LES ÉCOLES D’ITALIE AU MUSÉE DE VIENNE.
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du père, mais qui n’en sont pas moins d’excellentes pièces ,
dont le grand style aurait de quoi rendre* jaloux les meilleurs peintres
de notre temps.
Le reste des peintures attribuées aux deux Tintoret sont pour la
plupart de bons ouvrages d’autres maîtres. Un Saint Jérôme (n° 552),
qui porte ici le nom de Jacques Tintoret, a déjà été reconnu par
Mündler comme l’œuvre de Palma le Jeune. Ce peintre, si commun et
si maniéré dans ses compositions, avait comme portraitiste une
valeur qu’on n’apprécie pas suffisamment, parce que ses beaux por-
traits portent d’ordinaire dans les Musées les noms d’autres maîtres.
C’est ainsi que le catalogue du Musée de Vienne attribue aux deux
Tintoret les portraits d’un Procurateur de Saint-Marc (n° 454), d’un
Sculpteur (n° 456) et un portrait de vieillard traité (n° 479) avec
un charme tout particulier dans des tons d’un vert passé. On ne
saurait rien imaginer qui ressemble moins aux œuvres du
Tintoret.
Nous trouvons encore cachés sous le nom de ce maître deux pré-
cieux portraits, deux Jacques Bassan (nos 469 et 487). Dans ce der-
nier portrait, les tons sont disposés avec une hardiesse et une insou-
ciance de toutes transitions qui feraient honneur aux plus forts de
nos impressionnistes. Le portrait, qui est donné par le catalogue
comme un portrait de Jacques Bassan par lui-même (n° 42), peut bien
représenter ce maître, mais il est de la main de son fils Francesco,
comme suffit à le prouver un regard jeté sur le tableau signé de
Francesco, VEnfant à la flûte (n° 33).
Le Musée possède aussi quatre bons portraits de la main de l’autre
fils de Bassan, Leandro (nos 49-50-51-52).
Aucun portraitiste n’a caractérisé ses figures par la différence de
leurs carnations autant que l’a fait le Tintoret. Dans les dix portraits
de lui que possède le Musée de Vienne il n’y a pas une figure qui ne
diffère des autres par la couleur dé son teint. Voici le vieil amiral
Sébastien Venier (n° 465), le vainqueur de Lépante; sa chair est
d’un rose sanguin, telle que doit l’avoir rendue une longue vie passée
à l'air frais de la mer. Combien il lui ressemble peu, cet autre vieux
sénateur assis tout voûté dans son fauteuil, les joues teintes de cette
carnation spéciale aux gens qui vivent dans l’intérieur d’un bureau !
Et comme on lit clairement les signes de la consomption sur les joues
pâles du petit garçon qui est debout près de lui, sans doute son petit-
fils, peut-être le dernier descendant de sa race (n° 474) ! Ce double
portrait contient l’histoire de toute une famille. Et comme tous ces
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du père, mais qui n’en sont pas moins d’excellentes pièces ,
dont le grand style aurait de quoi rendre* jaloux les meilleurs peintres
de notre temps.
Le reste des peintures attribuées aux deux Tintoret sont pour la
plupart de bons ouvrages d’autres maîtres. Un Saint Jérôme (n° 552),
qui porte ici le nom de Jacques Tintoret, a déjà été reconnu par
Mündler comme l’œuvre de Palma le Jeune. Ce peintre, si commun et
si maniéré dans ses compositions, avait comme portraitiste une
valeur qu’on n’apprécie pas suffisamment, parce que ses beaux por-
traits portent d’ordinaire dans les Musées les noms d’autres maîtres.
C’est ainsi que le catalogue du Musée de Vienne attribue aux deux
Tintoret les portraits d’un Procurateur de Saint-Marc (n° 454), d’un
Sculpteur (n° 456) et un portrait de vieillard traité (n° 479) avec
un charme tout particulier dans des tons d’un vert passé. On ne
saurait rien imaginer qui ressemble moins aux œuvres du
Tintoret.
Nous trouvons encore cachés sous le nom de ce maître deux pré-
cieux portraits, deux Jacques Bassan (nos 469 et 487). Dans ce der-
nier portrait, les tons sont disposés avec une hardiesse et une insou-
ciance de toutes transitions qui feraient honneur aux plus forts de
nos impressionnistes. Le portrait, qui est donné par le catalogue
comme un portrait de Jacques Bassan par lui-même (n° 42), peut bien
représenter ce maître, mais il est de la main de son fils Francesco,
comme suffit à le prouver un regard jeté sur le tableau signé de
Francesco, VEnfant à la flûte (n° 33).
Le Musée possède aussi quatre bons portraits de la main de l’autre
fils de Bassan, Leandro (nos 49-50-51-52).
Aucun portraitiste n’a caractérisé ses figures par la différence de
leurs carnations autant que l’a fait le Tintoret. Dans les dix portraits
de lui que possède le Musée de Vienne il n’y a pas une figure qui ne
diffère des autres par la couleur dé son teint. Voici le vieil amiral
Sébastien Venier (n° 465), le vainqueur de Lépante; sa chair est
d’un rose sanguin, telle que doit l’avoir rendue une longue vie passée
à l'air frais de la mer. Combien il lui ressemble peu, cet autre vieux
sénateur assis tout voûté dans son fauteuil, les joues teintes de cette
carnation spéciale aux gens qui vivent dans l’intérieur d’un bureau !
Et comme on lit clairement les signes de la consomption sur les joues
pâles du petit garçon qui est debout près de lui, sans doute son petit-
fils, peut-être le dernier descendant de sa race (n° 474) ! Ce double
portrait contient l’histoire de toute une famille. Et comme tous ces