204
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
une science consommée et un goût parfait. — Un dessin à la sanguine
par Michel-Ange, autrefois dans la collection du marquis de Chen-
nevières, ne s'impose pas moins à l’admiration. C’est un projet pour
Y Adam et Eve du plafond de la Chapelle Sixtinc. Ici encore, le nu
est traité avec une habileté qui n’a pas été dépassée. La beauté des
formes a une singulière noblesse. — De Signorelli, le précurseur
de Michel-Ange, la collection Bonnat possède une figure d’homme
nu, vue de dos, exécutée à la pierre noire. C’est un magnifique des-
sin, qui se distingue par l’élégance des lignes et par la souplesse du
modelé. Auprès du personnage se trouve une très belle étude de
pied. —- Le même meuble tournant où se trouvent presque tous les
dessins italiens renferme quelques dessins d’Altichiero da Zevio et
de Vittore Pisano, une Vierge avec Venfant Jésus par Botticelli, une
Tête de 'jeune homme par Lorenzo di Credi, un Couronnement de la
Vierge par Domcnico Ghirlandajo, un Triton avec une figure sym-
bolisant l’Envie par Mantegna, une Présentation de la Vierge au
temple par Giovanni Bellini, une Circoncision par Giorgione, une
miniature sur vélin représentant le buste du Christ sur un autel et
deux personnages à genoux. Ces précieuses productions, très diffé-
rentes de style, sont toutes inspirées par un commun amour du
beau. La poursuite de l’idéal prend pour point d’appui l’étude de
la nature et parfois même l’étude de l’art antique.
On constate en même temps que si les écoles italiennes ont eu
chacune des visées particulières, elles portent du moins l’empreinte
d’un même pays, d’un pays privilégié où, pendant le xv° et le
xvie siècle, les œuvres d’art ont germé comme une riche moisson,
pour le plaisir et le profit des générations futures.
Jusqu’à présent Léonard de Vinci n’a pas été nommé. Cet artiste,
grand entre les grands, n’est heureusement pas absent de la collec-
tion Bonnat. Quelques croquis pour la Madonna del Gatto ont un
caractère indéniable d’authenticité. Le doute, au contraire, est per-
mis devant une étude pour une tête de Vierge, dont la douce et
délicate beauté exerce un irrésistible attrait. Si l’on écarte Léonard
de Vinci, peut-être faut-il admettre soit Ambrogio de Prédis, soit
Zénale, soit Luini, qui a souvent donné un charme si pénétrant à ses
figures religieuses. Qu’importe, du reste, le nom de fauteur? L’es-
sentiel, c’est le mérite de l’œuvre. Or, on ne peut formuler ici
qu’une admiration sans réserve. Quelle pureté dans ces regards à
demi baissés ! Quelle grâce dans ces cheveux qui descendent en on-
dulant sur les épaules ! Combien est harmonieuse la forme du visage 1
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
une science consommée et un goût parfait. — Un dessin à la sanguine
par Michel-Ange, autrefois dans la collection du marquis de Chen-
nevières, ne s'impose pas moins à l’admiration. C’est un projet pour
Y Adam et Eve du plafond de la Chapelle Sixtinc. Ici encore, le nu
est traité avec une habileté qui n’a pas été dépassée. La beauté des
formes a une singulière noblesse. — De Signorelli, le précurseur
de Michel-Ange, la collection Bonnat possède une figure d’homme
nu, vue de dos, exécutée à la pierre noire. C’est un magnifique des-
sin, qui se distingue par l’élégance des lignes et par la souplesse du
modelé. Auprès du personnage se trouve une très belle étude de
pied. —- Le même meuble tournant où se trouvent presque tous les
dessins italiens renferme quelques dessins d’Altichiero da Zevio et
de Vittore Pisano, une Vierge avec Venfant Jésus par Botticelli, une
Tête de 'jeune homme par Lorenzo di Credi, un Couronnement de la
Vierge par Domcnico Ghirlandajo, un Triton avec une figure sym-
bolisant l’Envie par Mantegna, une Présentation de la Vierge au
temple par Giovanni Bellini, une Circoncision par Giorgione, une
miniature sur vélin représentant le buste du Christ sur un autel et
deux personnages à genoux. Ces précieuses productions, très diffé-
rentes de style, sont toutes inspirées par un commun amour du
beau. La poursuite de l’idéal prend pour point d’appui l’étude de
la nature et parfois même l’étude de l’art antique.
On constate en même temps que si les écoles italiennes ont eu
chacune des visées particulières, elles portent du moins l’empreinte
d’un même pays, d’un pays privilégié où, pendant le xv° et le
xvie siècle, les œuvres d’art ont germé comme une riche moisson,
pour le plaisir et le profit des générations futures.
Jusqu’à présent Léonard de Vinci n’a pas été nommé. Cet artiste,
grand entre les grands, n’est heureusement pas absent de la collec-
tion Bonnat. Quelques croquis pour la Madonna del Gatto ont un
caractère indéniable d’authenticité. Le doute, au contraire, est per-
mis devant une étude pour une tête de Vierge, dont la douce et
délicate beauté exerce un irrésistible attrait. Si l’on écarte Léonard
de Vinci, peut-être faut-il admettre soit Ambrogio de Prédis, soit
Zénale, soit Luini, qui a souvent donné un charme si pénétrant à ses
figures religieuses. Qu’importe, du reste, le nom de fauteur? L’es-
sentiel, c’est le mérite de l’œuvre. Or, on ne peut formuler ici
qu’une admiration sans réserve. Quelle pureté dans ces regards à
demi baissés ! Quelle grâce dans ces cheveux qui descendent en on-
dulant sur les épaules ! Combien est harmonieuse la forme du visage 1