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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Nous recommandons le Musée d’Arles, comme fécond en révélations et en
surprises à ces écrivains qui aiment à étudier les fins de siècle, les déclins de
races, les recommencements de l’humanité. Un lettré pénétrant et compréhensif»
comme M. Anatole France, l’auteur de Thaïs et des Noces corinthiennes, ferait
certainement ses délices des images raffinées et complexes qu’il découvrirait parmi
tant d’œuvres où le paganisme expirant a laissé passer le dernier souffle de sa
lente agonie.
Les statuaires de grand mérite, au ciseau si ferme et quelque peu décadent,
qui ont rendu les types et les idées de la religion chrétienne, avaient créé sans
doute des ateliers florissants, au cœur de la ville d’Arles. Ils ont dù former, au
ive et au ve siècle, une puissante et vivante école. Les cités riveraines du Rhône,
Lyon, Vienne, Valence, ne possédaient-elles point aussi leur pléiade de sculpteurs,
occupés à s’inspirer d’un art nouveau, qui élevait ses autels et bâtissait des églises
romanes ? Aucun de ces maîtres, si profondément imbus de l’enseignement du
passé, ne pouvait alors se douter que la statuaire devait passer par les balbutie-
ments et les naïvetés gothiques. Si le Musée d’Arles avait le catalogue qu’il attend
et qu’il doit avoir, on aimerait à y retrouver plus d’une notion précise, destinée
à faire valoir le caractère et le style de ces monuments qui, dans leur langage
mystérieux, semblent nous dire tant de choses.
Au point où nous en sommes et en tenant compte des ressources d’érudition
dont nous disposons, nous pouvons nous demander s’il doit y avoir encore des
Musées ainsi abandonnés. Nous appelons l’attention du ministre do l’Instruction
publique et de notre très actif et très éclairé directeur des Beaux-Arts, sur les col-
lections de province qui ne sont pas inventoriées.
La ville d’Arles, qui attire tant de voyageurs, gagnerait à pouvoir leur offrir un
catalogue sérieux des œuvres qu’elle possède. Nous souhaiterions que son Musée
lapidaire devînt une sorte de Musée d’éducation. On pourrait en faire, dans le
Midi, l’objet d’excursions et de voyages scolaires, qui auraient une portée originale.
Au sortir des études classiques, les collections d’Arles offriraient, à côté des monu-
ments de la ville, une haute leçon de choses. Celui qui saurait lire à travers ces
inestimables débris, y puiserait pour l’histoire de la pensée religieuse et pour
l’histoire de l’ancienne Gaule, une part très personnelle de réflexions.
ANTONY VALABRÈGUE.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
Nous recommandons le Musée d’Arles, comme fécond en révélations et en
surprises à ces écrivains qui aiment à étudier les fins de siècle, les déclins de
races, les recommencements de l’humanité. Un lettré pénétrant et compréhensif»
comme M. Anatole France, l’auteur de Thaïs et des Noces corinthiennes, ferait
certainement ses délices des images raffinées et complexes qu’il découvrirait parmi
tant d’œuvres où le paganisme expirant a laissé passer le dernier souffle de sa
lente agonie.
Les statuaires de grand mérite, au ciseau si ferme et quelque peu décadent,
qui ont rendu les types et les idées de la religion chrétienne, avaient créé sans
doute des ateliers florissants, au cœur de la ville d’Arles. Ils ont dù former, au
ive et au ve siècle, une puissante et vivante école. Les cités riveraines du Rhône,
Lyon, Vienne, Valence, ne possédaient-elles point aussi leur pléiade de sculpteurs,
occupés à s’inspirer d’un art nouveau, qui élevait ses autels et bâtissait des églises
romanes ? Aucun de ces maîtres, si profondément imbus de l’enseignement du
passé, ne pouvait alors se douter que la statuaire devait passer par les balbutie-
ments et les naïvetés gothiques. Si le Musée d’Arles avait le catalogue qu’il attend
et qu’il doit avoir, on aimerait à y retrouver plus d’une notion précise, destinée
à faire valoir le caractère et le style de ces monuments qui, dans leur langage
mystérieux, semblent nous dire tant de choses.
Au point où nous en sommes et en tenant compte des ressources d’érudition
dont nous disposons, nous pouvons nous demander s’il doit y avoir encore des
Musées ainsi abandonnés. Nous appelons l’attention du ministre do l’Instruction
publique et de notre très actif et très éclairé directeur des Beaux-Arts, sur les col-
lections de province qui ne sont pas inventoriées.
La ville d’Arles, qui attire tant de voyageurs, gagnerait à pouvoir leur offrir un
catalogue sérieux des œuvres qu’elle possède. Nous souhaiterions que son Musée
lapidaire devînt une sorte de Musée d’éducation. On pourrait en faire, dans le
Midi, l’objet d’excursions et de voyages scolaires, qui auraient une portée originale.
Au sortir des études classiques, les collections d’Arles offriraient, à côté des monu-
ments de la ville, une haute leçon de choses. Celui qui saurait lire à travers ces
inestimables débris, y puiserait pour l’histoire de la pensée religieuse et pour
l’histoire de l’ancienne Gaule, une part très personnelle de réflexions.
ANTONY VALABRÈGUE.