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Grand-Carteret, John
Les moeurs et la caricature en France — Paris, 1888

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https://doi.org/10.11588/diglit.9066#0186

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Ib4

LES MŒURS ET LA CARICATURE EN FRANCE

Faut-il donc s'étonner qu'en pleine Restauration des artistes se soient
levés pour protester contre ces lâchetés inutiles, et même pour prendre la
défense de « l'Ancien » ? Aujourd'hui, je le sais, il est de bon goût de tourner
en ridicule ces naïfs d'un autre âge, ces passionnés, gens de lutte et de
conviction. Charlet, pour nommer le premier en rang du quatuor Charlet —
Bellanger — Horace Vernet — Raffet, a été particulièrement visé. Beaudelaire,
dans ses Curiosités esthétiques, voit en lui un petit esprit, qui a toujours
fait sa cour au peuple, qui a tiré toute sa gloire de l'aristocratie du soldat.
« Ce n'est pas un homme libre, » dit-il, « c'est un esclave ; ne cherchez pas en
lui un artiste désintéressé. Un dessin de Charlet est rarement une vérité ;
c'est presque toujours une câlinerie adressée à la caste préférée. Il n'y a de
beau, de bon, de noble, d'aimable, de spirituel, que le soldat. Charlet
affirme que le tourlourou et le grenadier sont la cause finale de la création.
A coup sûr, ce ne sont pas là des caricatures, mais des dithyrambes et des
panégyriques, tant cet homme prenait singulièrement son métier à rebours.

« Relativement au calotin, c'est le même sentiment qui dirige notre partial
artiste. Il ne s'agit pas de peindre, de dessiner d'une manière originale les
laideurs morales de la sacristie, il faut plaire au soldat-laboureur : le soldat-
laboureur mangeait du jésuite. »

Bref, la conclusion de Beaudelaire est que Charlet fut un homme très arti-
ficiel, qui a simplement imité les idées du temps, qui a décalqué l'opinion,
qui a découpé son intelligence sur la mode.

Et, à son tour, Champfleury consacrant quelques lignes à cet artiste dont
le rôle a été si grand sous la Restauration, le traite de « dessinateur besoi-
gneux, d'esprit trivial qui abusait des facilités de la pierre lithographique
pour y pondre soldats et enfants. »

Or, en s'exprimant ainsi, Beaudelaire et Champfleury n'ont rien inventé,
car l'auteur du Rivarol de 1842, dont les opinions royalistes sont connues,
avait, dans son Dictionnaire des célébrités, apprécié comme suit l'œuvre
de Charlet :

« C'est au talent de cet artiste que les troupiers sans-culottes de la Répu-
blique et les grognards à pompons de l'Empire doivent leur apothéose,
moitié grotesque, moitié sublime. Son crayon mérite d'être enchâssé aux
Invalides, dans un vieux bonnet à poil, et exposé à la vénération reconnais-
sante de tous ces héroïques sacripans, qu'il a si bien défigurés d'après nature. »

Il faut s'entendre. S'il est très vrai, comme le dit Champfleury, « qu'une
ligue se forma contre la Restauration qui mit les opposants en vue, les
porta, les soutint et éleva quelques-uns bien au-dessus de leur valeur, » il
 
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