LES DÉBUTS DES VAN EYCK
1
« cette production, en quelque sorte spontanée, de la peinture
flamande n’a pas cessé de préoccuper les historiens de l’art ».
Il est vrai qu’il y a à tenir compte des ravages opérés par le
temps. Les documents d’archives, les pièces de comptabilité laissent
soupçonner, antérieurement aux van Eyck, l’exécution d’importantes
œuvres de peinture qui ont malheureusement disparu sans laisser
de traces. Quelques épaves à peine ont surnagé de ce grand naufrage.
Parmi elles, trois ou quatre pièces peuvent être citées comme révé-
lant déjà de grandes qualités chez leurs auteurs. Mentionnons en
première ligne les deux volets de retable de Melchior Broederlam au
musée de Dijon; puis, au Louvre, le tableau rond représentant La
Trinité avec la Vierge et saint Jean et le panneau du Martyre de
saint Denis, venant tous deux des ducs de Bourgogne et attribués,
avec vraisemblance, à Jean Malouel ou Mahvel et au Brabançon
Henri Bellechose. Mais d’au Ires œuvres, paraissant à peu près
de la même époque, la Vierge aux donateurs de l’hospice Belle à
Ypres, le Calvaire de la corporation des Tanneurs à l'église Saint-
Sauveur de Bruges, ne donnent pas une idée brillante de la moyenne
des productions de l’école au commencement du xvc siècle. En
comparant ces productions, et quelques autres analogues, avec ce
qu’ont su faire les van Eyck, on a l’impression d’un immense pro-
grès accompli tout à coup; on se sent porté à répéter avec un très
fin critique de Belgique, M. G. Hulin : « L’histoire de l'art mécon-
naît pas d’autre exemple d’un bond aussi prodigieux1. »
Comment a pu se former ce talent extraordinaire des van Eyck?
Dans quelles conditions ceux-ci ont-ils débuté? Quelles sont leurs
plus anciennes œuvres, celles surtout auxquelles a pu travailler
l’aîné des deux frères, Hubert, dont Jean, plus jeune, aurait été
l’élève, suivant d’anciens témoignages? Ces questions ont été plu-
sieurs fois agitées par les érudits, notamment dans la Gazette des
Beaux-Arts, où ont paru l’article de M. Karl Yoil sur Jan van Eyck
en France et surtout le remarquable travail de M. W.-H.-James
Weale sur Hubert van Eyck2. Mais combien ces questions restent
encore enveloppées d’obscurités!
Une première remarque doit être faite. Les frères van Eyck, on
le sait, étaient originaires de Maeseyck, dans le Limbourg. Dans ce
mênœ pays de Limbourg se trouvent aussi des villes comme Maes-
1. Georges H. de Loo [G. Hulin], Catalogue critique de l’Exposition de Bruges
en 1902, p. 2.
2. Gazette des Beaux-Arts, 3epér., t. XXV, p. 21o et 474.
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« cette production, en quelque sorte spontanée, de la peinture
flamande n’a pas cessé de préoccuper les historiens de l’art ».
Il est vrai qu’il y a à tenir compte des ravages opérés par le
temps. Les documents d’archives, les pièces de comptabilité laissent
soupçonner, antérieurement aux van Eyck, l’exécution d’importantes
œuvres de peinture qui ont malheureusement disparu sans laisser
de traces. Quelques épaves à peine ont surnagé de ce grand naufrage.
Parmi elles, trois ou quatre pièces peuvent être citées comme révé-
lant déjà de grandes qualités chez leurs auteurs. Mentionnons en
première ligne les deux volets de retable de Melchior Broederlam au
musée de Dijon; puis, au Louvre, le tableau rond représentant La
Trinité avec la Vierge et saint Jean et le panneau du Martyre de
saint Denis, venant tous deux des ducs de Bourgogne et attribués,
avec vraisemblance, à Jean Malouel ou Mahvel et au Brabançon
Henri Bellechose. Mais d’au Ires œuvres, paraissant à peu près
de la même époque, la Vierge aux donateurs de l’hospice Belle à
Ypres, le Calvaire de la corporation des Tanneurs à l'église Saint-
Sauveur de Bruges, ne donnent pas une idée brillante de la moyenne
des productions de l’école au commencement du xvc siècle. En
comparant ces productions, et quelques autres analogues, avec ce
qu’ont su faire les van Eyck, on a l’impression d’un immense pro-
grès accompli tout à coup; on se sent porté à répéter avec un très
fin critique de Belgique, M. G. Hulin : « L’histoire de l'art mécon-
naît pas d’autre exemple d’un bond aussi prodigieux1. »
Comment a pu se former ce talent extraordinaire des van Eyck?
Dans quelles conditions ceux-ci ont-ils débuté? Quelles sont leurs
plus anciennes œuvres, celles surtout auxquelles a pu travailler
l’aîné des deux frères, Hubert, dont Jean, plus jeune, aurait été
l’élève, suivant d’anciens témoignages? Ces questions ont été plu-
sieurs fois agitées par les érudits, notamment dans la Gazette des
Beaux-Arts, où ont paru l’article de M. Karl Yoil sur Jan van Eyck
en France et surtout le remarquable travail de M. W.-H.-James
Weale sur Hubert van Eyck2. Mais combien ces questions restent
encore enveloppées d’obscurités!
Une première remarque doit être faite. Les frères van Eyck, on
le sait, étaient originaires de Maeseyck, dans le Limbourg. Dans ce
mênœ pays de Limbourg se trouvent aussi des villes comme Maes-
1. Georges H. de Loo [G. Hulin], Catalogue critique de l’Exposition de Bruges
en 1902, p. 2.
2. Gazette des Beaux-Arts, 3epér., t. XXV, p. 21o et 474.