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Grand-Carteret, John
Les moeurs et la caricature en France — Paris, 1888

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https://doi.org/10.11588/diglit.9066#0054

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2S

LES MŒURS ET LA CARICATURE EN FRANCE

babillards, importuns, et même quelque peu fabulistes, suivant une légende
du moment.

Qui ne se souvient d'avoir vu au moins une caricature sur l'arbre de Cra-
covie, cet arbre du Luxembourg- à l'abri duquel, lors de la guerre de Sept
Ans, les bourgeois venaient causer politique, apprendre ou débiter des nou-
velles, si bien que ce vénérable ancêtre, planté, dit-on. par Marie de Médicis,
ne tarda pas à devenir l'emblème vivant des fausses nouvelles, des bourdes,
et autres cracs. La vérité déracinant, déboulonnant, si l'on préfère, cet
arbre devenu l'arbre des Cracs, donna naissance à plusieurs estampes dont
la plus curieuse nous montre une réunion d'humains de tous les états, de
tous les rangs, avec légendes explicatives : Un cabaretier qui ne frelate
point, Crac;— Un marchand qui vend en conscience, Crac; — Un astrologue
qui voit clair, Crac; — Un petit-maître modeste, Crac^. — Crac ici, crac
là-bas ; crac partout.

// faut prendre patience, avait dit le xvnc siècle dans sa résignation phi-
losophique: le xvm° siècle, plus émancipé, plus sceptique, affichait haute-
ment que tout était blague — beaux sentiments comme bruyantes protesta-
tions d'amitié — et il popularisait ainsi le type de M. de Crac.

De caricatures visant la majesté royale, il en existe encore moins contre
Louis XV que contre Louis XIV ; cela tient au fait que la politique du nou-
veau monarque était plus pacifique, qu'il ne déchaîna pas contre lui les
haines étrangères de son prédécesseur. Chansonnées, les reines du jour, la
Pompadour, la Du Barry, furent plus à l'abri de la satire crayonnée, parce
que cette dernière ne circule pas aussi facilement que le libelle ou l'épi-
gramme . Cependant, grâce à la place que les animaux tenaient dans l'illus-
tration, de petites feuilles gravées avec poissons et caniches attirèrent
forcément l'attention.

Seul, un membre de la famille royale pouvait pousser plus loin la satire :
c'est ce qui eut lieu au château des Condé, à Chantilly, où des arabesques
vinrent représenter les amours de Louis XV et de Mm0 Du Barry, le roi
apparaissant sous la figure d'un caniche et sa favorite sous la peau d'une
guenon.

Ceci m'amène à la véritable illustration comique de l'époque. Les estampes
populaires, les estampes sur les événements du jour, ne rendent, en effet,
qu'imparfaitement l'esprit de ce siècle qui allait voir la grande débâcle, dont
les habitants, sceptiques et railleurs, se laissaient aller à la douceur du

1 Également reproduite dans Le xvnp Siècle, de Paul Lacroix.
 
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