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LES MOEURS ET LA CARICATURE EN FRANCE
Malheureusement, en présence des défaites qui se succèdent et que plus
rien ne peut cacher, il faut en rabattre. Le 24 août, Cham publie une
planche merveilleuse au point de vue de la couleur et du mouvement, véritable
épopée sanglante au milieu de laquelle semble apparaître l'âme de la patrie
déchirée. Un zouave, le poing fermé, tombe sur un monceau de casques à
pointe et la légende porte : « Couché !... Mais j'ai fait mon lit ! »
Il faut également lui savoir gré de sa patriotique indignation contre l'in-
différence, contre l'hébétement des petits crevés, cherchant à se faire rem-
placer, alors que tant d'hommes d'âge, Duruy, Vacherot, Charles Besley,
s'engageaient comme volontaires. Il essaye de les
prendre par l'amour-propre, montrant les femmes
qui s'insurgent contre eux, et si sa tentative ne
fut certainement pas couronnée de succès, elle
n'en doit pas moins être signalée.
— Vous avez vingt-deux ans et vous êtes en bour-
geois? Vous n'êtes qu'un lâche.
— Arthur ! Ça va bien, ma chère ?
— Gomment, ma chère? Je suis un homme!
— Pas vrai, tu serais à la frontière.
Légendes qui se lisent couramment au bas de
maintes vignettes, et qui se reproduiront souvent
jusqu'au retour des francs-fîleurs en 1872. Quoi
qu'il en soit, à cette caricature qui ne vit, qui ne
repose que sur le chauvinisme, — cause de tous
les maux de la nation, — je préfère les pages étudiées et finement observées
des feuilles mondaines, comme la Vie Parisienne, ou populaires comme
l'Eclipsé et la Charge.
Le chauvinisme dans l'image, se contente de ressasser les vieux clichés,
il est à la portée de tous. Au contraire, il faut des idées personnelles, de
réelles tendances à l'improvisation humoristique pour chercher le côté
comique et pittoresque des choses.
La Vie Parisienne, qui inaugure alors d'intéressantes caricatures poli-
tiques de Bertall, me paraît avoir mieux compris la note patriotique. Une
page de Marcelin, Nos soldats, campagne de France avec la légende : Tuez-
nous donc... bouchers, a les grandes allures d'un tableau d'histoire. Ces
Wagner, généralissime tics forces
allemandes. — On compte sur sa mu-
sique pour mettre les Françaisen fuite.
Fig. 273. — Caricature de Dra-
ner. (Éclipse, 7 août 1870.)
LES MOEURS ET LA CARICATURE EN FRANCE
Malheureusement, en présence des défaites qui se succèdent et que plus
rien ne peut cacher, il faut en rabattre. Le 24 août, Cham publie une
planche merveilleuse au point de vue de la couleur et du mouvement, véritable
épopée sanglante au milieu de laquelle semble apparaître l'âme de la patrie
déchirée. Un zouave, le poing fermé, tombe sur un monceau de casques à
pointe et la légende porte : « Couché !... Mais j'ai fait mon lit ! »
Il faut également lui savoir gré de sa patriotique indignation contre l'in-
différence, contre l'hébétement des petits crevés, cherchant à se faire rem-
placer, alors que tant d'hommes d'âge, Duruy, Vacherot, Charles Besley,
s'engageaient comme volontaires. Il essaye de les
prendre par l'amour-propre, montrant les femmes
qui s'insurgent contre eux, et si sa tentative ne
fut certainement pas couronnée de succès, elle
n'en doit pas moins être signalée.
— Vous avez vingt-deux ans et vous êtes en bour-
geois? Vous n'êtes qu'un lâche.
— Arthur ! Ça va bien, ma chère ?
— Gomment, ma chère? Je suis un homme!
— Pas vrai, tu serais à la frontière.
Légendes qui se lisent couramment au bas de
maintes vignettes, et qui se reproduiront souvent
jusqu'au retour des francs-fîleurs en 1872. Quoi
qu'il en soit, à cette caricature qui ne vit, qui ne
repose que sur le chauvinisme, — cause de tous
les maux de la nation, — je préfère les pages étudiées et finement observées
des feuilles mondaines, comme la Vie Parisienne, ou populaires comme
l'Eclipsé et la Charge.
Le chauvinisme dans l'image, se contente de ressasser les vieux clichés,
il est à la portée de tous. Au contraire, il faut des idées personnelles, de
réelles tendances à l'improvisation humoristique pour chercher le côté
comique et pittoresque des choses.
La Vie Parisienne, qui inaugure alors d'intéressantes caricatures poli-
tiques de Bertall, me paraît avoir mieux compris la note patriotique. Une
page de Marcelin, Nos soldats, campagne de France avec la légende : Tuez-
nous donc... bouchers, a les grandes allures d'un tableau d'histoire. Ces
Wagner, généralissime tics forces
allemandes. — On compte sur sa mu-
sique pour mettre les Françaisen fuite.
Fig. 273. — Caricature de Dra-
ner. (Éclipse, 7 août 1870.)