FRANÇOIS DUMONT
179
voilà descendant du coche de sa province et courant aux besognes à
portée de sa main, besognes de dix sortes, où les boutons d’habits
pour tailleurs à la mode ne devaient pas tenir le rang le moins pro-
ductif. Faut-il même voir l’origine de sa voie de miniature, dans le
genre assez minuscule de ces premiers gagne-pain? Peut-être, et
toute conjecture reste permise en l’absence d’indices certains. Tou-
tefois, la plus vraisemblable serait une influence directe de Girardet.
Au dire du sagace historien de la Lorraine, M. Albert Jacquot,
Girardet excellait à la miniature, lorsque l’occasion s’en offrait : la
mémoire demeurait surtout vivace parmi ses élèves d’une Vue de
l'ancienne chapelle de Bon-Secours de Nancy faite à la prière du duc
Charles, gouverneur des Pays-Bas, travail d’une rare précision
vivante.
Quels petits maîtres de la miniature le nouveau venu devait-il
avoir hâte de connaître? Tous et chacun ; et le nombre n’était pas de
peu.
Mais ce nombre ne faisait guère diversité, car un seul artiste s’y
dégageait des formules admises. Les autres — l’unanimité, moins
cet unique — se réclamaient des règles de Massé. Faut-il redire leurs
noms, la plupart connus des lecteurs de la Gazette — et combien
savamment — lors des lumineuses études de M. Bouchot, sur Le por-
te ait-miniature en France1 : Lebrun, Prévôt, Hubert Drouais, Durand,
Casaubon, [loyer, MUes Navarre etXavery, Garand, Ghasselat, Augus-
tin Darmancourt, Jacques Charlier, Vincent de Montpetit étaient les
plus réputés. Certes, leur modèle et parangon ne les avait pas induits
en principes de médiocre aloi. Quel feuilleteur de dessins n’a ren-
contré de ces croquis préliminaires par où Massé préludait aux
miniatures, et dont l’Albertine de Vienne possède le plus attrayant
spécimen peut-être, un portrait de jeune femme ? C’étaient choses à
ia fois délicates et précises, comme les pouvait faire un miniaturiste
d’abord peintre et graveur. Sitôt ces documents d’après nature,
venait le travail de l’ivoire. Massé peignait à larges teintes plates,
laissait sécher, puis reprenait au pointillé les fonds et les figures,
modelant jusqu’à l’extrême, par atavisme. Fils de joaillier, son idéal
de famille et de début ne manquait, en effet, d’être l’amour du grand
fini — passion précieuse, semble-t-il, à l’art de la miniature, puisque
la miniature peut se définir un joyau peint, un bijou ciselé de colo-
riste. Ce fut auquel des adeptes de Massé l’imiterait le plus fidèlement.
A la date de 1760, surgit un adversaire des miniatures caressées :
1. V. Gazette des Beaux-arts, 3e pér., t. XI, XII, XIII et XIV.
179
voilà descendant du coche de sa province et courant aux besognes à
portée de sa main, besognes de dix sortes, où les boutons d’habits
pour tailleurs à la mode ne devaient pas tenir le rang le moins pro-
ductif. Faut-il même voir l’origine de sa voie de miniature, dans le
genre assez minuscule de ces premiers gagne-pain? Peut-être, et
toute conjecture reste permise en l’absence d’indices certains. Tou-
tefois, la plus vraisemblable serait une influence directe de Girardet.
Au dire du sagace historien de la Lorraine, M. Albert Jacquot,
Girardet excellait à la miniature, lorsque l’occasion s’en offrait : la
mémoire demeurait surtout vivace parmi ses élèves d’une Vue de
l'ancienne chapelle de Bon-Secours de Nancy faite à la prière du duc
Charles, gouverneur des Pays-Bas, travail d’une rare précision
vivante.
Quels petits maîtres de la miniature le nouveau venu devait-il
avoir hâte de connaître? Tous et chacun ; et le nombre n’était pas de
peu.
Mais ce nombre ne faisait guère diversité, car un seul artiste s’y
dégageait des formules admises. Les autres — l’unanimité, moins
cet unique — se réclamaient des règles de Massé. Faut-il redire leurs
noms, la plupart connus des lecteurs de la Gazette — et combien
savamment — lors des lumineuses études de M. Bouchot, sur Le por-
te ait-miniature en France1 : Lebrun, Prévôt, Hubert Drouais, Durand,
Casaubon, [loyer, MUes Navarre etXavery, Garand, Ghasselat, Augus-
tin Darmancourt, Jacques Charlier, Vincent de Montpetit étaient les
plus réputés. Certes, leur modèle et parangon ne les avait pas induits
en principes de médiocre aloi. Quel feuilleteur de dessins n’a ren-
contré de ces croquis préliminaires par où Massé préludait aux
miniatures, et dont l’Albertine de Vienne possède le plus attrayant
spécimen peut-être, un portrait de jeune femme ? C’étaient choses à
ia fois délicates et précises, comme les pouvait faire un miniaturiste
d’abord peintre et graveur. Sitôt ces documents d’après nature,
venait le travail de l’ivoire. Massé peignait à larges teintes plates,
laissait sécher, puis reprenait au pointillé les fonds et les figures,
modelant jusqu’à l’extrême, par atavisme. Fils de joaillier, son idéal
de famille et de début ne manquait, en effet, d’être l’amour du grand
fini — passion précieuse, semble-t-il, à l’art de la miniature, puisque
la miniature peut se définir un joyau peint, un bijou ciselé de colo-
riste. Ce fut auquel des adeptes de Massé l’imiterait le plus fidèlement.
A la date de 1760, surgit un adversaire des miniatures caressées :
1. V. Gazette des Beaux-arts, 3e pér., t. XI, XII, XIII et XIV.