GAZETTE DES BEAUX-ARTS
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exquise : : « La grâce domine en lui et le charme opère toujours. Il
est bon, charitable, doux, délicat dans l’éloge, et cet homme qu’on
croit amer, a des indulgences exquises pour les artistes au début et
pour les vieux peintres au déclin. »
Des voyages fréquents auprès de ses maîtres de Venise et de Flo-
rence, le commerce de quelques amis sérieux et profonds tels que
Chenavard, ses lettres à son frère, toutes empreintes d’une tendresse
et d’une confiance infinie, tels furent, en dehors de ses travaux, les
événements de sa vie.
/
Le monde contemporain ne l’intéresse pas. Il vit hors du temps
présent, et, comme pour symboliser son dédain de l’actuel, il a effacé
les heures de l’horloge de son atelier. Un pouvoir féerique l’eût trans-
porté dans Venise telle qu’elle était au xvie siècle, dans cette Venise
dont il parle avec amour le dialecte savoureux, qu’il n’en eût pas été
étonné outre mesure, tout heureux de s’accouder à quelque balcon
du Canal Grande, vêtu comme un portrait de Bordone. De cette Venise,
sa véritable patrie, il ne voit que les pierres illustres. « Maintenant je
flâne recueilli sur la plage la plus curieuse du monde, la foule en toi-
lette et l’isolement de cette indifférence qui revient à la vie des bois,
on se dit bonjour de-ci et de-là sans s’accrocher les uns les autres. »
Son portrait peint par lui-même un an avant sa mort1 2, et plus
ressemblant que celui du Louvre3, nous le montre coiffé d’une calotte
rouge, le vaste front bombé illuminant la toile, le sérieux de la
bouche et du regard tempéré par une sorte de douceur ironique.
La mort lui fut clémente. « Le 23 janvier 1873, à Paris, il était à
table chez des amis, lorsqu'il s’affaissa subitement, succombant à une
paralysie du cœur. » Il laissait inachevé un portrait de Chenavard,
aujourd'hui au musée de Marseille. La même année une exposition
rétrospective de ses œuvres était organisée à Marseille par le Cercle
artistique. D’autre part, à Paris, une exposition au profit des Alsa-
ciens-Lorrains réunissait en mai 1873, à l’Ecole des Beaux-Arts,
cent quarante-cinq toiles de Ricard.
Les portraits constituent le plus important de l’œuvre de Ricard.
Le catalogue adjoint à la notice de M. Paul de Musset4 en compte
1. Gazette des Beaux-Arts, 2e pér., t. VII, p. 217 et suiv.
2. Appartient à M. J. Charles-Roux.
3. Gravé dans la Gazette des Beaux-Arts, 2e pér., t. VII, p. 222.
4. Notice sur la vie de G. Ricard, par P. de Musset. Paris, 1873.
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exquise : : « La grâce domine en lui et le charme opère toujours. Il
est bon, charitable, doux, délicat dans l’éloge, et cet homme qu’on
croit amer, a des indulgences exquises pour les artistes au début et
pour les vieux peintres au déclin. »
Des voyages fréquents auprès de ses maîtres de Venise et de Flo-
rence, le commerce de quelques amis sérieux et profonds tels que
Chenavard, ses lettres à son frère, toutes empreintes d’une tendresse
et d’une confiance infinie, tels furent, en dehors de ses travaux, les
événements de sa vie.
/
Le monde contemporain ne l’intéresse pas. Il vit hors du temps
présent, et, comme pour symboliser son dédain de l’actuel, il a effacé
les heures de l’horloge de son atelier. Un pouvoir féerique l’eût trans-
porté dans Venise telle qu’elle était au xvie siècle, dans cette Venise
dont il parle avec amour le dialecte savoureux, qu’il n’en eût pas été
étonné outre mesure, tout heureux de s’accouder à quelque balcon
du Canal Grande, vêtu comme un portrait de Bordone. De cette Venise,
sa véritable patrie, il ne voit que les pierres illustres. « Maintenant je
flâne recueilli sur la plage la plus curieuse du monde, la foule en toi-
lette et l’isolement de cette indifférence qui revient à la vie des bois,
on se dit bonjour de-ci et de-là sans s’accrocher les uns les autres. »
Son portrait peint par lui-même un an avant sa mort1 2, et plus
ressemblant que celui du Louvre3, nous le montre coiffé d’une calotte
rouge, le vaste front bombé illuminant la toile, le sérieux de la
bouche et du regard tempéré par une sorte de douceur ironique.
La mort lui fut clémente. « Le 23 janvier 1873, à Paris, il était à
table chez des amis, lorsqu'il s’affaissa subitement, succombant à une
paralysie du cœur. » Il laissait inachevé un portrait de Chenavard,
aujourd'hui au musée de Marseille. La même année une exposition
rétrospective de ses œuvres était organisée à Marseille par le Cercle
artistique. D’autre part, à Paris, une exposition au profit des Alsa-
ciens-Lorrains réunissait en mai 1873, à l’Ecole des Beaux-Arts,
cent quarante-cinq toiles de Ricard.
Les portraits constituent le plus important de l’œuvre de Ricard.
Le catalogue adjoint à la notice de M. Paul de Musset4 en compte
1. Gazette des Beaux-Arts, 2e pér., t. VII, p. 217 et suiv.
2. Appartient à M. J. Charles-Roux.
3. Gravé dans la Gazette des Beaux-Arts, 2e pér., t. VII, p. 222.
4. Notice sur la vie de G. Ricard, par P. de Musset. Paris, 1873.