des livres enflamma les
musulmans dégénérés, et quoique Tlemcen eût tiré honneur des
nombreux savants qui y ont professé. En revanche, on peut dire que
le culte des saints hommes n’a jamais souffert d’éclipse à Tlemcen ; la
ville est littéralement entourée de tombeaux et d’oratoires qui rap-
pellent les noms de ces justes. Précisément à côté de la mosquée, les
affligés, les malades viennent encore visiter sous une treille la cham-
bre où habita un certain Belhacen-el-Romari (mort en 1466), qui fut
un ascète, un sou/i vénéré. Une inscription sur un bloc de bois de
cèdre la désigne aux regards.
Djama Aboul-Hacen. (Dynastie abd-el-ouadite.) — Cette mosquée-ci
est peut-être la plus belle de Tlemcen. Elle est toute petite; elle ne
paie pas de mine au dehors, exposée sur l’insipide place moderne ;