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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 6
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Cochin, Henry: Quelques réflexions sur les Salons, [1]
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0498

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS

excellence sa relation personnelle aux choses. Le dessin est surtout
personnel et subjectif. La nature ne donne point de dessin, et ne
connaît point de lignes; le dessin est la conception qu’a le peintre
des interruptions et des intersections de la nature, c’est la droite ou
la courbe qui rend exactement sa pensée, c’est la signature de son
esprit, c’est, a-t-on dit, le « paraphe de l’artiste ». Car l’œuvre d’art
est mixte : le corps et l’âme y ont tous deux leur part. Ce qu’a conçu
la pensée, elle l’a reçu des yeux, elle l’exprime avec des muscles
et des nerfs.

Quand Simone di Martino (je reviens à mes Siennois) dessina
et enlumina pour Pétrarque le portrait de Madame Laure, amante
idéale, toujours aimée, toujours admirée, malgré la fuite des mois
et des années, Pétrarque nous a dit où et comment il en conçut
l’image. Pendant mille ans, il eût pu la contempler sur terre, sans
jamais entièrement comprendre son ineffable beauté. Il fallut qu’il
montât jusqu’au Paradis, en un ciel platonicien, où siègent, éter-
nelles, les Idées :

Tvi la vide, e la rilrasse in carte.

« Il la vit face à face, et puis la dessina ».

Voilà certes bien des embarras pour nos peintres de tous nos
Salons, et une bonne étude ou de plein air ou de modèle à l’atelier
leur paraît bien suffisante, sans faire visite aux Idées dans les Paradis
philosophiques. Et pourtant dessiner ou peindre un objet sensible,
un arbre, une maison, un être humain, c’est le distinguer de tous
les autres, l’isoler et le considérer suivant ses caractères absolus.
Voir ainsi l’objet et le peindre en telle façon que les lignes et la
couleur aient aussi de l’absolu et semblent les seules possibles, les
seules appropriées à l’expression de ses caractères, ce sera sans doute
avoir fait un chef-d’œuvre, — le « chef-d’œuvre inconnu » de Balzac
peut-être, un chef-d’œuvre rêvé. Mais toute œuvre simplement
bonne tient, en quelque chose, de ce chef-d’œuvre-là.

Aussi, si encore une fois nous venons aux exemples, nous nous
apercevrons que la conception d’un véritable artiste variera, et son
exécution aussi, suivant les types des objets qu’il lui faut repré-
senter. Oui, sa « main » même, cette « main » dont nous avons loué et
dont nous savons reconnaître les lignes et les touches, voudra trouver
des détours et des adresses nouvelles, suivant les pensées et les
images qui sollicitent son opération. Je vous proposerai d’exami-
ner, à ce point de vue, les beaux tableaux qu’a envoyés cette année
M. Besnard. Vous vous plairez aux fraîches verdures de ces petites
 
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