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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
renversée sur un tapis bleu, près d'une orange et d'un pot de grès. Peut-être avons-
nous encore affaire à Cuyp dans les portraits d’enfants « de la famille de Trazegnies »,
donnés à Lely (n° 81). Il y a là, parmi des accessoires, un singe et un perroquet au
plumage versicolore, dignes de Fyt.
Sans accepter pour des Cuyp les portraits nos 75 et 79 : le mari peint en 1645,
la femme en 1649, je signale ces deux morceaux, malgré quelques retouches, à la
main de l’homme surtout, comme des morceaux fort distingués.
La part faite de la ridicule désignation de Fille de Rembrandt, le n° 45 n’en
reste pas moins une excellente peinture, sans doute de Govart Flinck. Le profil de
cette jeune blonde, au corsage opulent orné d’une rose, est extrêmement gracieux
et modelé en pleine pâte avec l’adresse d’un maître singulièrement habile. Les
ombres rougeâtres, les reflets ardents guident ici mon attribution.
De Fyt certainement et de Van Thulden peut-être, selon le catalogue, serait
le n° 59, Diane chasseresse suivie d’une Nymphe, figures de grandeur naturelle
accompagnées de deux grands lévriers. Les chiens sont superbes.
A l’exception d’un seul, Perséeet Andromède, copie d’une peinture italienne de
la galerie de Léopold Guillaume, aucun des nombreux Teniers portés au catalogue
ne m’a paru authentique. J’en dirai autant de divers Ostade.
Le nom de Van Dyck paraît sept fois au catalogue. Les deux Madones, nos 100
et 102 (la première donnée à Jordaens), sont de simples copies. Le Silène est une répé-
tition ancienne d’un original existant au Musée de Dresde. Le Portrait en buste du
Cardinal-Infant, en pourpoint rouge agrémenté d’or, est une copie du tableau
de Madrid, sans doute contemporaine du personnage. Le Martyre de saint
Sébastien est une esquisse authentique du tableau de la Pinacothèque de Munich.
Avec M. Guifîrey, j’accepte l’authenticité de la Décollation de sainte Barbe, petite
peinture connue par l’eau-forte que Carpenter attribuait à Van Dyck lui-même.
Enfin, le Portrait en pied d’un jeune garçon, n° 73, œuvre d’incontestable mérite,
émane selon toute vraisemblance de ce portraitiste encore indéterminé à qui
M. Bode attribue le grand portrait de famille de Munich et la fameuse famille de
Balthasar Gerbier, du palais de Windsor. Reste le Christ mort pleuré par la Vierge
et les Anges, n° 83, qu’une étude soigneuse m’autorise non seulement à accepter
pour authentique mais à envisager comme ayant vu le jour vers le même temps
que le tableau de Renaud et Armide et le Christ mort de la galerie du duc de
Newcastle, œuvre absolument remarquable, de la facture la plus serrée.
Le Christ presque assis, les pieds vers le spectateur, la face entièrement dans
l’ombre, est appuyé aux genoux de la Vierge dont le visage éploré, dont les mains
admirables suffiraient à caractériser Van Dyck, alors même que nous n’aurions
pas en outre l'harmonie, familière à l’artiste, du manteau bleu, de la robe grise,
du voile brun de la mère du Sauveur. J’ajoute que les deux anges et les deux têtes
de chérubins qui se voient dans les nuages, au haut de la gauche, complètent un
ensemble absolument digne de tenter le burin d’un graveur assez audacieux pour
se mesurer avec les Vorsterman et les Bolswert, car ce tableau n’a pas été gravé.
C’est en pays flamand, chose singulière, mais positive, que le nom de Rubens est
victime de plus d’attributions compromettantes pour sa célébrité. Passons, sans
plus nous arrêter, si vous le voulez bien, aux seules œuvres du pinceau du maître
dignes de nous occuper. J’entends faire observer toutefois que, pour n’avoir aucun
titre à l’authenticité, comme le dit avec raison M. Rooses, l'Institution du Rosaire
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
renversée sur un tapis bleu, près d'une orange et d'un pot de grès. Peut-être avons-
nous encore affaire à Cuyp dans les portraits d’enfants « de la famille de Trazegnies »,
donnés à Lely (n° 81). Il y a là, parmi des accessoires, un singe et un perroquet au
plumage versicolore, dignes de Fyt.
