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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 3
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Michel, Émile: Tableaux et dessins, 2: la collection Dutuit
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0269

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LA COLLECTION DUTUIT

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ingénus et futés, la grâce exquise de ces chevelures retroussées sur
des nuques provocantes, tous ces raffinements d’un art très subtil
et très naturel, plein de souplesse et de force, art bien français,
dont on chercherait vainement ailleurs l’équivalent et dont Watteau
a été le maître inimitable.

Il y a aussi bien de l’esprit et de l’élégance chez Fragonard,
mais ses brillantes qualités sont trop souvent déparées par l’exécu-
lion hâtive et trop sommaire d’improvisations qui ne sont pas
suffisamment soutenues par l’étude directe de la nature. Avec celle
de Watteau, dont il est le disciple inconscient, on sent qu’il a subi
les influences combinées de Chardin et de Boucher, qui furent ses
maîtres, de Tiepolo, qu’il put admirer à Venise, et d’ITubert Robert,
avec lequel il voyagea en Italie. En dépit de ces actions multiples,
dont la trace est restée visible dans son talent, il a son tempérament
et son originalité propres. Mais, incapable de régler une facilité
exubérante qui lui permettait d’aborder tous les genres, il se dis-
persa dans tous, sans en approfondir aucun. Parfois, en présence de
la nature, oublieux pour un moment de son expéditive virtuosité, il
s’applique à rendre simplement et de son mieux ce qu’il voit et
manifeste un sens très personnel. On croirait, au premier aspect,
que les deux sépias de la collection Dutuit : Le Jardin public et
VAllée de platanes sont des études faites en Provence, aux environs
de Grasse, sa ville natale; en y regardant de plus près, on reconnaît
qu’il n’y a là que des réminiscences, des arrangements composés
avec des éléments pittoresques tirés de ses cartons; n’étant pas
maintenu par la vue de la réalité, Fragonard s’abandonne à sa verve
excessive et donne un peu trop libre cours à son imagination. Avec
un brin de manière, il est ici, comme d’habitude, plaisant à voir,
alerte, adroit, vif et piquant.

Le superbe lavis au bistre de Paul Véronèse est une étude magis-
trale, très large et très explicite pour la grande composition de
Saint Sébastien partant pour la guerre sainte malgré les supplica-
tions de sa famille, tableau qui se trouve à Venise dans l’église consa-
crée à ce saint. On y retrouve les nombreux personnages, les riches
costumes et les belles architectures qu’affectionnait l’artiste. C’est
bien là un dessin de coloriste, et il semble qu’au travers de sa brune
monochromie on découvre les tonalités variées de l’original. Le ciel,
très monté, sur lequel les monuments s’élèvent très franchement en
clair, est caractéristique pour Véronèse, qui, d’ailleurs, s’est, sur ce
point, inspiré d’un des aspects les plus décoratifs de Venise et en a
 
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