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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Avons-nous le droit d’esquisser un geste de merci banal, une fois
les miniatures sous vitrines et les documents sous cartons? La
Gazette ne l'a pas pensé, car elle veut mettre en belle lumière cette
suite de miniatures et donner cours aux pages d’un essai de biogra-
phie. L’artiste le mérite doublement : il est victime d’une rencontre
de nom avec les peintres Dumont le Romain et Charles-Isidore
Dumont, avec les sculpteurs Pierre, François, Edme, Jacques, Phi-
lippe, Augustin Dumont, avec l’architecte Gabriel Dumont, avec les
graveurs François-Pierre et Louis-Paul Dumont, tous étrangers à lui ;
mais surtout sa célébrité d’antan risquait de disparaître entre les
deux passions exclusives de nos amateurs actuels pour Hall et pour
Isabey.
I
François Dumont naquit à Lunéville, le 7 janvier 1751, de Tous-
saint Dumont et de Marguerite Rebours : deuxième fils d’une pauvre
couvée de six enfants. Dès dix ans, il allait au rudiment chez le
sculpteur Mathis, et, quelques mois plus tard, son père le hissait
dans le coche de Nancy, pour le présenter au peintre Girardet. L’ate-
lier de Jean Girardet était alors l’école lorraine la mieux réputée.
Le maître, premier peintre du roi Stanislas, joignait au prestige de sa
production officielle, l’avantage d’enseigner de tout... jusqu’à l’archi-
tecture. Pur dessinateur, disciple de Claude Charles, ample compo-
siteur, dont huit années d’Italie avaient fait un habile plafonneur,
portraitiste notable pour la ressemblance, de quels yeux ses élèves
ne l’admiraient-ils pas! Le petit cadet Dumont commença par broyer
les couleurs, le rôle des nouveaux arrivants, puis eut la joie de se
voir mettre les crayons aux doigts, avec une sollicitude attentive.
Comment répondre aux soins de Girardet, sinon par l’acharné
travail?
Mais une brusque circonstance allait écourter le bonheur de cet
apprentissage. En 1768, Dumont devenait orphelin, avec charge
de trois sœurs et d’un plus jeune frère, car l’aîné, prenant le parti
des armes, le laissait soutien de ces quatre existences. Nourricier,
pour ses dix-septans ! un autre, de moindre courage, eût détalé. Fran-
çois prit la fuite... mais pour mieux suffire à la tâche. De quel point
de 1 horizon, sauf de Paris, espérer de menus gains rapides, conci-
liables avec le profit supérieur d’un achèvement de formalion per-
sonnelle? Lesté de trois pièces d’or et de quelques lettres d’appui, le
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
Avons-nous le droit d’esquisser un geste de merci banal, une fois
les miniatures sous vitrines et les documents sous cartons? La
Gazette ne l'a pas pensé, car elle veut mettre en belle lumière cette
suite de miniatures et donner cours aux pages d’un essai de biogra-
phie. L’artiste le mérite doublement : il est victime d’une rencontre
de nom avec les peintres Dumont le Romain et Charles-Isidore
Dumont, avec les sculpteurs Pierre, François, Edme, Jacques, Phi-
lippe, Augustin Dumont, avec l’architecte Gabriel Dumont, avec les
graveurs François-Pierre et Louis-Paul Dumont, tous étrangers à lui ;
mais surtout sa célébrité d’antan risquait de disparaître entre les
deux passions exclusives de nos amateurs actuels pour Hall et pour
Isabey.
I
François Dumont naquit à Lunéville, le 7 janvier 1751, de Tous-
saint Dumont et de Marguerite Rebours : deuxième fils d’une pauvre
couvée de six enfants. Dès dix ans, il allait au rudiment chez le
sculpteur Mathis, et, quelques mois plus tard, son père le hissait
dans le coche de Nancy, pour le présenter au peintre Girardet. L’ate-
lier de Jean Girardet était alors l’école lorraine la mieux réputée.
Le maître, premier peintre du roi Stanislas, joignait au prestige de sa
production officielle, l’avantage d’enseigner de tout... jusqu’à l’archi-
tecture. Pur dessinateur, disciple de Claude Charles, ample compo-
siteur, dont huit années d’Italie avaient fait un habile plafonneur,
portraitiste notable pour la ressemblance, de quels yeux ses élèves
ne l’admiraient-ils pas! Le petit cadet Dumont commença par broyer
les couleurs, le rôle des nouveaux arrivants, puis eut la joie de se
voir mettre les crayons aux doigts, avec une sollicitude attentive.
Comment répondre aux soins de Girardet, sinon par l’acharné
travail?
Mais une brusque circonstance allait écourter le bonheur de cet
apprentissage. En 1768, Dumont devenait orphelin, avec charge
de trois sœurs et d’un plus jeune frère, car l’aîné, prenant le parti
des armes, le laissait soutien de ces quatre existences. Nourricier,
pour ses dix-septans ! un autre, de moindre courage, eût détalé. Fran-
çois prit la fuite... mais pour mieux suffire à la tâche. De quel point
de 1 horizon, sauf de Paris, espérer de menus gains rapides, conci-
liables avec le profit supérieur d’un achèvement de formalion per-
sonnelle? Lesté de trois pièces d’or et de quelques lettres d’appui, le