Sans accepter pour des Cuyp les portraits nos 75 et 79 : le mari peint en 1645,
la femme en 1649, je signale ces deux morceaux, malgré quelques retouches, à la
main de l’homme surtout, comme des morceaux fort distingués.
La part faite de la ridicule désignation de Fille de Rembrandt, le n° 45 n’en
reste pas moins une excellente peinture, sans doute de Govart Flinck. Le profil de
cette jeune blonde, au corsage opulent orné d’une rose, est extrêmement gracieux
et modelé en pleine pâte avec l’adresse d’un maître singulièrement habile. Les
ombres rougeâtres, les reflets ardents guident ici mon attribution.
De Fyt certainement et de Van Thulden peut-être, selon le catalogue, serait
le n° 59, Diane chasseresse suivie d’une Nymphe, figures de grandeur naturelle
accompagnées de deux grands lévriers. Les chiens sont superbes.
A l’exception d’un seul, Perséeet Andromède, copie d’une peinture italienne de
la galerie de Léopold Guillaume, aucun des nombreux Teniers portés au catalogue
ne m’a paru authentique. J’en dirai autant de divers Ostade.
Le nom de Van Dyck paraît sept fois au catalogue. Les deux Madones, nos 100
et 102 (la première donnée à Jordaens), sont de simples copies. Le Silène est une répé-
tition ancienne d’un original existant au Musée de Dresde. Le Portrait en buste du
Cardinal-Infant, en pourpoint rouge agrémenté d’or, est une copie du tableau
de Madrid, sans doute contemporaine du personnage. Le Martyre de saint
Sébastien est une esquisse authentique du tableau de la Pinacothèque de Munich.
Avec M. Guifîrey, j’accepte l’authenticité de la Décollation de sainte Barbe, petite
peinture connue par l’eau-forte que Carpenter attribuait à Van Dyck lui-même.
Enfin, le Portrait en pied d’un jeune garçon, n° 73, œuvre d’incontestable mérite,
émane selon toute vraisemblance de ce portraitiste encore indéterminé à qui
M. Bode attribue le grand portrait de famille de Munich et la fameuse famille de
Balthasar Gerbier, du palais de Windsor. Reste le Christ mort pleuré par la Vierge
et les Anges, n° 83, qu’une étude soigneuse m’autorise non seulement à accepter
pour authentique mais à envisager comme ayant vu le jour vers le même temps
que le tableau de Renaud et Armide et le Christ mort de la galerie du duc de
Newcastle, œuvre absolument remarquable, de la facture la plus serrée.
Le Christ presque assis, les pieds vers le spectateur, la face entièrement dans
l’ombre, est appuyé aux genoux de la Vierge dont le visage éploré, dont les mains
admirables suffiraient à caractériser Van Dyck, alors même que nous n’aurions
pas en outre l'harmonie, familière à l’artiste, du manteau bleu, de la robe grise,
du voile brun de la mère du Sauveur. J’ajoute que les deux anges et les deux têtes
de chérubins qui se voient dans les nuages, au haut de la gauche, complètent un
ensemble absolument digne de tenter le burin d’un graveur assez audacieux pour
se mesurer avec les Vorsterman et les Bolswert, car ce tableau n’a pas été gravé.
C’est en pays flamand, chose singulière, mais positive, que le nom de Rubens est
victime de plus d’attributions compromettantes pour sa célébrité. Passons, sans
plus nous arrêter, si vous le voulez bien, aux seules œuvres du pinceau du maître
dignes de nous occuper. J’entends faire observer toutefois que, pour n’avoir aucun
titre à l’authenticité, comme le dit avec raison M. Rooses, l'Institution du Rosaire