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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 29.1903

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Nr. 6
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Bertaux, Émile: Victor Hugo, [1]: artiste
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https://doi.org/10.11588/diglit.24811#0509

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468

GAZETTE DES BEAUX-ARTS

1

Les premiers dessins de Victor Hugo sont des caricatures. Vers
1825, l’auteur des Odes s’amusait à tracer au beau milieu d’un papier
le contour d’un œuf sur lequel « un angle aigu et deux crochets
font office d’un nez, d’un œil et d’une bouche »; la pointe de l’œuf
s’enfonce dans une vaste cravate, plissée sur une boule qui est un
ventre; le tout représentait L'Homme moral, ce sujet respectueux
du roi de la Sainte-Alliance, dont l’importante rondeur éveille, pour
Burty, l’image « d’un serin chauve qui digère son millet ». La
même cravate, sur un autre papier, sert de piédestal à un M. Royer-
Collard, qui avance en carré son menton doctrinaire. Les dons de
physionomiste qui éclatent dans ces charges volantes, Victor Hugo
aurait pu les préciser par les plus simples études à tête reposée.
Il trouvait à son foyer même un professeur de dessin correct :
Mme Victor Hugo avait un talent d’amateur aussi délicat que distin-
gué. Dans une lettre de 1836, un familier de la maison de la place
Royale raconte qu’il trouvait la vicomtesse Hugo, comme on l’appe-
lait, « toujours enfouie dans son dessin ». La femme du poète a laissé
de charmants portraits de famille, soigneusement finis à la mine de
plomb : quelquesjours avant l’accident tragique de Villequier, elle avait
fixé sur deux pages d’album les traits de sa fille Léopoldine, toute
radieuse de son nouveau bonheur, et ceux de Charles Vacquerie,
ee jeune homme aux yeux clairs et au front grave, qui voulut suivre
sa femme dans les eaux mortelles du fleuve.

Le poète n’apprit rien de ce que savait cette artiste timide et
cette âme résignée dont il fit le « témoin de sa vie », mais non le
compagnon. D’ailleurs, dessinateur ou dramaturge, Victor Hugo
n’avait pas la curiosité du portrait. Les antithèses, les discours et
les métaphores qui composent la suite magnifique des rôles qu’il a
écrits ne se précisent pas devant ses yeux en un profil distinct. Les
personnages de ses drames gardent pour l’auteur le visage que leur
a prêté l’acteur.

Entre tous les noms sonores que Victor Hugo a distribués à ses
grands seigneurs, à ses manants, à ses esclaves, un seul a tenté sa
plume de dessinateur : c’est un comparse muet, l’ami de don César
de Bazan, qui reste dans la coulisse, attablé devant son cabaret
d'honneur; c’est le seigneur Goulatromba. Ce fantoche reparaît jus-
 
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