GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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avec son intelligence si large et si pénétrante, il avait posé les bases et com-
mencé la réalisation.
Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler ici le programme que l'éminent
directeur des Archives avait tracé à ses collaborateurs. 11 se proposait de
réunir à Paris une collection des empreintes de tous les sceaux existant,non
seulement dans les collections parisiennes, mais encore dans les archives dépar-
tementales. Les précieuses et exactes indications que l’histoire du costume, la
paléographie, aussi bien que l’histoire de l’art, pouvaient retirer de cette collec-
tion unique, Germain Dernay l’a bien montré dans les dissertations savantes pla-
cées en tête de ses catalogues, et aussi dans ses mémoires sur le costume civil,
religieux ou guerrier, fondus dans son ouvrage sur le costume au moyen âge
d’après les sceaux. Un des premiers, il insista sur le nombre considérable
d’intailles, soit antiques, soit modernes, insérées dans des sceaux dont une légende
nous indique le possesseur et la date. On ne saurait donc trop regretter que
l’exploration entreprise par lui, sur l’initiative du marquis de Laborde, et qui a
fourni les éléments des inventaires des sceaux de Flandre, d’Artois, de Picardie
et de Normandie, n’ait pas été poursuivie dans les autres provinces françaises, car
on a laissé passer l’occasion et le moment de sauver beaucoup de monuments
précieux, qu’on trouvera fort compromis ou qui auront complètement disparu
si on reprend quelque jour — ce qui semble maintenant plus que douteux —
l’enquête si fâcheusement interrompue. On ne doit pas se dissimuler en effet que,
depuis que les archives publiques sont explorées comme elles ne l’ont jamais été
parle passé, ces fragiles empreintes de cire, vieilles de plusieurs siècles, courent
les plus graves dangers. Quelque précaution qu’on prenne pour leur préservation,
elles sont condamnées à une imminente destruction, et il ne serait pas difficile de
citer maint exemple de sceaux, moulés naguère pour le cabinet sigillaire des
Archives, dont il n’existe plus que d’informes fragments ou qui sont tout à fait
détruits aujourd’hui. Le mal ne cessera d’aller en augmentant.
M. Babelon n’a pas manqué d’insister sur la contribution que l’étude des
sceaux apportait à l’histoire de la gravure en pierres fines.
« L’étude des gemmes qui ont servi de sceaux au moyen âge, dit-il1, mérite-
rait d’être entreprise dans son ensemble et avec une critique rigoureuse. Nous
avons vu, dans la période carolingienne et au début de l’ère féodale, le parti
qu’on en peut tirer pour l’histoire de la glyptique à cette époque; les pages
qui suivent vont démontrer qu’on aboutirait à des résultats encore plus saisis-
sants et plus nouveaux pour les siècles postérieurs, jusqu’au xvie siècle. »
L’appel de M. Babelon sera-t-il entendu? Il y aurait là une mine précieuse à
exploiter. Maint exemple cité par notre savant confrère montre les résultats
considérables que cette élude produirait.
Voici le sceau secret du roi Jean le Bon, reproduction encore un peu gauche
sans doute, mais bien certaine, d'une charmante intaille de Dioscoride, le plus
renommé des graveurs du temps d’Auguste.
L’intaille sur saphir, sertie dans une bague d’or, qui faisait partie de la col-
lection du baron Jérôme Bichon, nous montre l’effort d’un artiste du xive siècle
pour s'affranchir de l’imitation directe de l’antiquité. L’intaille représente un
1. Page 85.
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avec son intelligence si large et si pénétrante, il avait posé les bases et com-
mencé la réalisation.
Peut-être n’est-il pas inutile de rappeler ici le programme que l'éminent
directeur des Archives avait tracé à ses collaborateurs. 11 se proposait de
réunir à Paris une collection des empreintes de tous les sceaux existant,non
seulement dans les collections parisiennes, mais encore dans les archives dépar-
tementales. Les précieuses et exactes indications que l’histoire du costume, la
paléographie, aussi bien que l’histoire de l’art, pouvaient retirer de cette collec-
tion unique, Germain Dernay l’a bien montré dans les dissertations savantes pla-
cées en tête de ses catalogues, et aussi dans ses mémoires sur le costume civil,
religieux ou guerrier, fondus dans son ouvrage sur le costume au moyen âge
d’après les sceaux. Un des premiers, il insista sur le nombre considérable
d’intailles, soit antiques, soit modernes, insérées dans des sceaux dont une légende
nous indique le possesseur et la date. On ne saurait donc trop regretter que
l’exploration entreprise par lui, sur l’initiative du marquis de Laborde, et qui a
fourni les éléments des inventaires des sceaux de Flandre, d’Artois, de Picardie
et de Normandie, n’ait pas été poursuivie dans les autres provinces françaises, car
on a laissé passer l’occasion et le moment de sauver beaucoup de monuments
précieux, qu’on trouvera fort compromis ou qui auront complètement disparu
si on reprend quelque jour — ce qui semble maintenant plus que douteux —
l’enquête si fâcheusement interrompue. On ne doit pas se dissimuler en effet que,
depuis que les archives publiques sont explorées comme elles ne l’ont jamais été
parle passé, ces fragiles empreintes de cire, vieilles de plusieurs siècles, courent
les plus graves dangers. Quelque précaution qu’on prenne pour leur préservation,
elles sont condamnées à une imminente destruction, et il ne serait pas difficile de
citer maint exemple de sceaux, moulés naguère pour le cabinet sigillaire des
Archives, dont il n’existe plus que d’informes fragments ou qui sont tout à fait
détruits aujourd’hui. Le mal ne cessera d’aller en augmentant.
M. Babelon n’a pas manqué d’insister sur la contribution que l’étude des
sceaux apportait à l’histoire de la gravure en pierres fines.
« L’étude des gemmes qui ont servi de sceaux au moyen âge, dit-il1, mérite-
rait d’être entreprise dans son ensemble et avec une critique rigoureuse. Nous
avons vu, dans la période carolingienne et au début de l’ère féodale, le parti
qu’on en peut tirer pour l’histoire de la glyptique à cette époque; les pages
qui suivent vont démontrer qu’on aboutirait à des résultats encore plus saisis-
sants et plus nouveaux pour les siècles postérieurs, jusqu’au xvie siècle. »
L’appel de M. Babelon sera-t-il entendu? Il y aurait là une mine précieuse à
exploiter. Maint exemple cité par notre savant confrère montre les résultats
considérables que cette élude produirait.
Voici le sceau secret du roi Jean le Bon, reproduction encore un peu gauche
sans doute, mais bien certaine, d'une charmante intaille de Dioscoride, le plus
renommé des graveurs du temps d’Auguste.
L’intaille sur saphir, sertie dans une bague d’or, qui faisait partie de la col-
lection du baron Jérôme Bichon, nous montre l’effort d’un artiste du xive siècle
pour s'affranchir de l’imitation directe de l’antiquité. L’intaille représente un
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