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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
qua le classement. Le Louvre n’avait pas cessé depuis cette époque
cle rêver à ce morceau de roi (un rapport remis, il y a un an à peine, à
M. Waldeck-Rousseau, alors ministre des cultes, pourrait en témoi-
gner). Mais les « voies administratives » n’étaient pas en l’espèce
les meilleures pour arriver au but souhaité. L’intervention toute
gracieuse delà famille de Bonnières, qui avait conservé sur ce bas-
relief une sorte de propriété ou de tutelle morale, l’empressement
de la commune à écouter ses avis, ont, en quelques jours, amené
la conclusion d’une convention en vertu de laquelle, moyennant
l’exécution d’une copie en marbre qui remplacera l’original dans
la chapelle d’Àuvillers et la constitution d’une rente perpétuelle, le
Louvre est devenu, dans l’intérêt commun, légitime et reconnais-
sant possesseur d’un des morceaux les plus caractéristiques d’un
maître qui ne compte sans doute pas parmi les plus grands du qua-
trocento, mais qui est fort rare dans les musées d’Europe. Le
Louvre possède aujourd’hui, avec le musée de Y Opéra del Duomo à
Florence, les meilleurs morceaux qu’on connaisse de lui.
Je réserve pour une autre occasion ce qu’il y a lieu de dire ou de
discuter à propos du Bambino, frère de celui de San Lorenzo de Flo-
rence, dont le musée ne possédait encore qu’une variante fort
réduite, provenant du baron Davillers. On sait la fortune singu-
lière qu’eut au xve siècle cette figure de l’Enfant bénissant et la part
décisive qui revient à Desiderioda Settignano dans l’histoire de l’évo-
lution de ce thème délicieux. Qu’il me suffise pour le moment cle
rappeler, entre autres travaux consacrés àce chapitre de l’histoire de
la sculpture italienne, la dissertation de Siegfried Weber [Die
Entwickelung des Patto in der Plastik der Frührenaissance, Heidel-
berg, 1898), et surtout les études de M. Bode ( Versuche der Ausbildung
des Genre und des Putto), réimprimée dans son récent volume : Flo-
rentine!' Bildhauer der Renaissance (Berlin, 1902).
Le Scipion de la collection Rattier était célèbre avant d'entrer au
Louvre. Légué au musée en nue propriété, avec réserve d’usufruit
au profit du frère du donateur, il vient occuper la place qui lui était
destinée. Sous quel nom devra-t-il être inscrit sur nos catalogues?
Bode l’a attribué à Verrocchio; Paul Muller-Walde inclinait vers
Léonard, et le dernier historien de Verrocchio, M. Hans Mackowsky
semble pencher aussi vers cette hypothèse. Si je résiste à l’une et à
l’autre attribution, et si même je confesse qu’à vivre avec cette
œuvre brillante et fameuse j’en suis venu peu à peu à l’admirer
moins absolument que les juges et critiques éminents qui s’en sont
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qua le classement. Le Louvre n’avait pas cessé depuis cette époque
cle rêver à ce morceau de roi (un rapport remis, il y a un an à peine, à
M. Waldeck-Rousseau, alors ministre des cultes, pourrait en témoi-
gner). Mais les « voies administratives » n’étaient pas en l’espèce
les meilleures pour arriver au but souhaité. L’intervention toute
gracieuse delà famille de Bonnières, qui avait conservé sur ce bas-
relief une sorte de propriété ou de tutelle morale, l’empressement
de la commune à écouter ses avis, ont, en quelques jours, amené
la conclusion d’une convention en vertu de laquelle, moyennant
l’exécution d’une copie en marbre qui remplacera l’original dans
la chapelle d’Àuvillers et la constitution d’une rente perpétuelle, le
Louvre est devenu, dans l’intérêt commun, légitime et reconnais-
sant possesseur d’un des morceaux les plus caractéristiques d’un
maître qui ne compte sans doute pas parmi les plus grands du qua-
trocento, mais qui est fort rare dans les musées d’Europe. Le
Louvre possède aujourd’hui, avec le musée de Y Opéra del Duomo à
Florence, les meilleurs morceaux qu’on connaisse de lui.
Je réserve pour une autre occasion ce qu’il y a lieu de dire ou de
discuter à propos du Bambino, frère de celui de San Lorenzo de Flo-
rence, dont le musée ne possédait encore qu’une variante fort
réduite, provenant du baron Davillers. On sait la fortune singu-
lière qu’eut au xve siècle cette figure de l’Enfant bénissant et la part
décisive qui revient à Desiderioda Settignano dans l’histoire de l’évo-
lution de ce thème délicieux. Qu’il me suffise pour le moment cle
rappeler, entre autres travaux consacrés àce chapitre de l’histoire de
la sculpture italienne, la dissertation de Siegfried Weber [Die
Entwickelung des Patto in der Plastik der Frührenaissance, Heidel-
berg, 1898), et surtout les études de M. Bode ( Versuche der Ausbildung
des Genre und des Putto), réimprimée dans son récent volume : Flo-
rentine!' Bildhauer der Renaissance (Berlin, 1902).
Le Scipion de la collection Rattier était célèbre avant d'entrer au
Louvre. Légué au musée en nue propriété, avec réserve d’usufruit
au profit du frère du donateur, il vient occuper la place qui lui était
destinée. Sous quel nom devra-t-il être inscrit sur nos catalogues?
Bode l’a attribué à Verrocchio; Paul Muller-Walde inclinait vers
Léonard, et le dernier historien de Verrocchio, M. Hans Mackowsky
semble pencher aussi vers cette hypothèse. Si je résiste à l’une et à
l’autre attribution, et si même je confesse qu’à vivre avec cette
œuvre brillante et fameuse j’en suis venu peu à peu à l’admirer
moins absolument que les juges et critiques éminents qui s’en sont