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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 3
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Michel, Émile: Tableaux et dessins, 2: la collection Dutuit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0254

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

colorations rouges et jaunâtres qu’il juxtapose avec plus de dureté
que de bonheur, Brouwer s’assouplit bientôt et acquiert très rapi-
dement l’ensemble des rares qualités qui justifient sa réputation.
Observateur pénétrant, il excelle à donner à ses figures la force et la
vérité saisissante dee expressions les plus variées. Avec une intelli-
gence très personnelle des ressources du clair-obscur, il sait con-
struire un tableau et, en n’insistant que sur ce qui est essentiel,
subordonner tous les détails à l’effet général. Coloriste à la fois
puissant et délicat, il exalte et rapproche très heureusement les tona-
lités qui doivent dominer dans son œuvre. Son exécution, enfin, très
savante sans aucune parade de virtuosité, a dans sa sobriété voulue
autant de charme que de décision et de fermeté. Quand, trop rare-
ment, il a fait intervenir la nature dans les fonds, ou môme quand il
l’a prise comme le sujet principal de ses tableaux, Brouwer s’est
montré un paysagiste de premier ordre. Les dunes qu’il a peintes de
sa touche la plus légère et la plus sûre dans les Joueurs de boules du
musée de Bruxelles, le Berger et le Clair de lune du musée de Berlin
sont des ouvrages exquis, tout pénétrés de lumière et de fraîcheur,
qui, en montrant la souplesse de son pinceau, font vivement regretter
que, fuyant parfois l’atmosphère empestée des taudis où il se com-
plaît, il n’ait pas plus souvent donné à ses poumons et à son talent
les satisfactions d’un air plus salubre et plus pur, respiré librement
en pleine campagne.

Les Buveurs de la collection Dutuit appartiennent à la période
moyenne de la carrière de Brouwer. Il a perdu l’âpreté, la dureté de
sa manière initiale; les colorations très intenses s’accordent cepen-
dant entre elles, et, au lieu de se heurter, le rouge et le jaune du
costume de la figure principale se font mutuellement valoir. Avec
sa trogne enluminée, cette figure d’ivrogne vue de face, et braillant
à tue-tête sa chanson bachique, est une merveille de naturel et
d’expression; jamais la touche du peintre n’a eu plus de largeur, de
savoureuse précision et de finesse.

A l’encontre de la courte vie de Brouwer et des obscurités qu’elle
présente encore, celle de Téniers, très longue et très brillante, s’est
passée en pleine lumière. Si, avec des analogies de talent assez pro-
noncées, les deux artistes ont traité les mêmes sujets, on est, du
moins, mieux informé sur les origines de Téniers et sur les ensei-
gnements qu il a reçus. Flamand par sa famille et par sa naissance
à Anvers en 1610, il l’est aussi par l’éducation que lui donna son
père et par son existence qui, tout entière, devait s’écouler dans les
 
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